Chapitre 10

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— Qu'est-ce que t'as prévu de faire de ta journée ? demande Manu en versant le café dans les tasses.

Accoudé au comptoir, face à la cuisine, Clément portes ses vêtements de la veille et ses cheveux, encore humides de la douche, rebiquent à leur extrémité. Comme Manu, il arbore un grand sourire et des petits yeux.

—   Je dois manger avec un pote, répond-il en laissant tomber un sucre dans son mug.

—   Raphaël ?

Clément relève un regard surpris.

—   Comment tu sais ?

—   Sarah.

—   Quelle pipelette, rit Clément en secouant la tête.

Manu s'installe devant lui, entre un pot de confiture et une paire de tartines.

—   Elle m'a dit que t'avais que deux amis, continue Manu en ouvrant le pot. Raphaël et... Emma ? Paraît qu'Emma fume, et que Raphaël a un gros chien.

—   Un labrador, acquiesce Clément.

—   Vous vous êtes connus où ?

—   Emma était serveuse dans un restaurant où je bossais – mon premier boulot. Et Raph, on a fait notre CAP ensemble. Maintenant lui il s'est rangé, il est marié, proprio, futur papa, et il travaille dans une brasserie uniquement les midis, mais à l'époque on a fait quelques conneries ensemble.

—   Du genre ?

—   Du genre répandre de l'huile sur le sol du labo de pâtisserie – c'étaient nos rivaux, un peu, le CAP pâtisserie, à l'époque, tu vois ; je savais pas encore que j'allais passer du côté obscur de la force. Ou lâcher des homards vivants dans la cuisine.

—   Vous vous êtes faits choper ?

—   Huit heures de colle, pour les homards. L'huile, personne a jamais su que c'était nous.

—   Je t'aurais pas imaginé comme ça, sourit Manu en léchant sa cuillère.

Clément hausse les épaules.

—   J'avais quinze ans, j'étais un petit con à l'époque. Mais bon, on se marrait bien. Me dis pas que t'as jamais fait de conneries, toi, je te croirais pas.

Manu réfléchit quelques secondes, le nez en l'air, la cuillère dans la tasse.

—   À 17 ans, un jour où mes parents étaient pas là, j'ai piqué leur bagnole pour aller en boite avec des potes. Tout s'est passé niquel, sauf que mes parents sont rentrés avant moi.

—   Tu t'es fait engueuler ?

Manu secoue la tête.

—   Même pas. Mais j'ai eu droit à un gros discours moralisateur et culpabilisateur sur tout ce qui aurait pu tourner mal, et ça m'a fait passer l'envie de recommencer.

—   T'as plus jamais fait de conneries ?

—   Plus d'aussi grosses. Et puis, mon père était préfet de police, et ma mère juge : je te jure que, rien que ça, ça dissuade.

—   En effet, grimace Clément.

Portant le café à ses lèvres, il réalise qu'il ne sait quasiment rien de Manu, si ce n'est ce qu'il a appris en l'observant – ses manies, ses habitudes, ses expressions. Mais de sa vie, son passé, ses passions, rien, ou presque. Il ne sait même pas ce qu'il aime manger. Il a tant de questions à lui poser, tant de choses à découvrir sur lui, mais là, à cet instant, il a juste envie de le regarder, pour ne pas oublier cette image.

La cuisine ne ment jamais [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant