Chapitre 22; Part 1

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ADE

     Je me réveille en retard. J'ai passé la nuit à pleurer, j'ai dû m'assoupir il y a deux heures. La maison est plongée dans le noir, j'ai passé ma soirée à la contempler pour me souvenir de chaque bibelot posé sur les étagères, chaque petit détail de sa décoration, les objets futiles qu'elle a pu entasser au fil des années. J'essaye de me souvenir de l'odeur de la maison, de forcer mon cerveau à se souvenir du toucher du linge, tout ce qui est lié à elle ou à cette maison, je dois m'en souvenir. Je retarde au plus possible le moment du départ, quitte à être en retard à l'Organisation, ce qui est le cadet de mes soucis. J'aurais pu embarquer n'importe quelle babiole dans mes poches, histoire d'avoir un objet auquel me raccrocher mais je ne préfère pas. C'est mieux ainsi. Avec je serais tout le temps bloqué à ce moment de tristesse. Je préfère me remémorer les bons moments dans les mauvais. Je quitte à contrecœur la maison de mon enfance, la maison où j'ai passé ma vie jusqu'à présent, je quitte celle qui m'a éduqué, celle qui m'a aimé, qui a fait de moi ce que je suis aujourd'hui, qui je suis. Je quitte une partie de ma vie pour la mener seule désormais.

     J'arrive en retard à l'Organisation. Les autres recrues sont parties je ne sais où. Je demande à un natif s'il les a aperçu mais il m'a informé qu'ils avaient déjà levés le camp pour la Draperie. Je pars me changer en vitesse pour rattraper mon retard. J'ignore ce qu'il fallait prendre, je me suis renseigné grâce au matériel manquant dans l'armoire. Je m'avance dans le hall, arme au poing, à la ceinture, protection par-balles partout sur mon corps avant de changer de trajectoire. Pour rejoindre les quartiers populaire, habillée comme ça, je vais trop attirer l'attention des passants et des habitants. Il me faut une autre approche. Je contourne le centre-ville -même si dans cet endroit là les gens ne seraient pas choqués de voir des membres de l'Organisation- et longe les quais.Je m'active au pas de course, mes rangers résonnent sur le bitume, ou la terre par endroit. Je regagne le secteur des marchés vraiment en retard. J'essaye d'accélérer le pas, je peux entendre dans l'oreillette Caden hurler après moi, personne ne sait où j'étais. Je suis presque arrivée. Je baisse la tête en étant dans les rues, j'évite le regard des passants et continue ma course. Je m'arrête dans un recoin où je vérifie que personne ne m'écoute.

- Ici Ade. Quelle est votre position ? Je suis à l'angle de la rue des poteries et de celle des épices.

- Recrue où étais-tu ? Tu es retard ! Nous sommes aux étages de la Draperie. Garde ta position j'envoie quelqu'un.

- Bien reçu.

     Je reste appuyée au mur tout en restant en retrait. Je garde mon arme dissimulée derrière ma jambe pour ne pas trop attirer les regards. J'attends impatiemment d'être rejointe, j'ignore l'issue de cette mission et si jamais ça tourne mal, je ne voudrais pas me retrouver seule.

     Au bout de minutes qui m'ont parut interminables, Born apparaît derrière moi, me surprenant.

- Alors, panne d'oreiller ce matin ? T'as créché où ?

- Viens on dégage d'ici.

