Le Corbeau et la Colombe - Tome 1

Chapitre 5 : Impuissant

Comme toujours, j'avais fini le travail assez tardivement, aux alentours de deux heures du matin. J'avais passé énormément de temps aux côtés de Clara à discuter de tout et de rien, mais surtout d'expérience amoureuse. J'avais ainsi pu découvrir la nombreuse liste de ses conquêtes, assez impressionné. Lorsqu'elle m'en avait parlé, elle avait été assez gênée, craignant que je ne la juge, mais Eloise m'avait bien fait la morale sur ce point : je ne dois pas juger une femme en fonction de sa sexualité. Puis quand était venu mon tour de lui confesser mes quelques aventures, elle m'avait qualifié de cœur d'artichaut. En effet, on pouvait dire ça comme ça. Néanmoins, j'avais éludé toute la partie avec Anna malgré ses questions, prétendant qu'on était juste des amis assez proches sans qu'il n'y ait rien d'amoureux ou de sexuel derrière. Elle avait douté de mon mensonge sans jamais le montrer.

Après cette éprouvante soirée, j'étais soulagé de croiser Saoirse dans le rez-de-chaussée, comme si ça faisait une éternité que nous ne nous étions pas croisés. Nous échangeâmes un bref baiser avant d'échanger quelques banalités de notre travail. Elle m'invita à passer chez elle et même de dormir chez elle, je n'acceptai que pour la première partie, ça m'éviterait de croiser ma mère pour ce soir.

Une fois chez elle, elle se changea rapidement, enfilant des vêtements un peu plus agréables que sa tenue de serveuse. Elle s'installa à mes côtés sur le canapé de son modeste salon.

En voulant vérifier vite fait l'heure sur mon portable, je tombai sur le message que m'avait envoyé ma mère quelques heures auparavant. Elle m'avait transféré l'adresse d'un psychologue si jamais j'étais intéressé. Cette délicate attention me fit sourire, surtout parce que je ne lui avais rien demandé.

Aussitôt, je lui renvoyai un message pour la remercier et la prévenir que j'étais Saoirse pour qu'elle ne s'inquiète pas trop, même si c'était assez compliqué en ce moment.

— Qu'est-ce qui te fait sourire ? s'enquit Saoirse en voulant regarder sur mon portable.

— Ma mère. Elle m'a donné le nom d'un psy qu'elle considère comme plutôt bien, répondis-je tout en rangeant mon portable.

— C'est à cause de tes insomnies ?

— Oui et aussi parce que je lui ai tout dit à propos d'Anna, soupirai-je péniblement. Désormais, elle angoisse pour rien et a peur de me laisser seul. Elle se comporte comme si j'avais cinq ans, comme toujours en fait.

— Au moins, elle est là pour toi. Tout le monde n'aurait pas compris... D'ailleurs je suis sûre que mes parents ne comprendront jamais.

— Du coup, je suppose que tu ne leur diras jamais rien, lâchai-je assez triste pour elle.

— Non, je ne pense pas. De toute manière, ils considéraient Mason comme une bonne personne... Ils m'en ont toujours voulu de le quitter.

À son visage contrit, je voyais à quel point sa famille si peu compréhensive la blessait. Même si j'avais pu avoir quelques différents avec ma mère, jamais je ne pourrais lui en vouloir, elle avait fait tout ce que quiconque aurait attendu d'elle. Malheureusement, Saoirse n'avait pas eu cette chance, ils préféraient le gendre idéal quitte à ce que leur fille en souffre. De nombreux souvenirs avaient dû lui revenir et les larmes avaient monté à ses yeux. Pour la consoler, je la pris dans mes bras, caressant délicatement sa chevelure tandis qu'elle empoignait fermement mon pull dans le dos.

Depuis qu'elle avait quitté son ex, elle était si seule et j'étais devenu son seul soutien comme quiconque dans cet immeuble. J'avais été comme elle après le suicide d'Anna, je n'avais plus personne... Heureusement, j'en avais retrouvé quelques-uns, pourtant, ce ne serait plus pareil. Cependant, elle avait perdu tous ses proches, ses amis, sa famille... Et j'espérais que je ne fasse pas partie de cette longue liste de personnes qui lui avaient brisé le cœur...