XVII. Monsieur le Bourreau des Cœurs

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𝗣𝗼𝗶𝗻𝘁 𝗱𝗲 𝘃𝘂𝗲 𝗱𝗲 𝗥𝗲𝗺𝘂𝘀 𝗟𝘂𝗽𝗶𝗻.


Sentant l'atmosphère se réchauffer et l'obscurité sortir de son trouble, j'ouvris doucement les yeux. La douce lumière du petit matin vint m'éblouir, et je clignai plusieurs fois des paupières pour m'y habituer : mes cils étaient tous collés. Je mis quelque temps à voir le décor autour de moi se clarifier, mais même une fois ceci fait je me sentais toujours fatigué. Et... lourd ?

Où étais-je ?

Ma poitrine n'arrivait plus à se soulever correctement pour que je puisse prendre une respiration plus ample, comme j'avais l'habitude de le faire. Que se passait-il ?

⸺ Salut, 'mus... murmura une voix calme à côté de mon oreille.

⸺ Hein ?

Je tournai la tête et aperçus Sirius qui me fixait avec un sourire reposé. Je mis quelques secondes à me rappeler le pourquoi du comment nous avions dormi ensemble, et encore quelques secondes de plus à me rendre compte que son bras et la moitié de son torse me bloquaient, comme s'il avait voulu m'étreindre dans son sommeil.

⸺ Salut, Sirius, lui répondis-je en lui rendant son sourire. Si cela ne te dérange pas, je veux bien que tu te décales un peu pour me faire de l'air et me laisser respirer. J'ai l'impression d'avoir un éléphant assis sur mon torse, vraiment !

Je le vis ricaner silencieusement, et je crus pendant un instant qu'il ne bougerait pas. Pourtant, contre toute attente, il finit par se dégager, me laissant inhaler de grandes bouffées d'air frais.

⸺ Tu prétends donc que je suis lourd ? s'indigna-t-il faussement, les sourcils relevés comme s'il souhaitait me défier.

J'avais beau savoir qu'il plaisantait, je ne pus empêcher mes joues de piquer un fard.

⸺ Non, c'est...

⸺ Oh, je te taquine, voyons, ne prend pas cet air gêné ! fit-il, réagissant au quart de tour avant de prendre une pause d'un air mystérieux, ce qui me fit comprendre qu'une blague s'apprêtait à franchir la barrière de ses lèvres. Si je suis lourd, 'mus, ce sont mes muscles !

Je lui donnai une tape sur le bras en riant.

⸺ Très drôle, Monsieur Humble. Je crois que je vais te rebaptiser ainsi !

⸺ Oui, je pense que cela peut très bien me convenir, répondit cet énergumène en posant sa tête au creux de mon épaule, ce qui eut le don de me faire rougir.

Argh ! Mais que m'arrivait-il ? Que faisait-il donc ? Pourquoi me sentais-je si étrange ?

Reprends-toi, Remus. Vous n'êtes que des amis. Que des amis.

Amis... Amis... Amis...

Ce mot tournait en boucle et me faisait mal à la tête. Et à chaque fois, je sentais un grand vide en moi s'étendre, engloutissant tous les restes de lucidité qu'il me restait en cet instant.

⸺ Je crois plutôt que tu mérites le nom de Monsieur-Parfait-Et-Humble ! répliquai-je sur un ton se voulant moqueur.

⸺ Et pourquoi pas Monsieur le Tombeur ? Je ne suis après tout qu'un adorable bourreau des cœurs avec un physique et un faciès des plus merveilleux qu'il te sera donné de voir !

⸺ Qu'est-ce que je disais, grommelai-je en passant distraitement une main hasardeuse dans ses cheveux bouclés. Quelle humilité !

⸺ Voyons Remus, tu ne peux le nier, reprit-il avec une voix narquoise qui me fit une nouvelle fois rougir en même temps d'avoir le don de m'exaspérer, je suis magnifique. Pourquoi donc perdrais-je mon temps en faisant semblant de ne pas le croire ? J'ai conscience que je suis beau ! Je te mets au défi de dire le contraire.

Je levai les yeux au ciel. Ne s'arrêterait-il donc jamais avec ses bêtises ? N'empêche... je dus bien m'avouer qu'il avait raison. Oui, il était magnifique, ce n'était pas un secret. Ses beaux yeux et son sourire narquois...

Reprends-toi, Remus, me dictait inlassablement ma conscience. Tu n'es pas comme une de ces élèves de Poudlard qui croient encore au prince charmant et rient niaisement lorsqu'elles croisent le regard de Sirius.

