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« J'ai pas vécu mes rêves de gosse, j'veux m'sentir vivre. »

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La première fois que j'ai goûté au Ciroc j'ai vomi mes tripes, cette vodka est tellement puissante mais zebi comment ça te met bleu. T'as l'impression de mourir un instant, ne plus te souvenir que tu vis, puis de renaître et de tomber de haut, ensuite les joints s'en suit et combien de fois je me suis demandée comment j'en étais arrivée là.
Faudrait remonter en arrière pour comprendre, pour faire le vide. Faudrait parler de mon enfance pour savoir où ça a bien pu buté ? C'est trop douloureux, je pourrais m'ouvrir les poignets à la lame de rasoir plutôt que raconter mon passé, la douleur est moins puissante.

Mais pour combattre avec mes démons intérieurs et vous faire part d'une partie de mon passé, c'est la Cristalline pleine de Ciroc à la main que je me rend chez Crapaud. Qui est Crapaud ? Un jeune toxicomane qui se revendique psychologue. Après avoir raté son année à la faculté de psycho, il a psychoté on va dire. Il fait des putain d'expériences sur lui-même, il dirait que c'est pour la science, mais j'sais pas à première vue il n'a rien d'un humain et encore moins d'un scientifique. C'est plutôt un démon, il a du signé un pacte avec Iblis.

Il vit dans une tour qui disparaîtra bientôt, elle est tellement vieille, mais Crapaud ne s'en ira pas. L'un des appartements de cette tour c'est sa caverne d'Ali baba. Alors il préférerait mourir dans cette tour plutôt que d'en sortir.

- Crapaud ! Crapaud ! Ouvre putain !
- Quoi bordel ? J'ai un patient là dégage Adiah.
- Vas-y j'ai besoin là, bouge ton patient de mes deux.
- T'inquiète pas qu'elle bouge, rit-il à gorge déployée.
- T'es encore avec une timpe ? T'es sah ? Vas-y Crapaud dégage-la.

Deux minutes plus tard, une blonde qui sentait pas la rose ressort en s'essuyant la bouche. Je ne saurais vous dire si elle fait ça pour de l'argent ou pour le plaisir, parce que je peux vous le jurer sur qui vous voulez, que Crapaud n'a rien de charmant pour ça qu'on l'appelle Crapaud putain.
Passons, je m'installe sur sa vieille chaise qui va s'effondrer d'une minute à l'autre.

- T'as besoin de quoi ? Dis moi tout, dit-il calmement en s'asseyant sur son bureau.
- Peu importe faut que ça soit fort, faut que je m'en souvienne pas de ce que je raconte et le plus important, faut que mon passé refasse surface et c'est à ce moment-là que j'aurai besoin de toi. Il faudra que tu note absolument tout ce que je dis.
- C'est pour qui ça ?
- T'inquiète, la célébrité mon gars, dis-je avec ironie.
- Si y'a de la thune entrante je suis pour.
- Mais non, rien à voir. Putain Crapaud tu le fais ou merde ?
- *rire* Je te fais ça de suite.

Je ne saurai vous dire qu'elle substance il injectera dans les veines mais sur ce coup-là je lui fait confiance.

La vue se brouille, les paupières deviennent lourde, les souvenirs refont surface et plus rien, le vide, un néant...

J'avais, à l'époque, une belle petite famille. On vivait à la cité, on était heureux même avec peu, on a vécu la galère mais des putain de bon moments en famille. Adiah, jeune fille sage qui ne se prend pas la tête et travaille bien à l'école.

« Ça me manque putain.. »

Puis, plus tard, je ne sais plus combien d'années, j'en sais rien enfaite. J'ai arrêté l'école parce que maman est tombée malade. Il fallait que je sois la femme de la maison, que je m'occupe de papa qui n'était jamais satisfait de moi. Je faisais tout de travers disait-il, je ne suis pas une femme à marier. Deux minutes, j'ai juste quatorze piges pourquoi tu me blablate de mariage au juste ?

Vous savez, il me battait, devant les yeux de mama sachant qu'elle était bien trop faible pour réagir.

« C'est pas grave, je te pardonne mama. »

Puis, les marques laissées par la ceinture sur ma peau faisait débat à la cité. Le daron ? Il en avait rien à faire. Quoi ? Je ne me suis pas défendue? Mais bien-sûr que je me défendais, j'essayais de me rebeller contre ce monstre et je n'aurais jamais dû. Il avait pour habitude de prendre son briquet et de me demander de s'asseoir sur lui, ensuite il me prenait le bras et passer le feu sur ma peau. À la cité, il m'avait inventé une maladie : cancer de la peau. Quel enculé quand même !
Puis, le soir je l'entendais battre la daronne, je prenais son briquet pour essayer de ressentir une douleur plus forte que celle de maman. Tout est de ma faute, tout est de ma faute me répétais-je. J'étais devenu une vraie pyromane. Fasciné par la douleur qu'il me procurait, le feu était devenu une petite lumière dans ma sombre vie.

Les traces de brûlures sur ma peau me faisaient des croûtes, une peau vraiment dégueulasse. Je faisais peur à voir vraiment. On m'assimilait à Crapaud, non c'est pas une blague, je m'en fou un peu.

Puis maman est morte dans sa baignoire plein de sang, comme mon cœur, aucune chance qu'elle s'en sorte. Était-ce un moyen de se libérer ? Se libérer d'un monstre ou bien de sa maladie. Je n'ai pas réagi, j'en ai pas voulu à papa, j'étais émotionnellement vide. Puis l'autre après avoir vu l'était de ma pauvre petite maman, s'est assis au rebord de la fenêtre face à la porte de la cuisine, dos à l'extérieur. Il a prononcé une dernière fois mon prénom et s'est balancé dans le vide. Dans la même journée, que faire ? Suivre l'exemple de papa et maman ?

J'avais trouvé un autre moyen de me suicider, un autre moyen afin que personne ne le sache. Je me suis donnée la mort au fond de moi-même. Plus rien ne vivait, ne serait-ce qu'un organe qui bat « à blanc » et une respiration saccadé.

Je ne voulais pas m'en sortir, je ne voulais pas reconstruire car les cicatrices étaient bien trop récentes, les plaies à moitié ouvertes.

J'ai quitté l'appartement, j'ai fui, je ne voulais pas que X personne ait de la pitié et veuille m'aider à m'en sortir. J'étais un putain de labyrinthe à moi seule; impossible de trouver une issue, un quelconque sourire. C'était impossible...

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J'attends vos avis avec impatience. ✌

« Cristaline pleine de Ciroc »Where stories live. Discover now