CHAPITRE ONZIEME

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Lorsque Lucy se leva ce matin-là, elle sut que le Castel était perdu. Elle avait donné toute son énergie les journées précédents, interrogeant les autres membres du château tout en essayant de conserver une sérénité dans les lieux (obstination vaine puisque cette fameuse sérénité avait complètement disparue depuis la réunion dans la salle à manger de la veille). Mais en une soirée, elle avait perdu confiance en Mme Sanders, avait engendré des conflits entre les différents esprits du Castel, avait vu Anatole devant elle sans pouvoir l'aider et avait manqué de se faire emmener dans le monde des ténèbres. C'était peine perdue !

Lucy descendit les escaliers et rejoignit les autres dans la salle à manger où régnait un grand silence. Personne n'osait s'adresser la parole depuis la querelle d'hier soir. Jeanne jetait des regards noirs à Charlie qui les lui rendait, Anne Janneton ne s'adressait plus à Annie et Mme Sanders n'était plus si proche de Mr Sharp. Même Adam et Eve ne s'adressaient plus la parole. Toute occasion de faire la paix était révolue. Désespérée, et ne pouvant se contenir, Lucy s'effondra au sol, plongea son visage entre ses mains et pleura à chaudes larmes. Tout le monde la regarda d'un œil triste, sans rien dire. Seule Jeanne se leva et prit la jeune femme par l'épaule pour l'amener jusque dans sa chambre.

Une fois arrivée à l'intérieur, Jeanne laissa son amie s'allonger dans son lit et s'assit à ses pieds. Elle la regarda avec un grand sourire.

- Allons, Lucy, détend-toi. Il faut que tu sois prête à affronter le danger pour nous protéger.

- Tout est perdu, Jeanne, dit Lucy en pleurnichant.

- Pourquoi dis-tu ça ?

- Plus personne ne se parle, j'ai failli me faire tuer une seconde fois par une étrange force démoniaque, j'ai même vu Anatole sans être capable de le sauver.

- Tu as vu Anatole ?!

La jeune femme raconta à Jeanne ce qu'elle avait vu dans les couloirs du premier étage, les étranges retrouvailles avec Anatole et la force qui l'avait tiré vers l'obscurité.

- Ça donne froid dans le dos. Mais dans ce cas-là, si tu as surmonté ça, tu pourras surmonter encore plein d'autres choses.

- Mais je n'en peux plus, Jeanne, je suis exténuée, Je ne peux plus tout faire toute seule, j'ai besoin d'aide...et personne à part toi acceptera de m'aider.

- Parce que je ne représente pas grand chose pour toi ?

- Bien sûr que si mais...

Lucy ne termina pas sa phrase et vit son amie lui sourire naïvement.

- Allons, détend-toi, je rigole. Il faut que tu retrouves cette soif d'aventure et de connaissance qui te caractérise. À deux, on peut largement surmonter la menace.

- Je ne te crois pas.

Jeanne haussa les épaules et se leva doucement.

- Tant pis, dans ce cas-là nous ne ferons rien. Tu veux faire partie des gens qui ne font rien de leur mort ?

Lucy se mit debout immédiatement : Jeanne avait touché son point faible.

- D'accord, je te suis sur ce coup-là.

- Eh bien voilà la Lucy que je cherchais. Allons, en route, peut-être que Harvey pourra nous aider.

Les deux jeunes femmes quittèrent leur chambre et Lucy vit soudain quelque chose qui la figea : le Passe-Muraille venait de traverser la porte d'entrée du Castel. Elle s'accrocha à la robe de chambre de son amie avant de dire :

- Tu as vu la même chose que moi ?

- Je pense...oui.

Lucy lâcha Jeanne et glissa assise sur la rampe d'escalier.

Les gardiens des murs et le passe-murailleWhere stories live. Discover now