24e épisode: Fathala

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Je ne suis pas fan des réserves d'animaux en général. Non pas par activisme pour la cause animale, mais parce qu'elles véhiculent les valeurs du "colonialisme vert". Un concept que je vous invite vivement à rechercher sur internet.

Pourtant il s'agit d'attractions principales dans certains pays d'Afrique. Je ne suis pas allé visiter la réserve de Niokolo près de Tambacounda à cause du prix et de la difficulté de la logistique. Mais celle de Fathala était sur ma liste, mon beau-frère me l'avait recommandé.

Christine m'y a accompagné avec son 4x4. D'habitude elle commande un taxi-moto pour que ses clients puissent y aller. Le hasard a fait qu'elle devait se rendre au marché de Sokone ce jour-là et que ma destination se trouvait sur sa route. Nous avons pris un chemin qu'elle ne connaissait pas et avons d'abord cru que nous étions perdus. Elle était très sereine malgré cela mais moi, j'ai discrètement sorti mon portable pour vérifier l'itinéraire. Choc des générations : l'une ayant eu pour habitude de suivre les étoiles pour trouver son chemin en pleine mer et l'autre ayant pris l'habitude de la technologie.

Nous avons quand-même demandé notre chemin à une des personnes habitant l'un des logements sur la route. Cela a concordé avec les informations de mon GPS. La voie était très abimée et jonchée de creux dangereux pour toute voiture n'ayant pas 4 roues motrices.

A un moment notre bolide a fini par croiser le grillage de la réserve, ce qui nous a indiqué que nous étions sur le bon chemin.

J'ai appris que l'établissement était tenu par des Sud-Africains qui avaient importés plusieurs espèces animales afin de le rendre attractif. Je vous avoue que cela m'a conforté sur l'idée que j'ai des réserves naturelles.

Le parc s'étale sur 6000 hectares, dont seulement 2000 sont réservés aux animaux. Le reste étant pour l'hôtel, la plage (magnifique selon les dires de mon Christine), d'autres constructions et certainement un espace non aménagé.

Grâce au covid, le parc proposait un rabais sur ses tarifs aux visiteurs. J'ai pu en profiter et effectuer un safari dans le parc en ayant loué un 4x4, payé mon prix d'entrée et la prestation d'un guide.

C'est Jacqueline qui m'a fait découvrir la faune de Fathala. J'ai appris pleins de choses sur les animaux qui la peuplent mais aussi que "Fathala" voulait dire "ne pas toucher" en mandingue.

Au cours de mon trajet au sein du parc j'ai pu voir des girafes, un rhinocéros blanc, des buffles, des élans de Darby, des zèbres de Bruxelles, des antilopes, des phacochères, des singes rouges et des singes verts. J'ai également vu des oiseaux que j'avais déjà aperçus sur l'île de Kathior.

J'ai eu droit à une visite en anglais car mon guide était plus à l'aise dans cette langue. Jacqueline a perfectionné son anglais grâce aux nombreux touristes gambiens qui affluent dans le parc en raison de la proximité de la frontière. Elle m'a appris beaucoup de choses sur les animaux, notamment comment distinguer les mâles et les femelles ou encore la manière dont on peut déterminer leur âge. Par exemple, le nombre de tours d'une corne d'un élan de Darby indique son âge.

En plus du safari, le parc compte deux grosses attractions représentées par la marche avec les lions et les jeux avec les lionceaux. Ces deux activités sont à part et représentent un coût supplémentaire. Ça aurait certainement été une belle expérience de marcher à côté des lions et j'aurais pu faire de belles photos, mais ça ne me disait pas plus que ça.

J'ai également vu des crocodiles, une autruche et des tortues situés près du guichet d'entrée. Je suis resté à distance de l'autruche par peur qu'elle ne me coure après. Lorsque je m'étais approché, le chauffeur du 4x4 m'avait dit qu'elle se battait parfois avec les visiteurs.

C'était sympa de voir tous ces animaux, mais je ne pense pas que je retournerai dans ce parc.

*Générique du Roi Lion*

Quand on pense au continent Africain, on pense à tout ce qu'il y a géographiquement en dessous du Maghreb, à l'Afrique "Noire". Quand on pense à l'Afrique, on imagine un peuple uni et solidaire, parlant la même langue, "l'africain". Quand on pense à l'Afrique, on pense à Kirikou et au Roi Lion, ces fictions Occidentales (l'une créée par un Français, l'autre basée sur une œuvre japonaise) qui défendent l'idée de ces villages traditionnels, de ces terres vierges pleines de faune et de flore qu'il faut protéger.

Mais quand on pense à l'Afrique, on ne pense pas qu'il y a multitude de peuples, de cultures et d'ethnies. Qu'il est autant stupide de penser qu'un Français et un Allemand ont la même culture, qu'un Sénégalais et un Ivoirien. On ne pense pas qu'il y a des gens qui vivent et veulent simplement un travail pour pouvoir manger et s'occuper de leurs proches. On ne pense pas qu'il y a des villes développées ou en voie de l'être. On ne pense pas à sa jeunesse qui a les mêmes problèmes que les jeunes du monde entier. Partagés entre tradition et modernité, ils se motivent et deviennent des entrepreneurs déterminés à faire avancer leur pays, voir leur continent.

Alors oui il y a des villages qui ressemblent à ceux dans Kirikou. Mais ces villages aimeraient avoir l'électricité, de l'eau, un accès juste et équitable à l'éducation et aux soins. Ces gens aimeraient simplement améliorer leur quotidien. Cela passe certainement par l'exploitation de cette nature que les ONG occidentales (WWF pour ne citer qu'eux) se fatiguent à « protéger ». On ne peut pas fustiger les petits paysans qui chassent, pêchent et cultivent pour faire vivre leur communauté quand on laisse les géants agro-alimentaires polluer/surproduire/dégrader. Mais c'est sûr que c'est plus facile de faire la morale aux petits Africains.

Bon, à la base je voulais juste vous expliquer brièvement pourquoi je ne porte pas spécialement les réserves d'animaux dans mon cœur. Pour faire simple : au détriment des populations locales, on préserve des parcs nationaux qui servent d'attractions touristiques et de gagne-pain à des personnes qui n'ont certainement rien à foutre du bien-être et de la préservation des animaux. C'est le cas des lions de Fathala qui vivent dans une petite aire du parc et sont condamnés à faire mumuse avec les touristes venus se prendre en vidéo pour leurs followers. Ok ça claque de dire « j'ai marché avec des lions », et après ? Ces lions s'enfuient et vont rejoindre les autres animaux du parc dès qu'un garde ne ferme pas bien leur cage (électrifiée pour les dissuader de sortir).

Pour conclure, je vous invite à lire un ou deux articles sur le colonialisme vert. Vous me direz si vous avez toujours envie de partir à la quête des terres sauvages de l'Afrique.

Le Touriste du Dimanche - Journal De BordWhere stories live. Discover now