Chapitre 3 : Comme une ombre

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[NDA : Dans une version précédente, la scène de l'agression sexuelle était présente, mais j'ai préféré l'enlever pour plusieurs raisons, notamment parce qu'il s'agit plus de voyeurisme et que les conséquences sont bien plus importantes que l'acte en lui-même. D'où le fait que ce chapitre est très court. Sur ce, bonne lecture ^^]


Des heures avaient dû s'écouler et dans l'incapacité de trouver le sommeil, j'avais passé mon temps sur internet. J'avais rapidement fait un tour sur les réseaux sociaux, par nostalgie. J'y avais revu toutes ces personnes avec qui j'avais partagé de nombreuses années de scolarité. Pour la plupart d'entre nous, nous avions une vie banale. Cependant, quelques-uns avaient réussi à se démarquer et intégrer de prestigieuses écoles, ce qui était plus qu'étonnant pour certains, surtout ceux ayant eu un comportement répréhensible. Tout ceci me faisait marrer et quand certains me virent connecté, après une bien trop longue absence, ils n'hésitèrent pas à me demander des nouvelles. Visiblement, je n'étais pas le seul à rester éveillé aussi tard...

Les discussions furent assez brèves entre les "ça va ?" et "quoi de neuf ?". Chacun échangeait sur sa situation actuelle, mais rien de bien glorieux, surtout quand certains m'avouaient vivre encore chez leurs parents. Pendant un instant, je pouvais rire de ma situation puisqu'elle était leur inverse. Je ne m'incrustais pas chez mes parents, c'était ma mère qui s'incrustait chez moi. Ça en fit rire plus d'un. Bien évidemment.

Puis j'abandonnai rapidement les réseaux sociaux et me déconnectai, sûrement encore pour un bon bout de temps. Les autres pourraient bien me croire mort, peu importe. Ils ne faisaient pas partie de mon entourage le plus proche.

Un contact chaud sur mon épaule me surprit. Une main ? En me tournant vers cette personne, mon début de panique disparut en voyant le visage aux traits fins de ma mère. J'enlevai mon casque alors qu'elle s'assit à mes côtés.

— Tu ne dors pas ? Il est deux heures du matin, s'inquiéta-t-elle.

— Non... Je n'arrive pas à dormir, avouai-je en fermant mon ordinateur et le posant sur la table en face de moi.

— Qu'est-ce qu'il se passe Merle ? Je n'ai pas voulu insister au repas, mais je vois bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas. On n'est plus aussi proche qu'avant et tu t'es emporté pour une histoire de déménagement, jamais je n'ai vu mon choupinou dans un tel excès de rage.

Son ton avait pris une tournure grave et je ne pourrais pas lui mentir bien plus longtemps. De toute manière, elle savait déjà, il lui manquait juste les détails.

— L'appartement vide, son ancienne propriétaire s'est suicidée, confessai-je, mes mains s'emmêlant entre elles.

— Tu la connaissais ?

— Oui, soufflai-je péniblement.

J'avais envie de lui dire à quel point Anna avait abusé de moi, qu'elle était la raison pour laquelle je m'étais éloignée d'elle ainsi que de tous mes amis. Ma mère n'était pas la première personne à qui j'en parlais, et pourtant, j'avais l'impression que c'était le cas. Maintenant, je me sentais pris au piège, impossible de faire demi-tour. Je n'avais vraiment plus d'autres choix... Mais je ne savais même pas par quoi commencer. Que devais-je absolument dire, ou au contraire, éviter ?

— Anna et moi avons eu une relation assez ambiguë, poursuivis-je, redoutant déjà ce que je m'apprêtais à dire.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé avec cette fille ?

Pour l'instant, elle ne semblait pas vraiment étonnée. La plupart de mes problèmes étaient toujours liés à des femmes et elle en avait pris l'habitude, mais cette fois-ci n'avait rien à voir avec les autres.

— Merle ? interrompit-elle subitement mes pensées. Tu peux tout me dire... Tu sais que je ne vais pas te juger.

— Je le sais, murmurai-je. C'est juste que j'ai peur de te blesser...

— Si tu ne veux pas me le dire maintenant, je peux attendre, mais ne garde pas trop longtemps ça pour toi...

Elle déposa un léger baiser sur mon front puis retourna dormir. J'aurais vraiment dû lui dire. Soudainement, ma poitrine se comprima et cette intense douleur n'était pas prête de s'en aller. Il était évident que je n'allais pas dormir de cette nuit, autant perdre son temps sur l'ordinateur sur de stupides sites...

*

— Tu as vraiment une sale mine, commenta ma mère en me tendant un café.

Je pris ma tasse de café et jetai un bref coup d'œil vers la pendule pour voir qu'il était tout juste huit heures. Encore une fois, j'avais une nuit bien trop courte, et encore une fois, une nuit qui me laissait un goût amer.

— Juste une mauvaise nuit, prétendis-je.

De nouveau, ma mère afficha sa mine incrédule. Je ne pouvais vraiment pas lui mentir et même si j'essayais, elle me connaissait trop bien pour passer à côté de ce genre de choses.

— Ça t'arrive souvent ? s'enquit-elle en s'asseyant à mes côtés, une tasse dans la main elle aussi.

— On peut dire que oui... Entre les nuits où je ne dors pas et celles où j'arrive à fermer l'œil, je la revois... Je revois la même scène...

— Comment ça ? s'étonna-t-elle.

Je touillai mon café et regardai le fond de ma tasse. J'avais l'occasion de tout lui dire, mais putain ce que ça faisait mal. Ma mère faisait partie de ces personnes que je ne voulais pas décevoir ni blesser et malheureusement, cette histoire allait la briser d'une certaine manière. Elle s'en remettrait parce qu'elle est bien trop forte pour se laisser abattre, mais plus jamais rien ne sera pareil.

— Anna... Elle... Elle a abusé de moi, psychologiquement, avouai-je, la gorge serrée tout en évitant le regard de ma mère. J'ai voulu mettre court à cette relation. Elle m'a menacé de se suicider si je l'abandonnais. Et avant son suicide... Elle m'a agressé sexuellement.

Je lâchai un soupir assez bruyant et refusai de voir ma mère dans les yeux. Je refusai de voir la tristesse et la déception sur son visage. J'avais comme l'impression de ne plus être digne d'elle. Elle pouvait très bien partir d'ici et me rejeter totalement parce que j'avais été incapable de me défendre de moi-même. Mais aucune de ces hypothèses malsaines ne se produisit. Elle prit délicatement ma main et quand mon regard croisa le sien, j'y vis de la compassion...

Le Corbeau et la Colombe - Tome 1Where stories live. Discover now