Chapitre 12 - Jour de repos

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« Comment ça, pas de cours aujourd'hui ? »

Miracle n'en croyait pas ses oreilles. Elle s'était levée aux aurores, sans même avoir recours à un réveil ou une alarme. À peine deux semaines auparavant, ces deux exploits cumulés lui auraient valu une visite chez le médecin à laquelle elle aurait volontiers consenti. À Nancy, ses parents la voyaient rarement émerger avant 7h30, et encore uniquement les jours d'école, à condition bien sûr que Bub se charge de la lever, à grand renfort de playlist métal hardcore des années 90. Ce qui ne changeait pas, par contre, était l'humeur massacrante dans laquelle la mettaient ces réveils violents.

La raison, toutefois, différait légèrement. Depuis qu'elle s'astreignait aux séances d'entraînement avec Marika, la jeune fille constatait des progrès dans sa condition physique, ainsi que dans sa capacité à dormir et se réveiller. Certes, elle usait, voire abusait, de la soupe soporifique de Havel, mais au moins elle n'avait plus à se soucier des cauchemars. La fatigue la terrassait, sitôt le dîner avalé. Elle se traînait alors jusqu'à sa chambre et s'écroulait sur son lit, parfois sans même avoir eu la force de se changer. Le prix à payer pour cette tranquillité d'esprit se faisait rappeler au matin, justement le moment le plus difficile de sa journée, quand elle basculait sur le côté et sentait chacun des muscles de son corps la supplier de rester couchée. Mais les courbatures représentaient paradoxalement un trophée, presque une fierté, qui lui démontrait à quel point sa vie changeait. Pour une petite fille cardiaque et couvée par des parents hyper-protecteurs, les douleurs musculaires relevaient de la légende. Aujourd'hui, cette souffrance devenue réalité la poussait à se dépasser chaque jour davantage, pour repousser les limites qu'elle s'était trop longtemps imposées. Elle se sentait sur une bonne série.

Et voilà que ce petit enfoiré de Lumir lui expliquait que c'était jour férié. Moniyah avait compris son état d'énervement et se coucha sous la table de la cuisine, le temps que l'orage passe.

« Tu te fous de ma gueule ? continua-t-elle sur le même ton accusateur.

— Pardon, je n'ai pas bien compris ce que tu as dit. » bafouilla-t-il les mains en avant.

Ce qu'il pouvait être exaspérant, quand il jouait les imbéciles. Elle eut envie de s'arracher la tignasse à pleines poignées et de les lui lancer à la figure, pour bien lui faire comprendre.

— Mais qu'est-ce que tu fous... Que fais-tu donc debout à cette heure matinale ?

Je dois toujours aller traire les vaches. Veux-tu m'accompagner ? Nous marcherons ensuite jusqu'au village, si tu le souhaites. »

Elle renifla de dédain pour marquer son opinion au sujet de la proposition de l'apprenti chasseur. Il n'insista pas davantage, prit son grand bidon, enfila son manteau et disparut. Miracle demeura dans la cuisine, à la fois heureuse de s'être débarrassée de cet insupportable grand dadais, mais également embarrassée de se trouver sans occupation.

« C'est vrai, wesh, j'ai une tronche à traire les vaches ?

— Il n'y a pas de petite besogne, tu sais. »

La voix traînante et un brin caverneuse manqua de faire bondir Miracle au plafond. Elle confronta le vénérable Buhurt, dont la moitié du visage dépassait par l'entrebâillement d'une porte ferrée qui débouchait dans la cuisine.

« Je suis cardiaque, bordel. Personne s'en inquiète, ici ?

— J'ai cru comprendre que ce n'est plus d'actualité, répliqua le vieil homme qui s'avança dans la pièce, appuyé sur sa troisième jambe.

— Vous avez de bonnes oreilles, pour votre âge.

— Ma chambre se situe juste à côté, j'aurais eu du mal à ne pas entendre ta conversation avec ce pauvre garçon. Apporte-moi donc une écuelle, et trouve une miche de pain avec un peu de confiture, je te prie. »

Babylon - Les Mondes de MiracleWhere stories live. Discover now