Chapitre 11 - L'art de la guerre

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« Tu peux ôter ton masque, Miracle. Nous ne craignons rien, ici. »

Marika se montrait à son aise dans cette grande bâtisse. Les mouvements fluides avec lesquels elle venait d'ouvrir la large porte de planches pour laisser le passage à la jeune Toniyah et sa fidèle louve et ensuite la barrer de l'intérieur trahissaient une habitude qui ne pouvait avoir été forgée que par les années à fréquenter ce lieu singulier. De l'extérieur, par sa taille et son toit de chaume, on eût dit une grange. Le bâtiment se situait en surplomb de la tour, sur un replat manifestement créé de la main de l'homme. Entre les deux, un vaste pré pentu servait d'enclos à un troupeau de brebis qui y paissaient à cette heure matinale, malgré le givre qui enrobait chaque brin d'herbe et crissait sous les sabots.

Pourtant, aucune bête n'était apparemment entrée sous ce toit depuis bien des années car le lieu montrait tous les signes d'une reconversion en tout autre chose qu'un abri à bétail. De la bâtisse originelle, il ne subsistait que la structure et les fines ouvertures au niveau de la charpente qui laissaient entrer des rayons de lumière grisâtre où voletaient des particules de poussière. La première moitié de la salle était dégagée pour faire place à un large cercle tracé avec une substance noire dans le sable qui recouvrait le sol. Aux murs était accroché tout un attirail de torture. Des barres lestées, des cordes, ainsi qu'un assez large éventail d'armes en bois. La seconde partie du grand hall était couverte de tapis de paille tressée. Dans un obscur coin au fond, Jocelyn boxait dans un sac pendu à une poutre. Il ne prêta aucune attention aux deux arrivantes et leur animal de compagnie.

« Va te changer derrière le paravent. Une tenue d'entraînement t'y attend. » instruisit la chasseresse d'un ton calme et posé.

Miracle obéit. Quand elle se débarrassa de son épais pantalon de laine, elle grimaça en voyant l'aspect atroce de sa jambe gauche qui conservait mille sillons violacés, traces du combat entre le poison du serpent démon et ses anticorps, assistés de l'antidote administré par Marika. Dix jours avaient passé depuis l'incident et les stigmates tardaient à disparaître. Son visage s'était arrangé, fort heureusement. Quant à Moniyah, la louve avait guéri en à peine une journée. Elle noua la fine tenue de coton blanc, chaussa les souliers à semelle souple puis s'avança.

Marika l'attendait sur les tapis, déjà vêtue d'une tenue similaire à la sienne, dont le haut trop serré faisait ressortir son ventre de grossesse. Son visage empreint de sérieux, renforcé par la longue cicatrice verticale qui barrait son côté gauche depuis le front jusqu'au menton, effraya soudain la timide jeune métisse qui regretta d'avoir laissé son masque au vestiaire.

« Viens par ici, n'aie pas peur. »

Moniyah renifla le sol, tourna en rond, puis baissa l'arrière-train sur le sable qui se teinta d'une flaque sombre. Miracle sentit le rouge de la honte lui inonder le visage. Pourtant, Marika ne fit aucune remarque.

« Couche-toi ici, ma belle. » indiqua Miracle à la louve indélicate. « Et sois sage. »

Elle monta sur le tapis, prit une attitude solennelle et fit face à la guerrière.

« Bien, nous allons commencer ton instruction au combat.

— D'accord, mais avec qui est-ce que je vais m'entraîner ? Jocelyn ?

— Non. Jocelyn n'a jamais eu besoin d'entraînement. Il surclassait tous les apprentis dès son arrivée.

— Ah bon ? Ben alors, je vais pratiquer toute seule ?

— Non. Je serai ta partenaire. »

Miracle craignait précisément d'entendre ces mots. Elle chercha à se dérober.

Babylon - Les Mondes de MiracleWhere stories live. Discover now