Chapitre 2.

1.8K 226 163
                                    

En cinq ans ma vie a largement eu le temps de changer. Et c'est le cas de le dire. Je me suis débarrassée de tout moyen de communication et suis partie à l'autre bout du monde. J'ai mis pas mal de distance entre ce qui était susceptible de m'affaiblir. L'Amérique est un immense continent et ce n'est pas pour rien que certains surnomment les États-Unis « le pays des vices ». Tout ou presque y est possible. Et c'est assez loin de la Grèce pour que je n'ai pas à me sentir inquiétée.

Donc, j'ai loué les plus belles chambres d'hôtel, fais la tournée des bars et boîtes de nuits tout en restant sur les zones littorales puisque j'y suis désormais obligée... Et il y a de quoi faire. Autant dire que ces cinq dernières années ont plutôt été occupées. Le mot d'ordre était simple : ne jamais, jamais, donner mon nom. Il aurait été trop facile pour certains de me retrouver.

Mais les stupides mises en garde d'Eris viennent de tout balayer d'un coup de vent. Il a suffit de dix, non ! cinq minutes pour que le fragile équilibre que j'ai instauré dans ma vie ne se brise. À nouveau... Si je ne haïssais pas autant la déesse, je crois que je me serais mise à la détester de tout mon être.

Soudain, un vertige me prend et je passe mes mains sur mon visage. Mes doigts effleurent mon front, m'arrachant un frisson. Moi qui pensait que me nourrir ferait disparaître cette fichue chose. Le panneau d'un petit bar clignote dans la nuit, attirant mon attention.

Je pénètre dans l'établissement et sans prêter la moindre attention aux regards qui se posent sur moi, j'entre dans les toilettes. Je m'appuie au lavabo et mon regard se porte à mon reflet. Le symbole luit sur mon front, plus scintillant que jamais, comme pour me narguer.

Je suis là, je pourris ta vie et tu ne peux rien contre ça...

Je lâche un grognement de dépit et donne un violent coup de poing dans le miroir qui se brise sous l'impacte. Cela me calme quelque peu.

La porte s'ouvre derrière moi dans un grincement si léger que je pense être la seule à percevoir et je plisse des yeux, intriguée. Je ne peux m'empêcher de m'exclamer moqueuse :

« Se sont les toilettes des dames ici, monsieur.

- Mélusine de Longborn?

Je me fige et une grimace déforme mes traits lorsque j'entends mon nom entier prononcé, chose qui n'est pas arrivée depuis cinq ans déjà, tandis que je me retourne en soupirant.
L'homme se tient debout, obstacle entre moi et la sortie. Le tatouage sur son avant bras représentant une dague transperçant un cœur entourée de symboles, démontre sa nature : chasseur de sirène. Réprimant un rictus de dégoût, je répond neutrement :

- Vous faites erreur sur le personne.

Un ricanement fait suite à mon affirmation.

- Assurément non. Sinon, pourquoi tous les hommes ne pourraient-ils pas détacher leurs regards de vous depuis que vous êtes entré ici ?

Peut être parce qu'avant d'être une sirène, je suis avant tout une femme et qu'une femme attirera toujours les hommes – sauf cas particulier ? Je capitule cependant et lève un sourcil :

- De quoi suis-je coupable cette fois ci ? Je me suis tout de même tenue à carreau et faite discrète durant cinq ans... Sans oublier qu'avant ça, j'ai sauvé le monde.

Il plisse des yeux et tire un poignard de sa ceinture, s'approchant de moi menaçant.

- « Celle qui envoûte » est légendaire pour ses méfaits. Vous avez tué plus d'hommes qu'aucune des vôtres et avez corrompu tant de cœur... Vous êtes un vampire des mers, un poisson du diable. Un monstre.

Mélusine 2 - Maléfice DivinOù les histoires vivent. Découvrez maintenant