Chapitre 3

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C'est samedi matin, ils sont là depuis à peu près une heure et, après son jour de congé, Clément a l'air un peu plus reposé – un peu

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C'est samedi matin, ils sont là depuis à peu près une heure et, après son jour de congé, Clément a l'air un peu plus reposé – un peu.

— Comment t'as eu mon numéro ? demande Manu d'une voix basse alors qu'ils travaillent côte à côte.

Clément relève la tête, surpris, regarde autour de lui pour voir les réactions des autres – aucune ; ils sont absorbés dans leurs propres tâches et discussions – puis se tourne vers Manu. Rien dans ses gestes et son expression ne montre qu'il vient de lui poser une question. Et pourtant, Clément est certain de l'avoir entendu – tout comme il sait que Manu n'aimera pas se répéter.

— Les RH, répond-il simplement. Je leur avais demandé il y a un moment, je m'étais dit que je pourrais en avoir besoin un jour.

Manu acquiesce pour montrer qu'il a entendu, puis se détourne pour surveiller le four. La conversation est terminée. Il faut quelques secondes à Clément pour se remettre au travail : c'est la première fois que Manu est à l'origine d'une discussion qui n'a rien à voir avec le boulot et, surtout, qui ne contient pas de reproches.

Cela fait penser à Clément que peut-être quelque chose à changé, peut-être que leur relation est en train de s'engager sur une pente plus amicale.

Les jours suivants lui prouvent qu'il a tort : rien n'a changé. Manu ne se montre pas plus ouvert, ou plus sympathique, ou moins sur son dos. Il lui offre la même dose de critiques et de remarques, avec le même ton qui confine à l'acerbe.

Pourtant, Clément se sent plus en confiance qu'avant, maintenant qu'il a la preuve Manu n'est pas tout à fait un robot, et qu'il est capable de comprendre, à défaut d'accepter, les aléas d'une vie humaine. Son instinct le lui avait dicté dès le début, mais jamais jusque là il n'avait pu s'en assurer concrètement. Avant, il lui faisait confiance en tant que pâtissier : maintenant, c'est aussi le cas en tant que personne. Clément lui a après tout glissé, le mardi, que Sarah était guérie et de retour à l'école, et Manu a répondu d'un bref regard et d'un hochement de tête – ce qui, chez lui, équivaut à peu près à un long discours de joie.

Et puis, quelques jours plus tard, Manu est au-dessus des fourneaux, en train de finaliser une crème à la fraise caramélisée, et tend la main vers le sucre glace quand Clément l'arrête, posant la main sur le paquet. Quand il relève les yeux vers lui, prêt à protester, il tombe sur son sourire.

— Tu l'a déjà ajouté, se contente de dire Clément.

Sans répondre, Manu attrape une cuillère et la trempe dans le mélange, puis la porte à ses lèvres. Il y pose brièvement la langue, cligne des paupières, et acquiesce en reposant la cuillère. Son autre main quitte le sucre glace. Celle de Clément retourne voleter autour de la mousse au chocolat.

Finalement, Manu n'est qu'un être humain, faillible, comme les autres – bon, peut-être moins que les autres, mais faillible quand même. Clément s'en sent plus détendu, et l'en respecte un peu plus.

La cuisine ne ment jamais [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant