Chapitre 3 : La deuxième épreuve

125 24 36
                                    

         L'ordre avait été imposé. Evan avait été désigné en premier, Rose en deuxième, Gabriel en troisième et Mia en dernier. Ils avaient chacun un rôle important dans cette épreuve, alors cette succession n'avait finalement pas grande importance.
          L'homme aux dreadlocks avait tapé violemment dans le dos du blond, lui affirmant, avec un grand sourire, qu'il allait enfin pouvoir prouver que ses capacités étaient à la hauteur de sa grande gueule. La pression était importante pour celui qui débutait l'épreuve : s'il échouait sans laisser une chance aux autres de défendre leur honneur, il allait probablement mourir de leurs empreintes.

             Chaque membre de l'équipe C était maintenant prêt, devant la porte de leur étage respectif à parcourir. Mia respira à plein poumon et expira pour faire le vide. C'était elle qui allait devoir mettre le drapeau dans le socle situé sur le toit. Les équipes A et B avaient échoué et étaient maintenant éliminées. Ce n'était pas un bon présage, avaient-ils les mêmes épreuves ou leur nature changeait systématiquement après chaque passage ? Même si leurs égos et leurs forces de combat n'étaient pas à plaindre, ils arrivaient à en douter, ce qui était néanmoins légitime.

           Evan tenait fermement le drapeau, fixant la porte qui allait s'ouvrir d'une minute à l'autre. Il voulait en découdre, coûte que coûte. Encore plus depuis qu'on avait annoncé les règles : aucune précision sur la mortalité. Jonglant avec son couteau, il se demandait bien à qui il allait ôter la vie sans vergogne.

— L'équipe C, c'est à vous dans trois... deux... un... top départ ! hurla l'Organisateur, qui commençait déjà à perdre la voix.

          Le jeune homme entra sans réfléchir dans le rez-de-chaussée, tout en restant tout de même vigilant. La tension était aussi palpable que le silence. Il serrait les dents, il n'avait pas de temps à perdre. Il ne devait pas traîner pour pouvoir passer le drapeau à Rose. Il se trouvait en bout de couloir, tandis qu'un autre remontait parallèlement. Il plissa les yeux pour distinguer le fond qui se situait à plusieurs mètres de lui, espérant repérer un indice pour le bon chemin à prendre. Soudain, une voiture télécommandée sortie d'une pièce, ayant pour passager une petite balle de ping-pong. Le blond soupira avant de se mettre à courir derrière.

— Vraiment ? Mon épreuve c'est de taper un sprint derrière un jouet pour gosse ?!

          Alors qu'il s'apprêtait à l'attraper, le petit véhicule pris le tournant et tomba par une trappe avant de réapparaître de l'autre côté du couloir. Evan pesta avant de se remettre à courir. Il n'allait pas se faire avoir aussi facilement, il avait bien compris que les mouvements de la quatre roues n'étaient pas dû au hasard. Alors, voyant qu'elle prenait de la même manière le tournant dans le couloir, il accéléra la cadence et lança son couteau contre la voiture. Il la visa en plein dans le mille, la bloquant dans le sol, ainsi elle ne tomberait pas même si la trappe s'ouvrait. En revanche, la balle chuterait. Sans hésiter, il se jeta dessus, l'attrapant avant qu'elle ne s'échappe. Il évita de peu le vide et vit un chiffre inscrit sur le dessus. Le numéro deux. Il leva la tête et distingua une porte au bout de chaque couloir. L'une portant le numéro un et l'autre, le numéro deux. Sans plus attendre, il arriva à la porte et la poussa violemment avec son épaule. Il arriva dehors, sur une passerelle qui donnait sur un escalier métallique. Au-dessus se trouvait Rose qui lui tendait la main.

— Dépêche-toi ! Le drapeau !!

          Evan monta quatre à quatre les marches pour lui donner et celle-ci se mit à courir au premier étage. Le blond souffla un instant, rigolant de sa performance. Il regarda sa montre, il avait mis exactement deux minutes dix-sept pour en sortir. Facile.

