Chapitre 24.

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À les regarder se toiser ainsi du regard et au son de la voix du dieu des mers lorsqu'il prononce cette phrase, un détail me frappe brusquement et je fronce des sourcils. Je croyais Chronos être le père des dieux... En particulier de Zeus, Hades et... Poséidon.
La déesse de la discorde, qui s'était faite étonnement discrète ces dernières heures semble soudain se réveiller et elle me souffle :

« On peut dire ça en effet. La Vie a demandé Son aide à notre création puisqu'elle désirait faire de nous des êtres ne craignant pas le temps. Ainsi donc, si elle est l'entité mère, lui est l'entité père. Chronos n'est pas si neutre que ça dans l'histoire.

Mais pourquoi lui affilie-t-on donc principalement les deux du ciel, des enfers et de la mer ? Encore une fois la déesse se fait un plaisir de m'informer, d'un ton narquois, comme si j'étais stupide de ne pas connaître la réponse à ces questions.

- Ils furent les trois premiers créés. Disons que le temps les a doté de grands pouvoirs... »

Quelque peu impressionnée je jette un regard à l'entité du temps qui continue de soutenir le regard grave du roi des océans. Personne ne pourrait croire qu'il s'agit de leur "père"...

Seulement, Chronos à du sentir mon regard peser sur lui. Lorsque l'enfant se tourne vers moi, je ne peux pas m'empêcher de me raidir. Son sourire angélique ne parvient pas à me troubler, pourtant son expression intéressé lorsqu'il me détaille me dérange. D'une voix enfantine, le temps demande :

« La dixième des premières... Mélusine si je ne me trompe pas... Enchanté de faire ta connaissance. Je te prierai de ne pas me regarder comme si tu allais m'arracher le cœur, ça n'est pas très poli.

Sans me laisser perturber par lui et pas ce que je viens d'apprendre, je réplique :

- Je ferais de mon mieux.

- Ça je n'en doute pas !

Soudain il s'exclame plus haut, comme s'il s'adressait à un public alors qu'il n'y a que Poséidon et moi :

- Vous avez pu admirer ma collection ?

Les yeux de l'enfant pétille de joie. Jamais je n'aurai imaginé le Temps atteint de kleptomanie et de la folie des collectionneurs. Je suis persuadée d'avoir aperçu d'autres objets vraiment surprenants dans son antre – comme une corne d'abondance et une grosse pierre précieuse bleu, sans oublier un gigantesque œuf de dragon, protégé par une vitrine.

Le dieu des mers s'empresse de répondre :

- Magnifique oui.

- Cela fait des millénaires que je la complète. C'est un long travail mais il ne m'est pas compliqué de voyager à travers les époques pour récupérer ce dont j'ai besoins. D'ailleurs Mélusine, tu savais que je ne subissais pas l'avancée du temps ? Je suis dans un monde où il n'existe pas. Où je n'existe pas. Tout ce qu'il se passe ici n'a aucune conséquence sur moi. C'est formidable n'est-ce-pas ?

Je hausse des épaules pour dissimuler ma fascination. Cet enfant ne plaisante vraiment pas. Il va falloir s'en méfier.

Éris semble s'impatienter et elle crache, d'un ton réellement agacé :

« Arrêtez de divaguer et venez en au fait ! Parlez lui de votre plan et oubliez les tapisseries. »

- Je suis d'accord avec la petite voix dans ta tête Mélusine.

- Tu l'entends ?

- En quelque sorte, élude-t-il.

Méfiante, je rechigne à lui expliquer ce que nous prévoyons de faire. C'est Poséidon qui s'en charge, lui contant nos raisons et notre objectif final. Son ton est sombre, le timbre de sa voix rauque et pour la première fois, je me rends compte à quel point se dresser contre ses frères et sœurs lui coûte. Une boule se forme dans ma gorge, comme de... la culpabilité. Poséidon me suit par amour en dépit de ses liens familiaux et de son allégeance divine sensée être éternelle. Et rien que pour cela, je sens mon corps – ou bien est-ce mon cœur ? – voler en éclat.

Mélusine 2 - Maléfice DivinWhere stories live. Discover now