Sueurs nocturnes

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Elle se réveilla à 3h du matin.

La chambre était sombre, mais par la fine lumière du lampadaire externe qui filtrait à travers sa fenêtre, elle pouvait distinguer quelques ombres dans la  chambre. Notamment celle qui était projetée par la berceuse. Elle manqua un battement de coeur. Était-ce son imagination ou le berceau avait bougé? Lilith se réprimanda, elle était sur les nerfs, son imagination lui jouait des tours.

Elle suivit les tic tacs du grand-père horloge espérant retrouver le sommeil. 3h....3h30...3h45...Peu importe de quel angle elle voyait sa vie, la réalité la frappait toujours : elle était prisonnière  d'une bande de yakuzas dont les noms étaient répertoriés sur internet. Dans les années 1960, le parti conservateur au pouvoir utilisa encore la pègre pour briser les grèves. Ce n'est qu'en 1992 qu'une loi, dite «antigang», fut enfin votée pour réduire l'influence des yakuzas. Mais dans les faits, Lilith doutait de leur efficacité. D'autant qu'elle n'avait aucun moyen de leur échapper, ni contacter son père, il n'y avait pas de téléphones, la maison était constamment gardée par des hommes, des caméras étaient posées dans points clés, les domestiques étaient des petits soldats à leur solde. Même le chien savait c'était quoi sa job. A part Soko et Ken, toute la maisonnée la regardait avec méfiance. 

Le visage du boss s'implanta dans son esprit.

Lilith décida qu'un sandwich serait la solution à sa vie misérable. Elle quitta sa chambre sur la pointe des pieds. Le personnel commençait son service dans une heure donc elle n'avait rien à craindre de croiser des importuns. Sauf les gardes qui patrouillaient dehors.

La cuisine était aussi propre et rangée que dans un couvent. Il y avait 2 méga frigos, un pour les légumes et l'autre pour les denrées quotidiennes. Elle sortit une assiette dans l armoire qui contenait une cinquantaine de vaisselles, puis des crevettes, fromage et pain. Elle agrémenta son sandwich  d'un verre de lait de soya. Appuyée contre le comptoir de marbre blanc, elle savoura la tranquillité de la nuit.

Deux grandes fenêtres donnaient sur le jardin. Partout il y avait la végétation, des fleurs exotiques. Lilith n avait jamais été sensible aux plantes mais elle découvrait un réel intérêt pour les jardins japonais stylises pour produire des émotions complexes. D'après Soko, c'est Goda lui-même qui avait planté chaque graine du temps où il était un simple jardinier. Il faudrait qu'elle explore le boisé plus en profondeur dès que l occasion se présenterait...

Des voix lui firent tourner son attention. Elle aperçut deux gardes, près des lampadaires, s'incliner et saluer une troisième personne qui venait d'arriver. Le type marchait avec l'assurance d'un félin.

- Tout va bien?

Lilith reconnut la voix grave et profonde du yakuza qui était à l'origine de son insomnie.

 - Oui, patron, répondirent en chœur les deux gardes

- Lâchez les chiens pour la journée. Il ne faut pas que l'incident de cette nuit se reproduise

- Entendu, patron, répondit un  des gardes. Et que fait-on avec la voiture?

- Faites la disparaître

Lilith commençait a douter de la pertinence d' écouter cette conversation. Elle tenait a se garder ignorante des affaires sombres de la famille. Elle avala son sandwich rapidement et se dirigea d'un pas feutré vers l'escalier.

- Et la fille, patron? 

Elle s'arrêta net. Une sueur froide parcourut son échine dorsale. 

La réponse du boss se fit attendre:

- Je m'occuperai d'elle

Lilith se précipita vers sa chambre comme si elle avait 100 bulldogs a sa poursuite. Ce n'est qu 'une fois sa porte barrée, et elle sous les draps qu'elle pu finalement respirer.

Elle prit alors la meilleure résolution de son existence terrestre ; l'obéissance deviendrait son allié. Obéissance religieuse, silencieuse et infaillible envers sa vénérée nouvelle famille.

Elle regarda l'aube se lever, les yeux grands ouverts.



La griffe de la panthère noireWo Geschichten leben. Entdecke jetzt