Chapitre 9

116 56 7
                                    


Elhéa n'arriva point à dormir. Elle cherchait le sommeil durant de longues heures, mais elle n'y arrivait guère. Ainsi, lorsqu'elle avait pu enfin s'endormir, elle le regretta aussitôt.

Elle avait cru que tout aurait pris fin puisqu'elle n'était plus auprès d'Aser,cependant il semblerait que pour cet être, la distance physique n'était qu'un frivole détail. En effet, l'atmosphère devint pesante et lugubre.

Elle voulait bouger, mais elle n'y arriva point et encore moins crier. Cette créature voulait la maintenir prisonnière de ses peurs , de ses craintes les plus profondes en les murmurant à ses oreilles. Elle était paralysée et il faisait ce que bon lui paraissait avec son corps.

Elle avait osé penser aussi que les abus étaient terminés, ce fut une grande illusion de sa part, car tout ce qu'elle redoutait se produisait et elle ne pouvait point y échapper. C'était la pire torture qui soit, souffrir et ne pas pouvoir y mettre un terme.

Elle avait été une esclave aux yeux d'Aser, mais elle en était une en vérité. Celle de cette créature qui attendait qu'elle soit seule toutes les nuits afin de la soumettre à sa volonté. Tout cela avait commencé un jour où elle s'était donné à un étrange individu qui avait l'allure d'un homme riche.

Elle ignorait tout simplement que c'était au prix de son âme et de sa paix. Désormais, cet être étrange la considérait comme sa femme. Il avait promis à la jeune fille que si elle décidait de se donner à un autre, il allait faire de sa vie un enfer. Elle avait conclu qu'il était en grande partie derrière les agissements d'Aser. Ce n'était guère un moyen pour justifier les actes de ce dernier. Cependant, cet homme était vraisemblablement habité par les démons.

Elle ne pouvait donc point échapper à leurs emprises, même si elle était dorénavant sur un autre continent. Ce n'était que lorsque les premières lueurs rougeoyantes du soleil firent leurs apparitions, qu'elle avait pu à nouveau bouger.

Elle fondit en larmes, de désespoirs et d'une sensation d'impuissance face à une force qui la surpassait grandement. Elle ne pouvait absolument pas la combattre et nul ne pouvait l'aider, elle n'était même pas en mesure de crier à l'aide.

Elle souffrait en silence, isoler de tous. . .

Elle dut ravaler ses larmes, lorsqu'elle entendit des pas se rapprocher de sa chambre. Elle sut discerner au simple bruit des pas qu'il était question de nulle d'autre qu'Anne.

— Sa majesté tiens à ce que vous sachiez qu'il sera absent de la journée, commença-t-elle sans prendre la peine de dire un simple bonjour. Vous pouvez aller et venir comme bon vous semble à l'intérieur et dans la cour du palais.

— Je vous remercie, répondit-elle à contrecœur.

— Toutefois, évitez les caméras si vous décidez de vous rendre dans la cour, dit-elle avant de repartir avec la même froideur quotidienne.

Elle décida qu'il était temps d'en parler au roi. Elle ne saisissait pas la raison qui poussait cette femme à faire preuve d'une telle froideur envers elle. C'était une chose qu'elle trouvait totalement insensée.

Elhéa décida de ne pas se morfondre dans cette pièce, ne désirant point montrer aux gens l'ampleur de ses afflictions. Elle prit alors le temps de prendre un bain qui dura un long moment, parce qu'elle n'avait pas pu contenir ses larmes. Ses pensées affluaient comme des vagues impétueuses qui emportaient avec elles l'écument de leurs souillures.

Les yeux toujours larmoyants, elle détressait des tresses qu'elle avait faites préalablement . Elle cachait son regard derrière sa chevelure puisqu'elle savait que son regard exprimait tout ce qu'elle essayait de garder au plus profond de son être. Même lorsqu'elle s'efforçait à arborer un sourire, lorsqu'elle essayait de ne pas montrer de la mélancolie sur son visage, cela se faisait contre sa volonté.

Elle décida de porter une robe blanche ainsi qu'un foulard de la même teinte qui cachait son visage pour ne pas attirer l'attention sur elle, car elle venait de prendre la décision de se rendre dans le jardin qu'elle avait pris le temps d'admirer depuis la fenêtre de sa chambre. Elle voulait toucher ces fleurs qui étaient aussi fragiles qu'elle. Elles étaient aussi éphémères que sa propre vie, elle voyait les fleurs de cette manière.

Toutes leurs beautés ne sont que vanité en réalité. Ce qu'elle transportait en elle était l'équivalent de ce que l'on peut facilement trouver dans une morgue. Peut-être même qu'elle faisait partie de ceux que l'on trouvait dans ce lieu ? Elle n'avait rien d'un être qui vit, tout en elle était l'expression de la mort.

Elhéa ne se sentait donc point digne d'être accueillie dans ce lieu , chez ce roi qui s'était mis dans une sourde colère lorsqu'il avait entendu une infime partie de son histoire. C'était tout à fait nouveau pour elle que l'on s'inquiète de son sort.

Assise sur un banc du jardin, elle admirait les gouttes d'eau d'une fontaine depuis plusieurs heures. Il faisait chaud, mais la chaleur était agréable. Ce beau temps contrastait paradoxalement avec la mouise de son cœur.

Elle était captivée, cependant, par des souvenirs d'elle lorsqu'elle était enfant. C'était la première fois que de tels souvenirs faisaient surface. Elle se voyait courir à la rencontre d'une femme qui tendait ses bras vers elle. Mais, le visage de cette dernière était impossible à discerner.

Il s'agissait peut-être que le fruit de son imagination débordante. Elle s'était habituée à inventer des histoires pour ne pas souffrir davantage, il semblerait qu'elle confondait la réalité et les choses qu'elle imaginait.

Rien ne paraissait pouvoir l'aider à échapper à ses tourments en fin de compte. Bien qu'elle soit dans un autre pays, toutes ses blessures et ses souvenirs étaient un rappel constant que rien ne pourra changer. Ensuite, ce tatouage qui était ancré dans sa peau ne faisait que la faire saisir que même si elle n'était plus l'esclave d'Aser, elle était toutefois l'esclave de ses souvenirs qui parlaient si fort dans ses pensées.

Rien ne changerait, elle était prisonnière de ses peurs et de ses hontes. Surtout, elle ne voulait plus oser faire confiance à qui que ce soit. On abusait toujours de sa confiance. Même ceux qui étaient censés être ceux qui devaient l'aimer le plus ne la protégèrent point, ils l'avaient plutôt vendu pour une modique somme, nul être humain ne méritait sa confiance, même s'il est roi.

𝗠𝗜𝗘𝗟 & 𝗙𝗜𝗘𝗟Where stories live. Discover now