Chapitre 1; Part 4

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A l'heure du départ, Lyra m'annonce qu'elle n'a plus envie de sortir. La chaleur doublée de l'effort lui donne raison. Je la laisse à la maison pour rejoindre l'école. En sortant du bloc, je tombe sur le Rempart. Il revient du marché avec un sac rempli de provisions.  A-t-il payé pour tout ça ? Je le regarde passer avec envie, mon estomac me rappelle ma faim par des gargouillements. Arrivé à l'école, nul besoin de chercher la classe de mon frère: tous les niveaux se côtoient. L'école en elle-même n'est qu'une vulgaire tôle soutenue par des piqués en bois. Elle est aménagée de sorte que chaque élève soit assit à l'ombre.

Les rares jours de pluie, l'école reste fermée le temps que l'orage passe mais surtout le temps de la remettre en état après. La terre est façonnée des écoulements précédents, le terrain n'est pas de niveau et les piqués ne sont pas droits. Je suis un peu en avance, la classe n'est pas encore fini. Je patiente sous le seul arbre de la cour qui n'est délimitée que par les blocs voisins qui encastre l'école. La clone sonne ou du moins, l'institutrice frappe deux cailloux entre eux. Comme à son habitude, Caeli prend son temps et est le dernier à sortir. Les autres enfants partent en courant, je m'écarte pour les laisser passer. Weny, gardienne de l'éducation, me voit attendre les mains jointent devant moi. Mon frère me rejoint, le nez dans ses bouquins avant de me signifier d'attendre: il n'a pas rassemblé toutes ses affaires.

- Ça nous laisse le temps de discuter dans ce cas, me lance Weny en me rejoignant. Ça fait un bail depuis la dernière fois...

Je regarde mon frère s'éloigner, quelque peu gêné de croiser son regard. Weny et moi avons eu plusieurs rendez-vous, de très bons moments à chaque fois mais je sais pertinemment que notre relation n'ira pas plus loin. Ses parents sont infirmiers, ils possèdent un appartement dans le centre-ville. Elle a été affectée ici pour ses débuts, ce n'est qu'une question de temps avant qu'elle ne regagne les siens et retrouve son train de vie. Notre classe sociale est bien le problème: nous venons de deux mondes différents.

- J'étais pas mal occupé excuse-moi.

- Ça me fait très plaisir de te revoir.

- Moi aussi. 

J'essaye de regarder par-dessus son épaule si je ne vois pas mon frère mais il semble décidé à se faire attendre.

- Tu es pris ce week-end ? Sergeil fait un dîner au port pour les derniers jours de l'été.

Je ne peux refuser: j'ai déjà esquivé plusieurs rendez-vous par le passé, je ne peux pas lui faire le coup à chaque fois. Ce n'est qu'une soirée, cela n'engage en rien.

- Avec plaisir.

Weny s'approche pour m'embrasser la joue qu'elle écrase de sa main. Son rouge à lèvres me laisse une marque qu'elle efface de son doigt. Caeli se montre enfin pour que nous rentrons. Il me fait savoir qu'il est affamé, je veux bien le croire. Face à mon silence, il comprend qu'il ne mangera pas ce midi. Weny pose sa main sur ses cheveux avant de partir à son bureau, elle revient avec une boîte en métal rouge décorée de coquelicot qu'elle met dans le sac de Caeli.

- N'oublies pas de me la ramener demain, promis ?

Je lui souris pour la remercier. Caeli échange son sac avec la petite boite métalique. Je récupère ses affaires au sol et salue Weny en partant. Elle me rappelle notre rendez-vous, à l'abri sous le toit de tôles. Je lui fait un signe de la main. Sur le chemin, nous prenons notre temps pour rentrer. Avec Lyra cloîtrée à la maison, nous allons rester avec elle pour lui tenir compagnie. Il commence déjà à faire chaud, une après-midi au calme ne fera pas de mal. Nous nous réfugiant à l'ombre pour rentrer, changeant de trottoir pour éviter le soleil. Notre parcours zigzague entre les devantures de boutiques ou les auvents de certaines habitations. 

Arrivés à la maison, Caeli s'empresse d'aller à sa chambre réquisitionner une sélection de livres pour son après-midi. Je dépose ses affaires aux pieds de l'escalier en récupérant la boîte de Weny pour répartir la nourriture. C'est à ce détail que je me rends compte qu'elle ne se préoccupe pas autant que moi de notre différence sociale. Des biscuits secs, du pain de mie, des fruits... Je serre les dents devant pareil festin. Ce ne sera pas une chose facile de mettre un terme à cette relation. Je ne l'ai jamais invité dans le quartier, encore moins ici. La misère la ferait fuir. 

Apportant les victuailles au séjour, je déplie une nappe à même le sol avant d'y dresser notre déjeuner. Lyra est assise sur le futon, fixant les cagettes en bois nous servant de meubles de rangement. Un bout de papier est posé dessus, sûrement un avis d'échéance pour nos parents. En passant à ses côtés je lui serre l'épaule et lui caresse la joue. Les problèmes d'argent la tracasse bien plus que nous. En m'approchant je me rend compte que c'est bien pire que ça. 

Je reconnais la carte posée sur le bois. Le soleil brille sur ses dorures. Je pensais jusque-là que notre famille n'en recevrait jamais. Je m'approche fébrilement de la table pour soulever la carte rigide, rectangulaire, lisse. Le logo, enchevêtrement de lettres stylisées, scintille sous le soleil. Mes mains tremblent. J'expire doucement avant de la retourner pour voir s'il s'agît de ma sœur ou de moi. Vu sa tête, j'espère que ce n'est pas elle. Je la retourne doucement pour voir apparaître le nom de celui d'entre nous qui devra entrer dans l'Organisation. A cet instant le monde s'abat sur moi. L'un de nous va quitter les blocs pour s'enrôler dans l'Organisation. Le cœur battant, la sentence tombe: Loan Caius.

L'Organisation [ TERMINÉE ]Where stories live. Discover now