Chapitre neuf

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Je tournai la page. Le livre que m'avait tendu cette fille quelques heures plus tôt me fascinait autant qu'il remettait en question toutes mes pensées. J'avais passé l'après-midi à lire, ne pouvant pas décrocher mon regard de ces pages noircies. Marguerite Gauthier, surnommée la « Dame aux Camélias », malade, s'était réfugiée dans une chambre et son invité Armand Duval, inconditionnellement amoureux d'elle, l'avait rejoint. Un passage retînt mon attention.

« Ce qui me soutient, c'est la vie fiévreuse que je mène. »

Son cas était particulièrement non déplorable d'après elle, Armand n'en croyait pas un mot. Il l'a convainquit de la laisser l'aimer, et de lui redonner goût à la vie. Celle-ci n'en fit rien, mais accepta. Et ainsi naquit leur amour.

Je fermais le bouquin, déjà abîmé, signe qu'il avait déjà été lu à plusieurs reprises. Je fermai les yeux, imaginant ce certain Armand en pleur devant l'état pathétique de Marguerite, qui elle ne voulait pas être plainte. Il l'aimait d'un amour sincère, et rien, ni sa maladie, ni son rejet, ni sa froideur n'aurait pu altérer son jugement sur elle.

Je rouvrais mes yeux et me levais de mon lit. Je sortis de ma chambre et rentrai dans la salle de bain. Je me déshabillai tout en espérant que je puisse vivre cet amour passionnel un jour. Je rentrai dans la baignoire et allumai l'eau. Sa fraîcheur me refroidit immédiatement. Tandis que l'eau fraîche s'écrasait sur les cheveux, un autre sujet me vint en tête. Demain serait la rentrée. Je reverrais cet enflure de Pierre, et tous les autres. Je passais le savon sur mon corps, l'eau coulant toujours à flot, mais quelque peu réchauffée. Il ne me restait plus que deux ans dans ce bahut, et la prison serait terminée. J'aurais dix-huit ans à la fin du lycée, et je pourrais démarrer ma vie. Je sortirais de cet endroit sinistre, de cet ville épuisante, et de cet épuisant nuage d'ennui. Je fermai le robinet, et sortis de la douche. J'attrapai une serviette et me séchai rapidement avant de l'accrocher autour de ma taille. J'ouvris la porte et, n'entendant aucun bruit, je traversai le couloir reliant la salle de bain à ma chambre. Je rentrai à l'intérieur de cette dernière, et soufflai. En face de moi se trouvait ma baie vitrée, et juste derrière, il y avait la sienne. Pourtant, il n'y avait aucun mouvement, et aucun signe de vie. Je pris un t-shirt large blanc, un boxer noir, et un jogging noir qui j'enfilai. Je sortis sur le balcon étroit, et regardai en face, espérant voir Lenny apparaître. Mais ses volets étaient fermés, et aucune lumière n'en émanait. Cette fille m'intriguait au plus haut point, autant par son attitude mystérieuse que par son répondant étonnant. Mais ce qui m'attirait le plus, c'était les mystères qui regorgeaient en elle. Elle ne parlait pas d'elle, ne se plaignait jamais, ne me racontait pas pourquoi elle avait quitté subitement sa maison. Elle m'a juste donné un livre, sensé répondre à mes questions. Mais, malgré que ce livre me questionne également, je ne vois pas en quoi il m'aiderai à en savoir plus sur cette adolescente. C'est comme si ce roman éloignait encore plus la vérité de moi.

CondamnéeWhere stories live. Discover now