Noël
Jour de fête, nous étions frêles
Nos visages tournés vers le ciel
Comme les anges priant l'éternel,
Nous attendions, l'illumination, l'étincelleTerrés, les joues creusées,
Terreux, les visages creux
De grands gamins aux rêves usés
Les souliers sales et boueuxNous étions foule, malgré le froid
Un silence de mort planait sur nous
La neige comme autrefois
Recouvrait toutDans la blancheur de cette nuit de velours
Je me serais presque cru de retour
Au temps de l'innocence
Dans ce paysage de mon enfanceEt soudain, j'eus un élan de nostalgie
Mes pensées se tournèrent vers toi
Vers ma mère, vers notre humble logis
Où brûlait sûrement un feu de boisJ'arrivais presque à vous voir,
Assis près de la cheminée,
À vous raconter des histoires
De charmants contes de fées
Les enfants veillant jusque tard
Sous le sapin décoréMon cœur frappa fort contre ma poitrine,
Et l'image disparue, comme un film qu'on rembobine
Mélancolie assassineNoël sonnait aux portes et j'étais bien loin,
Je comptais sur la poste, pour vous dire que j'allais bien
Pensiez vous à moi, au moins un peu ?
M'aviez vous laissé une place, au coin de ce feu ?Un cor retentit
En lieu et place des carillons,
Dans le silence de la nuit
Nous étions là par millionLa première fusée siffla, déchirant le noir néant
Elle illumina brièvement tous ces enfants
Aux manches trop longues, aux casques trop grands
Leurs jouets chargés de billes de plombs pesantEt soudain, ce fut l'explosion
Un feu d'artifice au son
De la poudre des canons
Les tambours à l'unissonDes gerbes de terres et de feux !
Un spectacle retentissant !
Que c'est beau, merveilleux !
Un brun terreux, un rouge sang.Partout, des gens qui court,
L'orchestre s'enflamme, l'on devient sourd
Plus personne ne s'entend
Au milieu du vacarme et du boucanUne danse endiablée démarre
Chacun se presse dans ce ballet
On danse, rampe, se laisse choir
Sous la pluie de balles argentéesEt moi, sur cette scène, au milieu de tous ces gens
Je ne suis qu'un figurant
Je suis touché, je m'écroule dramatiquement
Mon rôle est joué, qu'adviendra t-il de moi maintenant ?J'ai le visage dans la terre, mon reflet dans une flaque
J'entends les cris et les chants, rien n'interrompt le spectacle
Je ferme les yeux, j'ai sommeil et j'ai froid
Un instant je vois notre feu, mais sa chaleur ne m'atteint pasAu loin retentit l'éclat d'une bombe,
Les corps pales dansent vers la tombe
Ils se tiennent la main, forment une ronde
Ils saluent, se retirent dans les catacombes
C'est l'heure, le rideau tombe.Noël,
Ah ! Noël !Jour merveilleux,
Jour d'adieu
Jour des fêtes
Jour défaiteNoël, la magie
N'a pas agi
Flocons gris
Manteau de pluieNoël dans la misère
Noël dans les civières
Noël dans les cimetières
Noël en temps de guerre
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Feuille Blanche
PoetryLa solitude et le silence ont fait naître ces poèmes, pour combler la feuille blanche.