Chapitre 9

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Manu passe finalement ses deux jours de congé à tourner en rond dans son appartement. Sans aucun signe de vie de Clément, évidemment. Il se sent stupide. Il a été stupide. Il n'aurait jamais dû faire ça. Pourquoi pourquoi pourquoi a-t-il fait ça ? Pourquoi est-ce que ça lui a paru une bonne idée ?

Il a mal interprété les signes. Il a cru qu'il y avait un truc entre eux, mais en fait non. En soi, c'est pas un drame, il s'en remettra. Mais ils travaillent ensemble. Comment ça va se passer jeudi ? Comment va se comporter Clément ? Est-ce qu'il va lui en vouloir, arrêter de lui parler, démissionner ? Et s'il avait déjà démissionné pendant son absence ? Est-ce qu'il devrait chercher à le recontacter, si c'est le cas ? Mais comment ? Et pour lui dire quoi ? Et s'il avait tout raconté aux autres ? Il va passer pour quoi, lui ?



Finalement, quand il arrive au boulot le jeudi matin, il est presque en retard et pas du tout reposé. Rentrant dans la cuisine, il découvre que Clément est toujours là – premier soulagement. Deuxième soulagement : personne ne le regarde plus bizarrement que d'habitude.

— Salut, l'accueille avec son sourire habituel Clément quand il arrive à sa hauteur. Le chef veut te voir, pour discuter de la carte de la semaine prochaine.

— Ok.

— J'ai évoqué les mousseux fruits jaunes-chocolat dont on avait parlé, ça a eu l'air de l'intéresser.

— Ok.

Quand il revient du bureau du chef, Clément est en train de surveiller une crème anglaise sur le feu. Il lui demande comment ça s'est passé, et acquiesce à sa réponse brève.

Manu se met au travail, et le plus perturbant pour lui au cours des heures qui suivent est que Clément se comporte exactement comme d'habitude : il ne l'ignore pas, et ne cherche pas à garder ses distances ; il fait comme s'il ne s'était rien passé. Manu décide de s'adapter et d'agir, lui aussi, comme s'il n'était rien arrivé. Il finit par se détendre et la journée passe plus vite – et mieux – qu'il ne l'aurait espéré.

Malgré tout, il s'arrange pour ne pas passer de temps seul avec Clément, et l'évite pendant toutes les pauses. Le soir, il prend son temps et pour nettoyer, et au vestiaire et quitte les lieux bon dernier, cinq grosses minutes après les autres.

Pourtant, quand il referme la porte de la cour derrière lui, il sursaute en entendant Clément l'interpeller, appuyé sur sa moto.

— Hé.

Il s'immobilise.

— Quoi ? demande-t-il d'un ton plus agressif que prévu.

Clément, toujours appuyé sur sa moto, les bras croisés, lève les yeux vers le ciel entre les immeubles avant de répondre :

— Je viens de passer deux jours assez merdiques.

Et pour moi, tu crois que c'était la fête du slip ? a envie de répondre Manu, mais il se retient – une partie de lui a envie d'entendre ce que Clément a à dire.

Après un silence où il baisse le regard sur ses chaussures, comme pour éviter de croiser celui de Manu, Clément reprend :

— Tu sais, ça fait des semaines que j'essayes de me retenir d'avoir un crush sur toi. Parce que t'es mon chef, parce que y avait un bon 99% de chances que tu sois hétéro, et puis parce que, honnêtement, j'ai pas trop le temps pour ce genre de choses dans ma vie en ce moment.

Qu'est-ce qu'il est en train de raconter, là ? se demande Manu. Il est sur le point de voir sa patience venir à bout quand Clément relève les yeux vers lui et les plante dans les siens, un sourire gêné au coin des lèvres. Manu referme la bouche sans rien dire.

La cuisine ne ment jamais [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant