Chapitre 5 : réconciliation

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 A la suite de son examen, Syara avait repris directement le chemin de la maison. Elle s'était absentée plusieurs heures, bien plus que lorsqu'elle avait besoin d'être seule et espérait donc que les autres ne s'inquiétaient pas trop de ne pas la voir revenir.

Tandis qu'elle arrivait à la porte, la beast vit qu'Elyazra et Rael revenaient eux aussi par l'autre côté de la rue. L'elfe noir avait dû la suivre pour parler avec elle.

— Alors ? On se bat ou on se tombe dans les bras ? Questionna la violoniste lorsqu'ils furent arrivés à son niveau.

— Et pourquoi pas les deux ? On appelle ça l'amour vache, sourit la demie-dragonne.

— Je suis désolée de m'être emportée et d'avoir rejeté la faute sur toi.

— Et moi je m'excuse pour ce que j'ai dit. Tu n'es pas du tout comme notre mère.

— On a tendance à un peu trop s'emporter toutes les deux. Aucune de nous ne devait penser ce qui a été dit. Pour ma part c'est oublié.

— Dans ce cas, je vais en faire de même.

— Par contre, je pensais que vous étiez rentrés depuis longtemps.

— On est allé se changer les idées avec une bière, répondit Rael.

— Entre autres, compléta Elyazra.

Le entre autres et le visage gêné de l'elfe donnaient à Syara une parfaite idée de ce qu'ils avaient pu faire de plus. Elle s'étonna aussi qu'ils soient allés au bar, mais n'allait pas non plus en faire toute une histoire. Elyazra n'avait jamais d'argent sur elle, ce devait donc être Rael qui avait payé les consommations de sa poche. Il faisait bien ce qu'il voulait avec tant qu'il ne touchait pas au pot commun.

— Et toi ? Tu t'es arrêtée quelque part ?

— Je me suis rendue au Hall des musiciens à la recherche d'un soigneur. Il a beau être spécialisé dans les problèmes que peuvent avoir les mages, il n'a rien trouvé qui puisse expliquer ma perte de puissance, se désola-t-elle.

— Tu as lancé un sort qu'aucun autre n'aurait pu lancer en ressuscitant trois personnes, ce devait être un sort extrêmement puissant, il est normal que les symptômes qui suivent soient inconnus. Si ça se trouve, ça n'est pas toi, mais ton violon.

— Mon violon ?

— Oui. Ton instrument est aussi spécial. Il est possible qu'après un tel effort, surtout après avoir utilisé une symphonie de l'âme pour refermer le portail, il se soit mis dans une sorte d'état d'hibernation.

— Pour en revenir à ce qui a été dit juste avant, il existe bel et bien des êtres capables de ressusciter les autres, mais ils sont totalement hors catégorie vu que ce sont des dragons. Mon père et Shay en connaissaient beaucoup à ce sujet ainsi que sur le violon. Eux auraient sans doute pu te dire ce qui t'arrivait.

— Shay... Tout comme Telak, son absence aussi se fait ressentir, souffla Syara.

— Tu n'as qu'à te consoler en te disant que tu n'auras plus jamais à goûter à ses potions immondes, rit la demie-dragonne.

— Oh non, ne m'en parle pas. Rien que d'y repenser j'ai envie de vomir, grimaça la violoniste.

— Et les autres dragons ? Questionna Rael. S'ils existent, peut-être que l'un d'entre eux aurait les réponses à nos questions, supposa l'elfe.

— Je sais qu'il y en a d'autres, mais je ne les ai jamais rencontrés, je ne sais ni à quoi ils ressemblent, ni leur nom.

— Vu que le dernier à avoir été aperçu était ton père lorsqu'il avait passé sa colère sur Sendra, les autres doivent effectivement se faire discrets et vivre sous une forme humaine. Mais de toute façon, nous ne pouvons pas nous permettre de partir dans une mission personnelle tant que nous n'aurons pas gagné de quoi éviter de se faire expulser de la maison. En attendant, je compte sur vous deux pour palier à mon manque de puissance.

— Et moi je compte sur toi pour me prévenir quand je piétine des salades, sourit la demie-dragonne.

Définitivement réconciliées, les deux sœurs entrèrent dans la maison. En passant le pas de la porte, Syara se souvint qu'elle avait des excuses à faire, mais l'intéressée ne se trouvait visiblement pas dans le salon.

— Désolée pour ce qui s'est passé, on a été stupide, commença la violoniste en voyant que Guard était présent.

— Ça n'est rien. J'aurai dû deviner que ça allait partir comme ça.

— Phi n'est pas là ? Je me suis rendu compte que je ne lui avais pas laissé l'occasion de s'exprimer et je voudrais m'excuser.

— Tu ferais bien, en effet. Surtout qu'au lieu de se lancer dans des accusations et des chamailleries inutiles, ce qu'elle avait à dire était constructif.

Honteuse d'avoir agi ainsi alors qu'elle était la première à pousser la fée à avoir plus d'assurance et à s'exprimer, Syara rabattit ses oreilles sur son crâne. Elle qui pensait que Phi voulait simplement couper court à la dispute se sentait encore plus fautive à présent.

— Elle est dans sa chambre, finit par répondre le satyre.

Sans perdre de temps, la violoniste alla toquer à la porte, puis entra sans attendre une quelconque réponse. La jeune fée était sous sa forme originelle, assise près de la fenêtre et regardait l'extérieur avec un air triste.

— Tu guettais notre retour ?

Reprenant une taille humaine, Phi se rendit jusqu'à son lit et s'assit dessus. Elle semblait préoccupée et profondément affectée par ce qui c'était passé. Il allait sans doute falloir plus que des excuses pour qu'elle aille mieux. Voulant prendre son temps, Syara alla donc s'asseoir à côté d'elle.

— Vous avez mis du temps, j'étais inquiète.

— Ely et Rael sont allés faire un tour pour se détendre et moi j'en ai profité pour aller voir quelqu'un qui pouvait m'expliquer le problème que j'ai.

— Il a trouvé ?

— Non, mais je finirai bien par savoir ce qui m'arrive.

— Et pour la dispute ?

— C'est réglé, sourit-elle. Tu sais, avec Ely on a toutes les deux le même sale caractère, alors c'est parfois explosif, mais ça ne dure jamais très longtemps, donc il ne faut pas t'en faire. Par contre, à ce moment-là, je t'ai empêchée de parler et j'en suis désolée. Guard m'a en plus dit que c'était une bonne idée que tu avais. Tu veux bien me la dire ?

— Il ne te l'a pas expliqué ?

— Je voulais l'entendre de ta bouche.

Tandis qu'elle exposait une nouvelle fois son plan de combattre dans la forêt plutôt que dans les champs, Syara se dit que se refaire l'histoire en suivant cette stratégie pouvait être une bonne idée pour que Phi oublie la dispute.

Si le début était réaliste avec un sanglier défait plus facilement, la suite dérapa avec une cliente tout de même mécontente qui se transforma en un horrible monstre. Grâce à l'histoire abracadabrantesque qu'elles construisirent en improvisation totale, les éclats de rires finirent par chasser les derniers échos des éclats de voix qui avaient sévi dans la maison. 

Le violon de cristal : l'autre mondeWhere stories live. Discover now