Chapitre 2

1.7K 195 26
                                    

        

Oups ! Cette image n'est pas conforme à nos directives de contenu. Afin de continuer la publication, veuillez la retirer ou télécharger une autre image.

        

Finalement, il reste jusqu'au troisième jour. Puis au quatrième. Puis à la semaine suivante. Manu ne lui laisse rien passer, et hausse même la voix une ou deux fois, mais Clément laisse glisser et se contente de faire son boulot comme il faut, rectifiant le tir lorsque nécessaire. Quand les remarques cinglantes de Manu s'assortissent de conseils, il les écoute. Quand ce sont des critiques, il les entend aussi. En tout cas, il ne se fait pas engueuler deux fois pour la même chose.

La rudesse de son supérieur direct est compensée par la sympathie de ses autres collègues : Julien, exubérant, prompt à s'exclamer et à parsemer son langage de mots swags, comme pour prouver qu'il est un vrai jeune ; Maxence, le plus proche de son âge, plus tranquille mais qui possède un humour pince-sans-rire dont il use sans retenue ; Philippe, silencieux mais bienveillant ; et Sylvain, parfois paternaliste, parfois envahissant, mais toujours partant pour boire une bière ou partager une blague. Thierry, qui passe la plupart de ses pauses avec eux, se donne des airs d'idiot du village mais est bien loin de l'être : depuis son évier, il entend tout, voit tout, sait tout sur la cuisine ; il n'est pas avare de partager ses commérages, mais le fait toujours avec humour et tendresse, jamais avec méchanceté.

Clément a moins l'occasion de côtoyer les filles de la salle : elles restent le plus souvent entre elles, loin de l'univers trop masculin de la cuisine – même si Clément soupçonne Tania d'avoir des vues sur Julien et de ne prendre des pauses cigarette que pour le fréquenter. Henri, le maître d'hôtel, n'est pas souvent avec eux, mais quand il les accompagne, un genre de malaise s'installe sur l'assemblée. Il est l'équivalent du Chef, trop proche de lui, et n'arrive pas à s'insérer dans le groupe comme un égal. Les conversations sont plus hésitantes, les rires fusent moins facilement, et quand il s'en va c'est comme si un soupir de soulagement collectif leur échappait.

Le Chef, lui, n'est quasiment jamais là. Ni pendant les pauses, ni en cuisine. Il passe de temps en temps aboyer un ordre ou une remarque, critiquer un plat ou refaire une assiette. Mais, la plupart du temps, il est dans son bureau, ou on ne sait où, et les chefs de section – Sylvain, Philippe et Manu – ont toute latitude d'action. Mais la cuisine fonctionne bien sans lui, alors Clément se dit que ce n'est pas si grave.

Clément est en train de travailler une crème au citron quand Manu dépose brutalement devant lui un saladier.

—   T'as prévu de faire quoi avec ces fraises ?

—   Un mille-feuille, répond Clément en relevant brièvement les yeux, sans cesser de remuer son mélange.

—   Exactement. Coupe-les plus finement.

Et Manu retourne vers son poste de travail, son habituel froncement de sourcil au-dessus des yeux. Travaillant sa pâte à crumble, il observe du coin de l'œil Clément qui repousse le saladier du coude et se concentre sur sa crème. Il n'est pas particulièrement en colère contre lui ; il ne le déteste pas. C'est juste qu'il ne supporte pas quand les gens ne font pas parfaitement leur travail. Ces morceaux de fraise étaient trop gros. Il faut les recouper. Point.

La cuisine ne ment jamais [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant