Chapitre 1; Part 3

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J'arrive aux blocs, je m'agrippe à la rambarde et enjambe les marches deux par deux. En entrant, je trouve Lyra en plein effort: elle frotte un plat à l'aide d'un torchon, pieds nus appuyés sur une caisse en lattes de bois. Elle s'est déchirée son pantalon au niveau de la ceinture ce qui lui fait un trou sur la fesse, la bretelle de son débardeur s'est arrachée en prenant au passage un morceau dans le dos.

- Donne ton pantalon je vais te le recoudre, proposais-je.

Lyra pose sa gamelle pour le retirer. Elle s'assoit sur une chaise en attendant. Déployant mon tissu sur son genou, je constate que je n'en ai pas pris assez. Je récupère la boîte en métal posée posée sur une étagère nichée dans le mur. Elle contient tout un tas de bibelots de couture comme un aimant pour récupérer les aiguilles, des dés à coudre en fer, des épingles à nourrice... Tout ça pourrait être revendu ou échangé mais ma mère n'en démord pas : tout ce qui est dans cette boîte reste dans la boîte. 

Passant le fil dans le chas de l'aiguille, je commence à coudre le tissu sur son pantalon. Le ton n'est pas le même, avec le temps la démarcation s'estompera. L'aiguille s'agite sous mes mains, ne tardant pas à tracer son lignage. A force de pratique, le coup de main est plus rapide et appliqué. Il me reste un petit bout que je torsade pour m'en servir de fixation pour sa bretelle. L'ingéniosité permet de faire des économies mais mon entreprise ne tiendra pas long feu avant que je retourne lui racheter un carré. J'espère que d'ici là elle n'aura pas fait d'autres dégâts. Je ne suis pas mécontent du résultat. Ma mère nous a appris à coudre pour des cas comme celui-là. Caeli voudrait même qu'on abîme nos vêtements plus souvent pour pouvoir s'entraîner. Il a déjà proposé de retrousser des habits des voisins à condition qu'ils fournissent le fil.

Je termine mon point avant de casser le fil de mes dents. Je tend le pantalon à ma sœur qui peut se rhabiller. Le passant, elle se tortille pour le passer. Les coutures sont trop serrées, elle jura même que son pantalon a perdu une taille et qu'il lui sera difficile de courir avec si elle en a besoin. Qu'elle se rassure: vu les maigres finances qui rentrent dans le foyer, leur régime contraint va vite rendre son pantalon à sa taille. Pour compenser cette erreur, je lui propose d'aller fouiller dans le tiroir de ma commode en quête d'un pantalon. De mémoire il en reste un trop petit pour moi.

- Je ne veux pas d'un pantalon trop grand et ne me dit pas qu'en grandissant il m'ira. J'arrive à rentrer mes deux cuisses dans une seule jambe.

- Comme tu veux.

Lyra croise les bras sur sa poitrine. Ce n'est pas toujours facile de passer après ses aînés. Lorsque notre frère était encore là, je récupérai tous ses vêtements. Lyra se retrouve bien embêtée avec les miens: nous n'avons pas la même corpulence ni la même taille si bien que sa garde-robe noie sa petite carrure.

- Si tu trouves de la corde, tu pourras me faire une ceinture ?

- Je verrai ce que je peux faire.

Cette promesse suffit à lui redonner le sourire, elle me passe à côté pour monter à l'étage en quête de ce fameux vêtement. Trouver de la corde n'est pas chose aisée. J'allais en voler au port avant, sur les bateaux mais j'ai arrêté le jour où mon père m'a expliqué que c'était immoral de voler des pêcheurs: on ne vole pas la main nourricière. Même si les pêcheurs vivent légèrement mieux que nous avec les autres artisans, ils ne roulent pas sur l'or non plus. Je ne sais pas trop où chercher de la corde et une ceinture classique est clairement au-dessus de nos moyens. Voilà mes tracas. Je m'inquiète pour trouver des vivres. C'est tellement dérisoire lorsque je pense aux problèmes que peuvent avoir certains. S'inquiètent-ils de ne pas trouver de quoi s'habiller ? Ça, et aussi de quoi manger ? Cette vie peut paraitre bien isolante mais je sais au fond de moi que nous ne sommes pas les seuls . Ce qui me fait penser que nous n'avons rien à manger pour le déjeuner, notre maigre collation de la veille ne suffira pas à nous faire tenir jusqu'au souper si tant est que nos parents ramènent quelque chose ce soir...

Lyra se rhabille et examine le trou dans son débardeur, elle récupère un t-shirt à Noah dans l'armoire. Le seul avantage de son départ a été de nous laisser quelques affaires. Il m'arrive de me demander ce qu'il advient de lui, où est-il ? Que fait-il ? Va-t-il bien ? Je n'ose pas penser au pire, comme tout le monde, alors j'évite d'y penser. J'aide Lyra a finir ses corvées pour faire passer la matinée avant d'aller chercher notre frère.




L'Organisation [ TERMINÉE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant