Le coeur du dragon

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Le yakuza ne la quittait des yeux. Elle se sentit mal à l'aise, resta près de l'escalier, prête à fuir au moindre geste suspect. Il sembla comprendre sa méfiance, restreignit ses gestes, comme pour ne pas l'effrayer. 

- Goda souhaiterait te rencontrer, énonça-t-il, d'un ton posé

Son premier réflexe fut de paniquer. Après tout ce que Ken lui avait raconté sur le collectionneur des doigts, elle ne souhaitait pas faire partie de ses trophées. Comme si il avait lu dans ses pensées, le yakuza ajouta:

- Il est très anxieux à l'idée de revoir sa seule petite fille

Cela la rassura à peine. Son grand-père et toute la famille avaient désapprouvé l'union de ses parents pour ensuite la kidnapper. Lilith ne se laisserait pas facilement amadouer.

- Je ne suis pas prête, expliqua-t-elle

- Il faudrait que tu le sois. Tu prendras le déjeuner avec nous

Lilith tempesta intérieurement. Derrière l'ilot, à une distance éloignée, elle le surprit à examiner sa joue qui commençait à décolorer. Son regard était dangereusement perçant. 

Elle tourna la tête et capta un mouvement dans le jardin, c'était un des hommes qu'elle avait vu quelques fois avec Ken. Il avait les cheveux en queue de cheval, grand, long. Vêtu complétement de noir, comme un corveau de malheur, ses yeux étincellaient dans la nuit. La surveillait-il pour s'assurer qu'elle n'allait pas agresser le boss? 

- Vous dites qu'il veut me revoir? Mais je ne l'ai jamais rencontré, fit-elle en retournant son attention vers son interlocuteur

Le yakuza but lentement son saké. Elle crut surprendre un sourire fantôme au coin de sa bouche provocante.

- Tu étais trop jeune pour garder un souvenir clair, répondit-il, énigmatiquement 

Elle resta bouche bée. Son père avait omis de mentionner cet important détail! Elle fit un rapide calcul, repassa mentalement son abum photo d'enfant. Sa mère avait l'âme voyageuse avant sa naissance, et cela ne l'avait pas arrêté de la trainer, attachée à son dos, dans tous les recoins de l'Europe. A l'âge de 2 ans, Lilith avait passé plus de temps dans le siège des trains transformés en couchette que sur un vrai lit. A quatre ans, elle parlait facilement 5 langues et avait comme compagnons de jeu des chiens et des mendiants. Mais jamais sa mère s'était fixée quelque part, préférant l'anticonformisme issu des classes populaires de sa Russie ancestrale.

C'était avant de déménager avec Kaeto, qui lui, embrassait les multiples avantages du capitalisme moderne.

- Comment vont tes leçons? Questionna le boss, en la ramenant au présent

Il déposa son verre sur le lévier, se rapprochant imperceptiblement d'elle. Elle se raidit.

- Mal, répondit l'adolescente sans réfléchir

Elle espérait qu'il ne remarque pas combien sa proximité la déstabilisait.

- Je crois comprendre que tu ne t'appliques pas suffisamment à la tâche, remarqua-t-il

- Je fais des efforts, pointa Lilith. Je ne peux pas apprendre en quelques jours des leçons que vous suivez depuis la naissance. Et puis, de toutes façons je partirai d'ici bientôt!

Il semble réfléchir. Il l'observa sous ses longs cils, son magnétisme viril était impossible à ignorer.

- Tu penses partir d'ici bientôt, répéta-t-il, comme si l'idée était nouvelle

Un froid parcourut le dos de Lilith. 

L'homme aux traits parfaitement sculptés sortit quelque chose de sa poche et le déposa sur le comptoir. Du coin de l'oeil, elle eut juste le temps d'apercevoir le garde disparaitre derrière les haies.

-Ouvre-le, Yoko

Elle obéit, c'était une boite de métal aux gravures complexes, contenant une chaîne en  argent avec un symbole étrange.

- C'est un présent de Goda

Lilith n'aimait pas les bijoux acquis au détriment du travail forcené des populations du Tiers-monde, mais elle savait que refuser n' était pas une option. Le yakuza lui fit signe de se tourner, elle obéit lentement, son coeur battant d'appréhension, ses mains serrées.

 Le yakuza lui fit signe de se tourner, elle obéit lentement, son coeur battant d'appréhension, ses mains serrées

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Il s'avança, elle huma son odeur, aux agrumes d'un chêne, puissant, terriblement énivrant. Il dégagea ses épais cheveux avec une tendre lenteur, c'était presque comme si il inspectait chaque cellule capilaire. Elle sentit alors le contact froid du métal sur sa peau. Elle oublia de respirer, la main masculine frôla doucement son épiderme, lui envoyant des décharges électriques jusqu' aux orteils.

Jusque là, elle avait crû que sa peur de lui était plus forte que tout autre sentiment mais maintenant elle n'était pas aussi convaincue.

- Ne l'enlève jamais, souffla-t- il prés de son oreille

Son haleine sentait le délicieux saké. Lilith dut faire un effort pour se retourner et affronter son regard ardent. Elle recula instinctivement d'un mètre, son coeur faisait des sauts olympiques sur sa poitrine. Le yakuza plissa le front, une aura sombre l'enveloppa soudain.

- Je vais aller dormir, dit-elle précipitamment. Bonne nuit

- Bonne nuit, Yoko-kun, répondit le boss, le ton bas et grave

Elle fit demi-tour pour s'engager dans l'escalier, quand quelque chose la frappa. Elle toucha son médaillon, il était léger. Les images qu'elle avait vu dans les livres lui revinrent soudainement en mémoire. Le manoir avait été construit par des samourais du 16ième siècle, qui portaient des armatures et casques en métal. Ils se déplaçaient dans les campagnes avec avec les armoiries de la maison qu'ils servaient. Elle fixa le dragon enroulé autour du rubis blue en forme de coeur. C'était un bijou ancien qui avait été poli pour lui donner le lustre d'antan. Une brisse glaciale caressa ses nerfs, elle osa se tourner lentement, presque avec frayeur, juste à temps pour surprendre le sourire au coin du yakuza.

Il était maléfique.


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La griffe de la panthère noireWhere stories live. Discover now