⸺ Ne cesseras-tu donc jamais de vanter tes mérites ? On croirait entendre James.

⸺ Si. Je cesserai quand tu consentiras à m'appeler Monsieur Le Bourreau des Cœurs.

Je crus pendant un instant qu'il plaisantait, mais il prit aussitôt un air sérieux. Et je ne pus m'empêcher d'éclater de rire.

⸺ C'est ça, compte là-dessus, dis-je d'une voix ironique en essayant de me relever.

Peine perdue, Sirius me repoussa sur le matelas et passa un bras autour de mes épaules, m'étreignant de manière à ce que je ne puisse plus bouger.

⸺ Sirius, tu m'énerves. Je... voudrais... me... lever ! haletai-je en m'appliquant à le repousser, sans succès.

⸺ Mais nous n'avons pas cours aujourd'hui ! Quel besoin de te réveiller aux aurores ?

⸺ « Le monde appartient à qui se lève tôt », récitai-je avec sagesse.

Ce qui eut le don de l'exaspérer. Il ne bougea pas d'un pouce. Je ne m'attendais pas à grand-chose d'autre, mais enfin, bon.

⸺ Je ne sais pas qui est l'idiot qui a dit ça, mais il devait être complètement illuminé, le pauvre. Préfères-tu sincèrement aller plonger le nez dans de gros livres soporifiques en compagnie d'Evans sans y être obligé, ce qui, au passage, risque fort d'énerver James après la scène d'hier soir, ou bien rester un peu en compagnie de ton merveilleux meilleur ami pour le week-end qui a plein d'idées pour s'amuser, comme essayer de nous rendre dans les cuisines ? Je sais qu'il y a des réserves de chocolat...

Dit comme ça, je devais bien admettre que la deuxième solution était bien plus tentante. Prendre par les sentiments n'était pas une manière louable de demander ma compagnie, mais elle fonctionnait plutôt bien. Malheureusement.

⸺ Quelles sont les chances que tu me laisses partir si j'opte pour la première solution ?

⸺ Tu connais déjà la réponse à cette question, je pense, 'mus.

⸺ Très bien, tu as gagné ! Je viens avec toi. Par contre, je te préviens : si nous nous faisons attraper dans les cuisines ou dans tout lieu interdit de visite, tu prendras tout à ton compte et en assumeras les conséquences !

⸺ Très bien, tout sera de ma faute, nota-t-il avec détachement avant de se lever en me faisant presque tomber du matelas au passage. Maintenant que tu as finis de faire ta Maman Raisonnable, tu me suis ? Je peux te montrer plein de recoins du château que j'ai découvert avec James ! On a même mis au jour un passage secret.

Je me levai en me recoiffant maladroitement et posai une main sur l'épaule de Sirius qui masqua un tressaillement. Sans doute mes mains étaient-elles encore plus glacées que ce que je pensais.

⸺ Pas de passage secret aujourd'hui. En revanche, passer la journée aux cuisines pour manger du chocolat, je n'y vois pas d'inconvénient.

Même si je ne voyais pas son visage, je pus deviner un sourire s'y peindre, et il prit ma main dans la sienne. Ses doigts étaient longs et fins, et le contact de sa peau était étrange. Je crus bien qu'il avait les paumes moites.

C'est moi qui lui faisais cet effet ? Et si... ?

Remus, tu tombes définitivement dans la mièvrerie enfantine, c'est ridicule !

⸺ Je te suis, dis-je en lançant un grand sourire à mon ami qui semblait impatient de me montrer les cuisines.

Il jeta un dernier regard à James et Peter encore profondément endormis et m'entraîna hors du dortoir en entrelaçant ses doigts avec les miens.

Durant toute la course, au lieu de me concentrer sur le chemin parcouru comme conseillé par mon ami, je focalisai toute mon attention sur nos mains tremblantes et moites.

Pourquoi donc réagissais-je ainsi ?

Était-il possible que...

Non. Remus, reprends-toi et arrête de te faire de faux espoirs et d'être aussi naïf, s'évertuait à me dicter ma conscience.

𝐔𝐧 𝐀𝐦𝐨𝐮𝐫 𝐒𝐢𝐧𝐜𝐞̀𝐫𝐞 || FᴀɴFɪᴄᴛɪᴏɴ WᴏʟғsᴛᴀʀOù les histoires vivent. Découvrez maintenant