     J'agrippe son bras pour le tirer dans la direction d'où il est arrivé. Sur le chemin je me renseigne sur le contrat, sur ce que nous devons faire... Tout pour éviter que Born ne me questionne sur la nuit dernière. Je reste concentrée sur la mission du jour pour éviter de trop penser à elle et me mettre à pleurer. Born me ramène aux escouades, nous sommes passés par un escalier dérobé derrière des rideaux. Les recrues se sont placées sur une balustrade qui surplombe la Draperie. On peut y voir tous les étalages, les allées, les commerçants... C'est très grand et très beau. Il y a une verrière qui donne une lumière extraordinaire. Et les tissus qui sont accrochés de toute part sont magnifique. Jamais je n'étais venue dans cet endroit, les courses c'est ma grand-mère qui les faisaient. Je n'étais pas en mesure de négocier, c'était un travail d'adulte. Donc jamais je ne me suis attardée dans ces quartiers. Je comprends mieux pourquoi Loan adore tellement venir ici. C'est dommage qu'il ne puisse pas encore sortir. Avec la perte de ma grand-mère, ma colère envers lui -et les filles, et un peu Noah- s'est estompée. S'ils ne veulent pas nous voir pour se remettre, très bien. Ce n'est pas grave. Je suis plus préoccupée par ce qu'il va advenir de mon ancienne maison, savoir si elle va être démolie ou réhabilitée pour devenir un centre d'accueil. Dans les quartiers populaires, les maisons des défunts deviennent en général des centres pour les plus nécessiteux. Mais dans la plupart des cas elles sont démolies pour laisser un terrain vague.

     Je rejoins les autres, Cirkel, Kate, Matt, Born et moi. Bajra est avec d'autres recrues à l'opposé de notre position. A part Cirkel et Born qui se préparent, les recrues sont allongées ou assises, lunettes en vue à observer le marché. Cirkel s'avance vers moi pour me tirer à leur planque. Je manque de tomber mais je crois que c'était le but. Elle tire sur son oreillette pour la retirer.

- T'étais où ? Les instructeurs sont furieux. Putain Ade, évite de t'attirer des ennuis.

- C'est quoi le contrat du jour ? J'essaye d'esquiver au maximum sa question.

- Pour l'instant rien. On doit surveiller le marché. On n'a pas plus d'indications.

     Elle remet son oreillette et n'insiste pas. Elle me lance néanmoins un regard pour que je vienne lui parler ultérieurement. Je lui souris légèrement et me mets en place. Je ne vois pas ce que nous devons surveiller. Les gens font leurs affaires, les marchands travaillent. Je me fait discrète et observe la Draperie jusqu'à ce qu'une instruction soit donnée.

     Au bout de ce qui me paraît une éternité, un natif nous rejoint. Il s'adosse derrière les voilages pour ne pas être vu par les habitants.

- Ok, on ne va pas tarder à donner l'assaut. Les recrues qui faisaient le guet dehors sont en position. Ceux en face sont en train de descendre.

- L'assaut ? Quelle est la mission recrue ? Questionne Cirkel. Ça n'a pas l'air de plaire au natif qui est bien plus âgé que nous, mais après tout c'est Cirkel notre chef.

- Je l'ignore. J'ai reçu l'ordre de Kelsey. Gardez votre position.

     Nous restons à nos places, observant inlassablement les allées du marché, les déplacements des gens sans trop savoir ce que nous devons faire. On aperçoit les autres recrues quitter le bâtiment en restant en retrait. Ils s'abritent dans un recoin entre des caisses d'où j'entrevois Bajra. D'un côté je suis contente qu'il soit en terrain familier, peut-être a-t-il vu des proches ou des membres de sa famille, mais d'un autre côté j'appréhende ce que nous allons faire ici.

- Recrues, vous êtes en position ? Interviens Caden.

- Affirmatif.

- La cible sort d'une réserve à quatorze heures.

     Nous pivotons d'un quart de tour pour ajuster nos lunettes et mieux voir le contrat. Je ne vois qu'une femme, d'âge mûr, foulard sur la tête,vêtements dépareillés, à l'image du quartier. C'est la première fois que nous avons une femme comme contrat. D'ordinaire nous avons affaire à des hommes d'affaire fortunés, des beaux quartiers, on est bien loin de cette ambiance là.

- Vous avez la cible en vue ?

- Affirmatif. La femme est seule ou nous avons d'autres contrats ?

- Négatif. C'est elle le contrat. Vous êtes tous en position ?

- Oui. Nous sommes prêts. Quels sont les ordres ?

- Tuez-la.



L'Organisation [ TERMINÉE ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant