Chapitre 30 : An East Wind is coming

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Malgré la rencontre avec son ancienne meilleure amie, Lou avait la matinée la plus tranquille. Comme des souvenirs vaseux d'un lendemain de soirée, elle n'en faisait plus cas. Elle ne voulait pas. Devant la télévision, mangeant ses tartines de confiture à l'abricot, elle ne remarquait même pas son appétit excessif ni l'appel étrange que sa mère venait de passer avec son directeur.

— Ma puce, ne mange pas sur le canapé, tu vas mettre des miettes partout...

Lou leva les yeux au ciel avant de se redresser. Elle jeta un coup d'œil sur le canapé qui avait effectivement un peu trop de miettes dessus. Sa mère réprimanda un sourire.

— Je vais nettoyer, promis.

La brune posa l'assiette sur la table basse pour pouvoir enlever les miettes de la main... Mais plus elle approchait la main des miettes de pain, plus elles semblaient reculer. Comme si sa main les repoussait, fuyant le contact. Elle n'eut pas le temps de s'y attarder que sa mère lui envoya un chiffon, qu'elle réceptionna. Elle haussa les épaules, peut-être que cet effet était dû à l'électromagnétisme du tissu.

Devant son bol de céréales, Gabriel se sentait un peu nauséeux. L'odeur du lait lui donnait des hauts le cœur et ce n'était pas dans ses habitudes.

Il n'avait pas réussi à digérer son petit déjeuner. La tête dans les toilettes, il espérait pouvoir tout rejeter et retourner dans son lit pour continuer sa nuit. Un haut le cœur, puis deux, puis trois... Il finit par vomir. Les yeux fermés, il laissait toute cette nourriture ingérée sortir. La douleur lui nouait l'estomac, sa chaleur corporelle témoignant de sa fièvre et son crâne s'apprêtait à exploser. Mais en ouvrant les yeux, il fut décontenancé. Un petit tas de terre avait pris la place de son vomi, aspirant toute l'eau de la cuvette.
Toc, toc, toc. Derrière la porte des toilettes, ses parents s'inquiétaient.

— Gabi', ça va ?

Sentant qu'il allait potentiellement s'évanouir, il préféra mettre ses dernières forces pour déverrouiller la porte plutôt que de leur répondre. Celle-ci s'ouvrit sous le poids du corps de Gabriel qui s'était effondré. Son père l'attrapa au dernier moment, échangeant un regard paniqué avec sa femme.

— Appelle-les. Je n'ai pas signé pour que mon fils soit malade. J'ai signé pour qu'il devienne un héros.

La mère secoua vivement de la tête avant de sortir son téléphone portable. Ils n'avaient pas vraiment le choix, ils ne pouvaient pas risquer la vie de leur enfant. Les Solotchova et Caïn étaient les seuls à être en capacité de les aider.

Qu'il y ait cours ou non, la jeune Lou adorait prendre une heure de sa matinée pour aller courir. Environ une demi-heure après avoir pris son petit déjeuner, elle s'habilla en conséquence pour partir faire son running. Alors que sa mère finissait de nettoyer le plan de travail de la cuisine, elle se figea en voyant sa fille sortir.

— Tu vas où ? lui demanda-t-elle sans réfléchir.

                 Elle le savait bien, qu'elle partait comme tous les matins faire son sport. Lou rigola brièvement avant de lui indiquer d'un geste de main la tenue dans laquelle elle se trouvait. Elle avait pour ordre de ne pas quitter des yeux sa fille, mais la retenir soulèverait bien trop de soupçons.

— Non, je suis désolée, j'ai la tête ailleurs. Cours bien ma Lou.

La jeune femme lui fit un simple sourire avant de partir, écouteurs aux oreilles, portable dans une main et bouteille d'eau dans l'autre. Sur un air de musique classique, elle commençait à prendre un rythme, bien plus élancée que d'habitude. Elle s'était donnée le défi d'accélérer sa cadence de quelques foulées, ce qu'elle réussissait avec succès.... Au détriment de sa mère, qui devait échanger son tablier pour les clés de sa voiture et qui devait se dépêcher pour ne pas la perdre de vue. Elle était bien décidée à suivre les consignes qu'on lui avait indiqué, en toute discrétion. Montant dans son véhicule, elle démarra le moteur et se mit à filer sa propre fille. Le temps d'un instant, elle se maudissait, hésitant même à faire chemin inverse et appelait Nero pour lui dire :

« Je suis vraiment désolée de ne pas avoir suivi les règles, mais je ne pouvais pas empêcher ma fille de sortir faire sa vie, même si c'est ce que vous m'avez demandé de faire. »

Mais son instinct et ses valeurs la retenaient de faire demi-tour. Elle se voyait soudainement confronter Nero et lui dire :

« Pour ne pas qu'elle se doute de quelque chose, j'ai préféré la laisser faire son sport. J'ai décidé de la suivre afin de la garder à l'œil, comme vous me l'avez ordonné. »

— Je n'aurai jamais dû prendre ton argent sale, Nero Cain, siffla-t-elle, alors qu'elle fixait du regard sa fille qui ne se doutait de rien.

              Seul l'air d'un Bach ou d'un Vivaldi prenait l'esprit de cette dernière. La mère enleva le frein à main et actionna la première pour suivre les foulés de sa fille. Elle rentrait doucement dans un parc, où un grand lac régnait au centre. Après un instant d'hésitation, elle se gara sagement et patienta. À coup sûr, Lou allait faire quelques tours et revenir par le même chemin. Ce n'était pas un grand drame, si elle n'avait pas les yeux posés sur elle pendant une vingtaine de minutes...

À peine son tour commençait, un homme plutôt âgé se prit les pieds dans une racine, près du lac. Trop loin pour agir, Lou cria, tendant les mains pour mimer un rattrapage in-extremis. En quelques secondes, tout se passait très vite. L'homme fut bousculé en arrière par une force invisible et tomba à la renverse sur la terre ferme. Lou se paralysa, avant de regarder la paume de ses mains. Elle échangea un regard avec le vieil homme qui la dévisageait. C'était bien elle qui venait de faire ça et ils le savaient tous les deux.

La mère laissa tomber sa mâchoire après ce spectacle inattendu. Elle savait bien que sa fille était l'un des Eléments, mais elle n'aurait jamais cru que les effets de l'injection seraient aussi rapides. Elle remercia Ciel et Terre d'avoir pu être spectatrice de cette action, évitant de justesse de sacrés ennuis. Elle soupira, sortant son téléphone. Elle devait appeler le directeur, c'était un ordre. Une seule sonnerie et il décrocha.

— Monsieur Cain... Madame Prats au téléphone, la maman de Lou.  Pour ne pas qu'elle se doute de quelque chose, j'ai préféré la laisser faire son sport, comme tous les matins. J'ai décidé de la suivre afin de la garder à l'œil, comme vous me l'avez ordonné. Et... Il se trouve qu'elle a réussi à sauver un homme grâce à... ses pouvoirs, j'imagine. 

Un silence à l'autre bout du fil. Après quinze longues secondes, elle demanda s'il était toujours présent.

— Gardez-la à l'œil. Nous serons chez vous dans une demi-heure. Elle aura fini son footing, d'ici là. S'il n'est pas déjà raccourci... Vous n'aurez pas à la désactiver, tout semble se passer au mieux.

Nero raccrocha. Même si cette mère n'avait pas formellement suivi les consignes, il voyait que l'un des finalistes réagissait parfaitement à l'injection et ça, ça n'avait pas de prix.

Institut Ultimate JokerWhere stories live. Discover now