Chapitre 8

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Le lendemain, après un petit-déjeuner que Manu le force à avaler, Clément part travailler. Il revient chercher Sarah pendant sa pause de l'après-midi, pour la confier à ses grands-parents qui sont venus dans l'urgence. Manu n'a pas le temps de lui parler, et il ne le revoit pas avant le jeudi matin, où il retourne lui-même au travail.

Toute la journée, il l'observe, attentif à ses gestes, à ses expressions, pour le cas où il faiblirait, où il aurait besoin de soutien. Mais non, Clément travaille, la mâchoire crispée, le sourire absent, le regard concentré, les gestes saccadés. Et quand il fait des erreurs, au lieu de les lui montrer, Manu les rattrape.

Il lui propose de venir se reposer chez lui pendant la pause de l'après-midi, mais Clément refuse, disant qu'il doit aller voir sa mère. Le soir, il disparaît sur sa moto, sans un mot.





Le vendredi, son jour de congé, pas de nouvelles. Manu espère qu'il dort et se retient de lui envoyer un texto.





Le samedi, il dit à peine bonjour, ses cernes n'ont pas diminué et ses gestes sont devenus plus fébriles. Il renverse deux paquets de farine, se trompe entre le sucre blanc et roux, oublie de battre des blancs en neige, jure dans sa barbe. À 10 h 30, Manu ne tient plus et, lui attrapant le bras, le repousse du plan de travail.

—   Arrête, intime-t-il.

Clément soutient son regard.

—   Quoi ? crache-t-il.

—   Tu fais que des conneries depuis ce matin. Arrête le massacre.

—   Tu vas faire quoi, m'engueuler ? le défie-t-il.

Toute la cuisine s'est arrêtée et les regarde. D'un coup d'œil, Manu jauge leurs collègues, puis se retourne vers Clément et dit :

—   Dehors.

Et il le traîne depuis leur plan de travail dans toute la cuisine, la réserve, le couloir et jusqu'à la porte qui donne sur la cour intérieure de l'immeuble. Là seulement, il s'arrête et le lâche. Il lui fait face en croisant les bras.

—   Rentre chez toi.

—   Quoi, ça y est, j'ai atteint le point de non-retour, je suis trop mauvais ?

—   Tu fais plus de mal que de bien dans cette cuisine. Rentre. Je me débrouillerai.

—   Tu me vires, c'est ça ?

—   Écoute, là t'es un poids plus qu'une aide, alors rentre chez toi, et je veux pas te revoir...

—   Je suis un poids, je sais, merci de me le rappeler ! s'écrie Clément en écartant les bras. Je suis incapable de prendre soin de ma mère, de ma nièce, de m'occuper de ma famille, de garder mes amis, de conduire correctement, et maintenant je suis même incapable de cuisiner, c'est ça ? C'est ce que t'es en train de me dire ? Et qu'est-ce qu'il est censé me rester, hein ?

Manu avance vers lui et saisit son visage entre ses mains pour l'arrêter. Clément se fige, surpris, mais ne perd rien de la dureté de son regard.

—   Clément ! C'est pas à propos de cuisine. C'est à propos de toi. Dans cet état, tu me sers à rien derrière les fourneaux. Donc tu enlèves ton tablier, tu rentres chez toi, et je veux pas te revoir avant au moins mardi. Tu dors, tu manges, tu te calmes, tu t'occupes de ta mère, et tu reviens quand t'es capable de faire ton boulot correctement. Ok ?

Clément n'acquiesce pas, mais ne dit rien non plus. Manu continue de le fixer, puis le lâche et recule.

—   Je te couvre auprès du chef et des autres. Rentre chez toi et reviens quand tu pourras te concentrer. Ok ?

La cuisine ne ment jamais [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant