L'ange sans elle

43 4 0
                                    

Simple pion sur l'échiquier
J'avance sur ce foutu damier
J'ai l'allure des damnés
Puisqu'on est tous condamnés
À finir nos jours seuls dans le brouillard
Je t'écris même s'il est tard

Tu étais mon soleil
Tu m'éclairais de tes sourires
Ma beauté, ma merveille,
Aux tendres soupires

Je sais que tu voulais bien faire,
Tu voulais simplement me recueillir,
Mais ton monde est fait d'enfer
Et a brûlé mes ailes de cire

Alors comme Icare au plumage abîmé
J'ai sombré dans l'abîme
En voulant échapper
Au labyrinthe grâce à mes rimes

Je me suis mis à écrire
À gratter le papier
Pour essayer de m'en sortir
De ne pas me noyer

Tu ne comprenais pas que ton monde me tuais à petit feux
Tu avais grandis dans les brasiers, et moi dans les cieux
Enfant du ciel, et enfant du magma,
Tu étais chaleureuse, autant que j'étais froid

Nous savions,
Qu'il n'y avait aucun sens à nos passions
Tu n'étais pas la destination,
Seulement la plus belle partie du voyage,
Sur le chemin de ma vie, tu n'étais que de passage

Alors un jour, en silence, tu as pris ta valise,
Sans cris, sans larmes, sans crises
Tu as claqué la porte, et je ne t'ai plus jamais revu,
Tu as tout simplement disparu

Je t'ai regardé t'en aller sans pouvoir te retenir
Accoudé à la fenêtre, je t'ai laissé partir
Le cœur lourd de regrets que je n'aurais pas su dire

T'es cheveux balayaient ton visage
Sous le triste vent d'automne
Tu t'es évanouies comme un mirage
Dans ce paysage monotone.

Je n'ai pas tenté de t'arrêter
Peut-être était-ce lâche
Il m'a pourtant semblé
Qu'il fallait qu'on se détache
Puisqu'ensemble on se gâchait
Puisqu'ensemble on faisait tache

Le sommeil m'a fuit,
Pendant de nombreuses nuits,
Les jours sont devenus d'un tel ennui,
J'en perdais l'appétit
Tout était gris, couleur de pluie

Et un soir, posé à mon pupitre,
Le regard perdu de l'autre côté de la vitre,
Sur cette ville endormie où tu t'es évanouie
J'ai arraché la dernière plume de mon dos meurtri

À l'encre de mon sang,
Je t'ai écrit d'un trait violent
Le souffle court, le cœur tremblant
Des mots que tu ne lira jamais
Car le papier déchiré
C'est échoué au pied du lit
Ruines d'un amour parti,
Quelques baisers d'origami

Je ne volerai plus jamais
Mais c'est un juste châtiment
Pour celui qui c'est abandonné
Aux caresses de ton corps brûlant

J'ai prié, j'ai été pieu,
Je suis resté fidèle à mon dieu,
Mais tu étais de l'autre bord,
Tu as été mon seul péché, mon seul tord
Pourtant je n'ai ni regret ni remord

Puisque l'amour est une faute,
Qu'on me punisse d'avoir aimé
Je garde la tête haute
Même le regard voilé

J'ai aimé si fort,
Ça m'a causé bien du tord
J'ai souffert, j'ai encore mal,
Mais ça me paraissait normal

Je suis un ange sans ailes
Car je suis un ange sans elle.

Feuille BlancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant