Chapitre 2 - Soirée en Famille

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Petite fouineuse, accusait la voix familière. Combien de fois est-ce que je t'ai dit de ne pas fourrer ton nez dans la cuisine ?

- Papa, arrête. Tu me fais mal ! » protesta Miracle.

Cependant, une poigne de fer enserrait son bras, et elle fut traînée bien malgré elle à travers la cuisine, sous les regards amusés de la brigade au complet.

« Youssef, tu gères pendant dix minutes ? ordonna Désiré.

- Inch Allah, pas de souci, chef. »

Miracle poussa un soupir de dépit. Le ton obséquieux que les employés de son père employaient pour s'adresser à lui avait le don de l'exaspérer. Dans le couloir de service, elle croisa le regard de Kassim, mi-amusé, mi-désapprobateur. Encore une ligne à sa longue liste de griefs à l'encontre du serveur. La revanche serait d'autant plus brutale.

Désiré tira, puis poussa sa progéniture en haut des marches qui conduisaient au seuil de l'appartement familial situé à l'étage, juste au-dessus des locaux du restaurant.

La proximité entre sa maison et le lieu de travail avait toujours fait partie du quotidien de la famille N'Kanté, qui vivait au rythme des jours d'ouverture de la Lisière. Mardi, jeudi, samedi et dimanche, de onze heures trente à seize heures, et de dix-neuf heures jusqu'au bout de la nuit. L'établissement affichait complet et les clients devaient réserver des semaines à l'avance.

Mais Miracle s'en fichait royalement. Elle constatait surtout que la limite entre le domaine privé et le restaurant ne se traçait pas au seuil de ce duplex. Bien des choses entraient et sortaient.

Le visage fermé, les bras croisés, l'adolescente s'affala dans le canapé.

Son père marqua une courte pause, le temps de jauger le niveau de mécontentement de sa fille unique. Jugeant qu'il devait être relativement élevé, il se garda d'attaquer frontalement le sujet frontalement.

« T'as mangé, au moins ? »

Comme c'était mesquin de sa part. Miracle fit une moue et détourna le regard. Désiré secoua la tête de dépit et se dirigea vers la cuisine, où il entreprit de fouiller le frigo en quête de quoi nourrir la petite rebelle.

Elle le surveillait du coin de l'œil. Évidemment, il en était parfaitement conscient. Il voyait qu'elle le regardait. Mais aucun des deux n'en disait rien. Évidemment. Ç'aurait été trop facile.

Tandis qu'il s'affairait devant le fourneau, elle remarqua que les cheveux crépus sur son crâne commençaient à grisonner. L'idée de la vieillesse de son père vint la percuter comme un pare-brise à pleine vitesse. Pendant une seconde, elle oublia pourquoi elle lui en voulait.

Et puis elle se souvint du garde-manger et du secret qu'il renfermait. Celui de l'oubli. L'escamotage de sensations grâce auquel le grand chef Désiré N'Kanté ensorcelait l'humanité. Elle voulait savoir.

« Tiens, mange un peu. Ça te fera du bien. » fit son père alors qu'il déposait sur la table basse une assiette fumante de légumes sautés à quelque mystérieuse épice qui sentait si bon que son estomac en ronronna d'envie. Elle avait beau accumuler un tas de reproches à l'égard de son paternel, elle ne pouvait nier qu'il possédait un réel talent en cuisine, au point de lui faire aimer ce que tant de personnes de son âge tenaient en horreur, les légumes.

Elle plongea avec un délice mal dissimulé dans son omelette de haricots et champignons à la sauce forestière, et s'abstint de montrer le moindre signe de gratitude envers son père.

« Bon, j'y retourne, fit-il par déclarer. N'oublie pas tes médicaments avant de te... »

Sa consigne fut interrompue par un soudain « plop » qui résonna depuis la chambre. Père et fille sursautèrent de concert. Désiré secoua la tête et murmura :

Babylon - Les Mondes de MiracleNơi câu chuyện tồn tại. Hãy khám phá bây giờ