Chapitre 8 - Entrée en scène

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Une gorgée suffit. A l'instant même où sa tête avait touché le coussin de plumes, le monde s'éteignit.

Miracle se sentit secouée par une main hésitante, puis un soudain cri de douleur retentit, qui la fit se redresser en sursaut. Lumir se tenait sur le côté du lit, la main contre le torse, et un filet de sang coulait sur son avant-bras. Au pied du lit, sur les couvertures, Moniyah grondait sauvagement, fermement campée sur ses pattes, le poil hérissé et les épaules hautes.

« Qu'est-ce que tu fous dans ma piaule ? hurla Miracle, en tirant la couverture sur sa poitrine.

— Je... Excuse-moi... bégaya l'apprenti, le visage cramoisi de honte. Je voulais seulement te réveiller pour te dire de te préparer. La classe commence une cloche après le lever du soleil.

— Dégage de ma chambre ! » beugla la métisse mal réveillée.

Il ne demanda pas son reste et décampa sur-le-champ, sans oublier de refermer délicatement la porte.

« Merci, ma belle. » fit Miracle à sa louve de garde.

Ce réveil intempestif acheva de la mettre de mauvaise humeur, et elle pensa avec amertume à la journée qui commençait. Ses cheveux en pétard, qu'elle ne parviendrait jamais à dompter. La tenue moche qui était la seule à sa disposition. Le soleil avait-il au moins émergé ? Elle en doutait, car sa chambre baignait encore dans une semi obscurité, malgré l'étroite fenêtre aux allures de meurtrière percée dans le mur.

Elle se pencha pour caresser le long poil dru de sa compagne de chambre dans lequel elle enfouit son visage, pour y trouver un peu de chaleur et de réconfort. Quand son courage lui fut revenu, elle s'arracha à ses draps et s'habilla à la lueur de sa bougie.

Le sommeil lui gonflait les yeux. Désespérée, elle passa une main dans ses cheveux pour tenter d'évaluer l'étendue du désastre capillaire, puis elle traîna les pieds hors de sa chambre, Moniyah sur ses talons, pour ensuite descendre les escaliers d'un pas lourd qui fit résonner le bois jusqu'à la charpente. Il fallait que le monde sache sa contrariété.

Elle traversa la salle du conseil, passa les lourdes doubles portes, et poursuivit vers le rez-de chaussée où se trouvait la cuisine. Son déplaisir monta d'un cran lorsqu'elle constata que Lumir s'y trouvait, seul. Sa main gauche était bandée. Il leva les yeux vers Miracle et eut un geste de recul quand il s'aperçut que sa gardienne l'accompagnait.

« Bonjour, Toniyah. Tu es levée. » lâcha-t-il d'une voix maladroite.

Miracle décida d'ignorer la stupidité de sa remarque et alla à l'essentiel.

« Café.

— Pardon, je ne comprends pas, répondit-il embarrassé. Qu'est-ce que c'est, café ?

— Me dis pas que vous avez pas de café, dans ce patelin de merde.

— Je suis désolé, je...

Qu'est-ce qu'on mange le matin ? consentit-elle à demander en tchèque.

Tout est prêt. Je m'occupe du lait, et tu porteras le pain. »

Il désigna un gros bidon de fer blanc, ainsi qu'un sac en toile posé sur la table, dont dépassaient des miches de pain à la croûte bien cuite, presque noircie par endroits. En y réfléchissant, la cuisine embaumait l'odeur de boulangerie, et de la farine recouvrait le plan de travail près du four à bois. Quelqu'un s'était levé tôt pour préparer tout ceci.

« C'est toi qui as préparé ...

Oui, ça fait partie de mes obligations. Le lait, aussi. »

Babylon - Les Mondes de MiracleWhere stories live. Discover now