CHAPITRE CINQUIEME (1)

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Edgar n'arrivait pas à dormir. La douleur au visage qui le rongeait depuis deux mois. Ses cauchemars les plus obsédants l'avaient hanté durant cette courte période qui avait paru pour lui durer des années. Alors qu'il s'apprêtait à ferme l'œil, il entendit un bruit étrange dans le couloir.

Il se releva aussitôt et fixa la porte d'entrée de sa chambre, habituellement ouverte afin que ses parents puissent venir l'aider en cas de besoin. Ce soir-là, il avait eu un mauvais pressentiment, et avait décidé de fermer la porte. Lorsqu'il entendit des bruits de pas terrifiants, il ne regretta absolument pas son choix.

«Edgar...»

Le petit garçon se figea : il connaissait bien cette voix, cette voix qu'il entendait tous les jours avant la mort du propriétaire de cette voix. Cette voix douce, cette voix enchanteresse, cette voix devenue macabre, lui rappelant ainsi ses pires cauchemars.

«Edgar...»

Edgar ne bougea pas, et continua de fixer la porte de sa chambre, toujours fermée. Il ne voulait pas écouter cette voix, mais il voulait à la fois savoir de qui venait cette voix. Cette voix qui le hantait depuis deux mois, depuis que son propriétaire était mort. Il voulait savoir qui se cachait derrière cette voix terrifiante.

«Edgar...»

Le garçon dit doucement :

«C'est toi, Tabata ?»

Soudain, Edgar ne fit plus un seul bruit : les pas s'étaient arrêtés de résonner dans le couloir, et ceux-ci semblaient s'être interrompus juste en face de la porte de sa chambre.

«Edgar ?»

Le ton interrogatif de la voix glaça le sang du garçon, gardant désespérément son œil unique ouvert. C'est alors que la poignée s'abaissa lentement...très...très lentement. À ce rythme-là, une tortue aurait pu faire le tour du couloir. Lorsque la porte s'ouvrit, Edgar put voir la personne qui l'appeler par son prénom. Durant ces deux mois de torture psychologique, il avait refusé de croire à cela, et pourtant, c'était bien vrai : Tabata était revenu d'entre-les-morts, pour revoir Edgar une dernière fois.

Ce que vit le garçon fut atroce, la jeune femme auparavant si belle avait la robe de chambre complètement déchirée, des gouttes de boue écœurantes tombaient de ses cheveux hirsutes. Sa peau était recouverte d'un mélange de terre, de boue et de sang. Tapissés de griffure, le bras droit de Tabata tremblait, comme un malade atteint de la maladie de Parkinson. Et ses yeux...mon Dieu, ses yeux ! Si Edgar voulait oublier quelque chose, c'était bien ses yeux ! Des yeux globuleux, ressortant de leurs orbites, fixant le petit garçon d'un air mauvais, une énorme veine ayant explosé à l'intérieur, changeant le blanc de l'œil en rouge. Ses yeux fixaient le petit garçon d'un air coupable, d'un air de dire «Pourquoi ne m'as-tu pas aidé ? Tu sais pourtant que je t'aime tellement.». Effectivement, face à la vision du cercueil de la jeune nourrice encore vivante et pas encore plongé dans la terre, Edgar aurait pu faire quelque chose, mais comme actuellement, il était figé par la peur et l'incompréhension. Il entendait les cris de Tabata, les coups donnés contre le cercueil, mais il ne pouvait rien faire.

Edgar ne pouvait plus bouger, cette vision fantomatique l'avait tétanisé, et même s'il venait à mourir, il ne pourrait pas lutter.

Soudain, le visage colérique de Tabata se changeant en un regard doux, plein de tendresse comme elle avait l'habitude de faire de son vivant. Elle tendit les bras vers l'avant, comme pour embrasser le garçon, avant de dire :

«Mon bébé, comme je t'aime !»

En un instant, Tabata se mit à hurler et sauta sur le garçon qui fut incapable de hurler à l'aide. Si ses parents n'arrivaient pas, sans doute était-il le seul à entendre les hurlements de Tabata disant :

«Je ne suis pas morte ! Je suis bien vivante, Edgar, tu m'entends ? Je ne suis pas morte !»

La panique s'empara du jeune garçon et sa tête se mit lentement à tourner. Il se rendit vite compte que cela était la fin, mais il abandonna le combat, et se laissa atterrir délicatement entre les bras de Morphée pour l'éternité...


Les gardiens des murs et le passe-murailleWhere stories live. Discover now