Prologue

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J'inspire et lance un regard à travers la fenêtre du salon. La véranda est inaccessible, quasiment un mètre de neige s'étale sur le sol. Ce spectacle est impressionnant mais aussi, très chiant.

Je grince des dents et attrape la télécommande de la TV. Mon grand-père, chez qui je viens passer mes vacances de février, ronfle sur un siège et ma grand-mère le couve d'un regard tendre. L'amour qui s'échappe entre eux me file toujours autant de frissons. Ils s'aiment, et ça depuis plus de quarante ans.

Quand les iris bleutées de ma grand-mère percutent les miennes, marrons, je lui rends son sourire. Quand je l'ai appelé une semaine auparavant pour savoir si je pouvais venir les deux d'après, elle a immédiatement accepté. Sans même prendre le temps de réfléchir une seconde. J'avais besoin de sortir de la grande ville, de m'enfoncer dans la montagne pour m'éloigner de tout le brouhaha urbain. Mes doigts glissent dans ma chevelure rousse et je détourne les yeux, lançant une chaîne où un jeu télévisé entraîne ma grand-mère. Dans un soupire contrit, je la laisse et tente de répondre à mon tour aux questions posées sous les moqueries de la dame de maison. Je roule des yeux, gardant mes lèvres étirées dans un rictus heureux. J'adore me trouver entre ces quatre murs, là où seuls les sons qui nous parviennent sont celui du vent, des oiseaux et de la grêle qui tape contre les volets la nuit. Parce qu'il faut se l'avouer, il fait un temps pourri les trois quarts du temps.

Et ça me désole. D'habitude, une fois mes affaires posées dans ma chambre à l'étage, je m'empresse de sortir et d'aller faire un tour dans les bois, suivant un petit sentier que j'ai créé à force de venir. Mais là, ça ne fait que trois jours que je suis arrivé et je n'ai pu sortir qu'une fois. Le jour de mon arrivé, samedi. Et dimanche, la neige était déjà éparpillée de tous les côtés, bloquant la porte et les allées. Et le verglas présent sur les routes ne donne pas non plus envie d'aller dans le centre-ville à vingt minutes d'ici. Alors je reste dedans, vacant à des occupations pour aider mes grands-parents, comme la vaisselle, le ménage,... J'aide comme je peux et je fais passer le temps de la même manière. Mais l'ennui reste présent et déjà, j'en ai marre. Être fils unique et n'avoir aucun contact avec mes cousines n'aident pas non plus. Mes amis ont tous réussi à s'enfuir dans des pays étrangers et mon meilleur ami n'est donc presque jamais connecté sur Skype ou Facebook. Je soupire discrètement et m'étire, remontant la couverture sur mes jambes. Il est onze heures et quelques et je ne vais pas tarder à aller préparer à manger. Ce qui est souvent le cas quand je viens en vacances. Mon grand-père, ancien cuisinier, m'a rapidement transmis son amour pour les ustensiles, et les aliments. Et c'est bien pour ça qu'à chaque fois que je pose les pieds ici, on s'enferme dans la cuisine pour préparer des plats, pour m'apprendre tout ce qu'il sait et pour renforcer cette complicité déjà bien ancrée.

Mon téléphone entre les doigts, je le fais tourner tout en réfléchissant à la réponse demandée à la télé. Ma grand-mère la trouve avant moi et je me renfrogne, la faisant rire.

- Fais pas la tête Rosen, s'amuse-t-elle en enfonçant ses doigts dans ma hanche avec un sourire malicieux. Peut-être que la prochaine sera plus simple !
- Merci, c'est rassurant, je grommelle en la faisant rire un peu plus.

Elle secoue la tête et se concentre à nouveau sur l'écran où une énième épreuve apparaît. Mais cette fois, je souffle, désespéré. L'Histoire, c'est quelque chose où je rame bien plus que possible. Je hais cette matière et elle me le rend plutôt bien. Contrairement à moi, ma grand-mère trouve la réponse avant même que des propositions s'affiche et bien sûr, elle a juste. Je roule des yeux, et la force à admettre qu'elle triche. Son éclat de rire me vole un sourire et mon grand-père ouvre un oeil, nous jetant un regard suspicieux.

- Toujours aussi mauvais joueur gamin ? La vieille bique t'a laminé ?, de moque-t-il en attrapant le coussin que lui lance sa femme au visage.
- Ils posent des questions sur Bonaparte, je râle en m'enfonçant dans le canapé. Je pige rien à sa vie alors je vois pas comment je peux répondre.
- C'est pas bien grave, il est mort alors il ne t'en voudra pas, répond mécaniquement mon grand-père, haussant les épaules sous le regard outré de l'unique femme.
- Ne lui dis pas de telles choses idiot, il va te prendre au mot, gronde-t-elle en nous faisant les gros yeux.
- T'inquiète pas, je travaille quand-même, tenté-je de nous rattraper mais la grimace qu'elle m'envoie prouve qu'elle n'en croit pas un mot. Et puis, au pire, tu seras là pour m'aider ! Toi qui y connait tout...

Décris-toiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant