Chapitre 21.

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Xème siècle avant J-C.

« Melicine, fille du mal ! Reviens.

La femme, d'une beauté froide et même un peu dépassée, se place devant moi et se dresse entre moi et la porte de sortie. Sa robe de riches tissus, chose qu'elle peut se permettre grâce à la richesse de son défunt époux, bruisse dans son mouvement. Je vois rouge. Ça suffit, j'en ai soudain assez. J'attrape alors le couteau qui traînait sur la table de la cuisine et me l'enfonce dans le ventre. Elle écarquille les yeux et se précipite vers moi, mais je me faufile comme une anguille et lui échappe en ignorant la douleur fugace que je me suis infligée et le sang qui se met à couler de ma plaie, s'étendant sur le tissue de ma tunique grecque. Seulement, l'hémorragie se stoppe vite et ma blessure commence déjà à guérir. Impossible de me tuer de cette manière. J'ai déjà essayé un millier de fois. Je redresse le menton avec fierté :

- Que vas-tu me faire ? Je suis invulnérable ! Tu ne peux me blesser. »

Je retire la lame et la jette à ses pieds avant de prendre la fuite. Je cours pour échapper à la matrone. Celle ci m'a recueillie quand je suis apparue sur les rives de la mer, alors que j'étais âgée d'une dizaine d'années d'après elle. Elle m'a recueillis, comme elle le dit si bien, et a pris soin de moi malgré ma nature maudite. Elle ne sait pas ce que je suis. Moi même, je ne le sais. Mais quand bien même, je ne suis pas humaine. Elle le répète tout le temps, depuis maintenant huit ans. Depuis qu'elle m'a trouvée. Elle est d'une méchanceté absolue mais mon caractère trop fort pour une jeune fille de mon époque me sauve la mise. Ses remarques acerbes me poursuivent à chaque instant de ma vie. "Melicine, fille du diable, sans moi tu serais morte." "Melicine, que les dieux te maudissent, obéis moi."

La rumeur s'est répandue au village de pêcheurs et je ne peux m'empêcher de récolter certains regards méprisants sur mon passage. Parfois à cause de ma beauté et de ma vanité qu'ils jugent être une insulte aux dieux. Parfois à cause de mon tempérament qu'ils jugent indigne d'une fille de bonne famille.

Je ne suis pas humaine. Et un jour, je les tuerai tous.

Je m'arrête pour reprendre mon souffle et peste contre mes sandales qui se sont détachées durant ma course effrénée. Je me faufile dans une petite ruelle en frottant mon ventre vierge de toutes plaies. Seul le sang sur ma tenue est témoin de ma blessure volontaire. Je sors enfin de la ruelle et déboule sur une petite place ornée d'un puits. En temps normal il n'y a personne, ce qui en fait un coin tranquille pour mes évasions. Seulement, en cette soirée, je n'y suis pas seule.

J'ai échappé au mariage qu'on impose aux filles de mon âge. Aujourd'hui j'ai 18 ans et je suis toujours libre. Enfin... Autant que je pourrais l'être. Seulement, les hommes se sont toujours retournés sur mon passage. À cause de ma beauté. Et parmi les trois jeunes hommes qui se trouvent face à moi, il y en a un qui s'est montré particulièrement entreprenant. Alceste. Je suis pourtant parvenue à l'éconduire sans soucis jusqu'à maintenant. Mais ce soir, son visage est emprunt d'une détermination presque effrayante. Il sourit à ses deux compagnons et ricane en s'approchant d'un pas :

« Tient donc, regardez qui nous avons là ! Ne serait-ce pas notre petite tigresse ?

Je recule, prudente.

- Qu'est ce que tu me veux Alceste ?

- Tu le sais très bien, Mélicine. »

Son sous-entendu me pétrifie. Ce n'est pas la première fois qu'il me menace, mais cette fois ci, la lueur dans son regard m'indique qu'il est prêt à aller jusqu'au bout. Je tente de quitter la place mais soudain, l'un de ses acolytes me bloque le passage. Je plisse des yeux, sentant la fureur monter en moi.

Mélusine 2 - Maléfice DivinWhere stories live. Discover now