          Rose venait de pénétrer dans son étage. Elle remonta ses lunettes du bout des doigts. La porte se referma derrière elle dans un cliquetis automatique. Elle inspira profondément, se concentrant sur le son ambiant... De justesse elle évita une bille, qui fonçait vers elle à toute vitesse. Elle se tourna, elle venait de se loger dans la porte métallique comme le ferait probablement une balle de pistolet en plein cœur de sa cible. La danse qu'entreprenait Rose lui faisait éviter chacun des projectiles. Elle continuait d'avancer, voyant qu'il y avait un couloir caché derrière la dernière salle. Les billes provenaient d'ici. Les éviter était un véritable jeu d'enfant. La trajectoire des billes était facilement lisible pour elle. En un regard, elle comprenait l'angle qu'elles allaient prendre, il n'y avait aucun hasard. Elle arriva devant une jeune femme, qui tenait un lance-pierre ainsi qu'un sac de billes. Visiblement, elle ne s'attendait pas à voir Rose ici et encore moins avec une telle nonchalance. Elle accéléra ses jets de billes, tant son impuissance la faisait reculer. Son rôle était d'obstruer la porte et de l'empêcher de sortir. Mais son adversaire n'arrêtait pas d'avancer, gardant le silence, comme si sa présence lui importait peu. Puis, elle décrocha un extincteur où une dizaine de billes s'enfoncèrent jusqu'à scinder ce dernier en deux. En un instant, l'ennemie se prit l'intégralité du contenu en plein visage et se retrouva au sol, complètement déstabilisée. La jeune femme aux lunettes soupira et l'acheva d'un coup d'extincteur en pleine tête. Elle monta les escaliers sans mal et passa le drapeau à Gabriel, au troisième étage.

— Une minute et cinquante-cinq secondes ! Putain, t'as fait fort ! J'espère que je vais l'être encore plus, dit-il en lui faisant un clin d'œil, avant de s'engager dans le troisième étage.

          Ce dernier était différent des précédents. Il était vaste, sans mur séparateur. Il s'agissait d'un très grand Open Space, avec sept bureaux, séparés par des planches de bois et des vitres. Sur chacune des tables se trouvait un ordinateur portable ouvert et allumé, un pot de stylos et un bloc-notes. Gabriel se gratta la tête avant de voir que la serrure de la porte était ouvrable à l'aide d'un code à quatre chiffres. Il courut vers les ordinateurs et tenta de les déverrouiller, en vain. Il y avait un mot de passe à rentrer sur chacun d'eux. Il décida de feuilleter un bloc-notes, puis deux, puis trois, mais aucune information, aucun indice. Alors, il songea à ce que les chiffre soient inscrits en écriture invisible. Sans réfléchir, il explosa les ampoules qui illuminaient la pièce dans son intégralité. L'obscurité pris par de la pièce, laissant l'écran bleuté des ordinateurs se refléter sur les feuilles de papier... qui laissaient effectivement apparaître quatre chiffres, respectivement : 1 8 4 6. Il fronça les sourcils, comment devait-il trouvait l'ordre ? Il n'avait pas le mot de passe, mais il avait les identifiants. Il fit de nouveau un tour des ordinateurs. Il y avait Madame 228, Monsieur 011, Mademoiselle 116 et Monsieur 304. Il mit quelques secondes pour avoir la solution au problème. Les deux premiers chiffres indiquaient le placement du dernier.

2+2 = le 8 à la quatrième place.
0+1 = le 1 à la première place.
1+1 = le 6 à la deuxième place.
3+0 = le 4 à la troisième place.
Ce qui donnait la combinaison exacte : 1648.


          Il courut à la porte se maudissant d'avoir éteins les lumières de cette manière : il y avait pourtant un interrupteur, mais dans le feu de l'action il s'était laissé emporter. Il aurait pu s'épargner une complication pour rentrer le code. Il le fit néanmoins en quelques secondes avant d'entendre la voix de Mia résonner.

— Gabriel ! Qu'est-ce que tu fous ? Bon sang !

— J'arrive, j'arrive ! s'exclama-t-il, en montant les escaliers pour lui passer le drapeau.

          Sans plus attendre, Mia se dépêcha de monter et d'atteindre enfin le dernier étage. Là où tout allait se jouer. Gabriel regarda sa montre, déçu de lui, car il avait fait quatre minutes trente... Largement plus que les deux autres.

— C'est quoi ce bordel ? se demanda Mia, qui, en entrant dans son étage, faisait face à son propre reflet.

