22e épisode : Iwol

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Parfois, mon instinct me crie des choses comme "fuis". Ça arrive souvent quand je me sens piégé. Quand quelqu'un veut me raconter sa rupture en boîte de nuit (à l'ancienne vous vous rappelez 😭), que j'ai rendu un sourire à un témoin de Jéhovah ou encore quand je découvre les prix trop chers de la carte d'un restaurant. Cette fois, ça m'est arrivé quand Ibrahim, le guide de Dindefelo, m'a proposé 30k pour visiter Iwol. 10k pour le transport, 20k pour la visite. Quelque chose n'allait vraiment pas. J'ai donc fini par refuser en lui disant que mes cousins m'accompagneraient. Oui j'aurais pu lui dire que c'était trop cher et essayer de négocier mais je n'en avais absolument pas envie. Vous savez quand au restaurant vous voyez un serveur mettre son doigt dans le nez avant de toucher le pain que vous lui avez demandé ? Oui voilà, exactement ça, vous n'en voulez plus. Bin c'était pareil pour moi à ce moment-là.

J'y suis donc allé seul et j'ai suivi l'itinéraire que Souaré m'avait recommandé la veille. J'ai rejoint le "Garage", la place des véhicules de transport en commun, puis pris un "7 places", un moyen économique pour les grosses distances. Les clients ayant une même destination montent à bord du véhicule et payent leur ticket. L'idée est que la voiture ne part que lorsque le nombre requis de passagers est atteint. Ça peut aller tres vite ou être très très long. (Au moment où j'écris le texte j'ai malheureusement connu les deux extrêmes). J'ai trouvé une voiture dont j'étais le dernier passager, nous sommes donc partis directement en direction de Salimata. Je me suis retrouvé le dos courbé au fond de la voiture alors que j'étais le premier à descendre. La voiture s'est arrêtée à Ibel pour que je puisse continuer ma route.

Depuis le moment où j'ai pris ma décision d'aller seul et de monter ces 400m de montagne tout seul, je n'ai pas arrêté d'avoir des images mentales de "moi en train de tomber de la montagne", "moi glissant et me foulant la cheville", "moi me perdant dans la montagne" etc... Dès que j'ai mis un pied dehors, ces images négatives ont cessé. J'ai pensé à ce que mon oncle m'a dit la veille de mon départ pour le Sénégal "Tu as beau te préparer du mieux que tu peux, ce qui doit arriver arrivera". Cette phrase est fataliste, rassurante, inquiétante et optimiste à la fois 😅. En tout cas elle fait relativiser quant à notre responsabilité face à ce qui peut nous arriver.

Les riverains m'ont directement remarqué, j'ai vu leur regard me suivre tandis que je tournais sur moi-même en avançant. Avec toutes mes appréhensions, j'avais failli oublier la base des relations humaines en Afrique : le bonjour, même aux gens qu'on ne connait pas. J'ai donc fait un signe de la main en ajoutant un "Salam aleykoum", qui n'a pas tardé à être suivi d'une réponse (la plupart des gens se saluent avec cette phrase propre à l'islam ici, on ne m'en a pas donné d'autre).

J'ai crié "Iwol ?", puis ils m'ont montré le chemin. J'ai parcouru 50 mètres en réitérant l'opération avec chaque riverain pour être sûr de là où j'allais jusqu'à tomber sur Moussa, mon futur guide. Lorsqu'il m'a proposé de m'accompagner, j'ai d'abord refusé. J'ai reconsidéré la question lorsqu'il m'a demandé si je comptais monter tout seul. J'ai regardé la pente, lui, la pente, lui, puis j'ai souri. Je me suis rapproché pour continuer la conversation. Nous nous sommes présentés puis je lui ai demandé son prix. 10k !! J'ai souri intérieurement pour me féliciter de ma décision de la veille. J'ai essayé de négocier mais il n'a rien lâché. Moussa m'a expliqué que c'était le prix pour les touristes provenant de la sous-région, 15k pour les autres. J'ai accepté puis nous sommes allés chez lui, à 10 mètres du pied de la montagne.

Il m'a proposé d'acheter des bonbons pour les enfants du village et du thé pour les vieux. J'avais lu sur internet qu'il n'y avait pas de prix à payer pour entrer au village mais que les visiteurs faisaient souvent des dons matériels : fournitures scolaires, vêtements, médicaments, produits d'hygiène etc... Je me voyais mal arriver les mains vides, j'ai donc acheté des friandises et du thé.

Le Touriste du Dimanche - Journal De BordWhere stories live. Discover now