Chapitre treize

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- S'il-te-plaît, Lenny, dis moi. Qu'est-ce qui ne va pas ? Dis-je en me rasseyant.

Sa tête était collée sur ses genoux.

- Bon, si tu ne veux pas me dire, alors je vais te raconter mon histoire.

Aucune réaction. J'inspirai un grand coup, et me tournai vers la vue de la ville qui s'offrait à nous.

- Il y a un an et demi, je vivais encore avec mes deux parents et ma sœur. Nous étions une famille soudée, ce qui était plutôt rare pour des adolescents de notre âge. J'avais quinze ans, et ma sœur, Olivia, en avait dix-sept. Pourtant, un soir, pendant que Liv et moi étions en train de jouer à la console dans ma chambre, on entendit un objet de casser en bas. Je dis à ma sœur de rester dans la chambre, et je m'allongeai dans le hall en passant la tête dans l'escalier qui menait au salon. Et, à ce moment là, je vis ma mère, recroquevillée sur elle même, avec des coupures partout sur le corps. Je penchais un peu plus la tête et vis de l'autre côté du salon, mon père, une bouteille à la main. Je compris en peu de temps ce qu'il se passait, et quand je le racontais à Liv, elle me convaincu de continuer à jouer, et me répétant que je n'avais pas bien vu. Mais j'avais compris. Ma mère avait souvent des petites cicatrices sur les bras, mais elle nous racontait que c'était à cause de son travail. Le lendemain, quand j'allais prendre ma douche, je n'arrivai pas à ouvrir la porte. Et...

Ma gorge devint soudainement sèche au souvenir de ce moment. Lenny avait relevé la tête, et le regardait sans dire un mot. Ma voix tremblait, mais je me devais de raconter ça à cette fille.

- Quand je l'ouvris enfin, je vis... Ma mère, les yeux fermés, la tête en arrière. L'eau dans laquelle elle se baignait était rouge, et elle portait les vêtements de la veille. Je me précipitai vers elle, et criait son nom, sans réponse. Je baissai les yeux vers ses poignets, et aperçus deux lésions, mais plus profondes, cette fois-ci. Je criais le nom de ma sœur, qui arriva quelques secondes plus tard, et qui ne réagit pas. Quelques secondes plus tard, elle s'agenouilla, tandis que je me reculai. Je restai figé face à Liv qui secouait le corps sans vie de ma mère.

Une larme coula sur la joue. Je n'avais jamais raconté ça à personne, et le dire à voix haute décuplait mes sentiments.

- J'aurais pu faire quelque chose. J'aurais pu m'interposer entre ma mère et lui. Mais je ne l'ai pas fait. Et elle est morte ce soir là. Elle est morte seule, alors je crois en savoir quelque chose sur la solitude.

Je la regardai. Elle n'avait aucune émotion sur son visage. Puis, soudain, elle s'avançait vers moi et me pris dans ses bras. Je ne bougerai pas, surpris par son geste. Un choc électrique parcourut mon corps là où ses mains étaient posées. Puis, je plaçai mes bras autour de sa taille, et posai ma tête dans son cou. Aucune excuse, aucune larme. Simplement un câlin. J'inspirai, et son parfum envahit mes narines. Elle sentait la noix de coco, et cette odeur était divine. Après quelques secondes qui me semblaient être des heures, je m'écartait d'elle, et tournais la tête, honteux.

- Pardon pour ta mère. Ton père n'était qu'un enfoiré, entendis-je.

J'acquiesçais intérieurement, et essayai la larme au coin de mon œil.

- Je sais que tu attends de moi que je te raconte ce qui m'est arrivé, mais je ne peux pas te le dire. Enfin, pas maintenant. Je te promet de te le raconter un jour, mais pas aujourd'hui.

Je me tournai doucement vers elle. Elle regardait vers le sol, comme si elle avait honte.

- Je n'en ai jamais parlé à personne, avant, avouais-je.

Elle se tourna vers moi.

- Et ta sœur, elle l'a pris comment ?

- Elle a eu dix-huit ans peu après, et est devenue ma tutrice. Mon père a fichu le camp, et nous avions la maison pour nous seuls. Mais elle n'était plus la même, et a commencé à boire. Elle était froide avec moi, et parfois violente. Elle l'a été ce jour là, où je me suis battu avec Pierre. Pourtant, quand elle redevenait sobre, elle s'excusait, et me disait qu'elle ne recommencerait plus. Alors, elle s'est dit qu'on devrait déménager, et on est arrivés à cet appartement. Mais elle est devenue dépendante à la boisson, et continue à boire.

Les mots défilaient hors de ma bouche sans que je puisse les arrêter.

- Merde... Et elle est toujours violente avec toi ?

- Ça lui arrive. Ça lui est arrivé. Et ça lui arrivera encore.

Elle ne répondit rien, ne sachant sûrement pas quoi répondre. Je la fixai sans pouvoir m'en empêcher. Ses yeux, bleu turquoise, étaient rivés vers ses genoux. Ses cheveux étaient poussés derrière ses épaules par le vent, me laissant voir l'intégralité de son visage. Nous n'étions pas loins l'un de l'autre, et je pouvais la détailler. Elle avait des taches de rousseur sur son nez et ses joues, ce que je trouvais adorable. Sa bouche était si pulpeuse que je mourais d'envie de la toucher. Son visage était finement dessiné, et il semblait parfait. Je sentis mon coeur battre plus rapidement pendant que je la regardai. Elle se tourna vers moi, et nous n'étions plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre.

CondamnéeWhere stories live. Discover now