          La pièce était grande, avec au centre, cinq stands de tir. Ils étaient séparés entre eux par de simples murets blancs. Au bout, se trouvait non pas une cible, mais un miroir. La brune passait lentement devant, fixant son propre reflet. Elle fronça les sourcils ; où se trouvait la porte de sortie ? Elle décida de sauter le stand numéro un pour aller au bout, avec précaution... Elle se retrouva devant le miroir, s'observant un instant avant de sortir son bâton rétractable et de s'en servir pour briser la glace.

          Mia se trouvait devant un simple mur, avec un smiley dessiné à la bombe de peinture jaune, qui dégoulinait tant elle était encore fraîche. Elle ne tarda pas avant de faire la même chose pour les autres miroirs. La sortie était forcément derrière l'un d'eux. Rien derrière le deux, le trois et le quatre. Prise de nerf, elle hurla de rage en donnant un coup de poing dans le dernier miroir. Mais il ne se brisa pas, son poing heurtant un autre poing, en chair et en os. Elle n'eut pas le temps d'assimiler ce qui venait de se passer que son reflet lui donna un coup de pied en plein ventre. La brune tomba au sol et se cogna contre le stand, tout en prenant garde à ne pas lâcher le drapeau. Elle secoua la tête pour reprendre ses esprits. Ce qu'elle voyait la décontenançait. Son reflet était maintenant à terre, en face d'elle et reproduisait chacun de ses gestes comme s'il s'agissait d'un simple miroir. Mia avait en face d'elle une autre Mia. Elle approcha doucement sa main pour tenter de la toucher, mais le reflet attrapa son poignet et se jeta contre elle pour l'étrangler. En suffoquant, elle vit derrière elle ce qu'elle tentait de protéger : Au travers du supposé miroir, se trouvait la sortie. Elle réussit à se dégager de son emprise en attrapant le col de sa robe et l'envoyer par-dessus le stand. Sans perdre de temps, elle se mit à courir mais le reflet la poursuivait déjà. Il arriva juste devant la porte. Mia grogna ; le temps filait. Elle agrandit d'un mouvement son arme... mais le reflet fit de même. Un combat entre les deux éclata, mais celui-ci n'avait pas de sens. Chacune se donnait et se renvoyait les mêmes coups. Mia comprit et regarda sur le côté : une planche de bois était au sol. Elle fit mine de se pencher pour que le reflet face de même. Elle en profita pour lui donner un coup de bâton en pleine nuque pour accueillir sa tête avec son genou. Son reflet tomba raide au sol, elle en profita pour courir jusqu'à la porte de sortie.

         Elle gravit les escaliers deux par deux, atteignant enfin le toit de l'immeuble. Elle repéra le socle rouge qui n'attendait que le drapeau qu'elle avait en main. Tout sourire, elle accéléra mais tomba au sol, manquant de lâcher le drapeau. Elle se tourna pour voir sur quoi elle avait trébuché : Il s'agissait d'un bâton identique au sien. Elle releva la tête et vit de nouveau ce reflet terrifiant, la surplombant. Elle ne voulait plus la retarder, elle voulait lui voler le drapeau. Du coin de l'œil, Mia vit le chronomètre de l'épreuve : Il ne restait que vingt secondes. Le reflet se jeta sur elle, pour tenter de lui arracher le drapeau. Mia roula sur le sol de justesse, avant de faire tournoyer son arme au-dessus de sa tête.

— Hey ! Tu sais ce qu'on dit ?

          Le reflet se releva du sol, prête à la pousser du toit et se sacrifier. Ce n'était qu'un clone après tout. Cette technologie la dépassait et la répugnait. Elle tendit son bâton vers elle, la stoppant dans la course.

— Il n'y a que l'Original qui compte.

          Mia tourna sur elle-même afin de lui asséner un coup de bâton dans la tête et de l'anéantir d'un coup de pied. Elle laissa tomber son bâton et l'attrapa par le col pour prendre de l'élan et la lancer du haut du toit.

— Et l'Original, c'est moi, connasse, dit-elle, avant de s'élancer sur le socle et d'insérer le drapeau.

          Un grand bruit résonna dans le bâtiment ainsi qu'aux alentours. La voix de l'Organisateur se fit entendre tandis que les autres participants la rejoignaient sur le toit.

— Vous aussi vous avez combattus vos doubles ? demanda Mia, curieuse.

          Ses trois co-équipiers la dévisagèrent, comme si elle venait de conter l'impossible. Pourtant, elle l'avait bel et bien vécu. 

Institut Ultimate JokerWhere stories live. Discover now