Chapitre 65 : L'arrivée des émissaires

140 39 4
                                    

 Revenant de sa méditation, Syara ne perdit pas de temps et invoqua son archet pour jouer immédiatement. La mélodie qu'elle joua était fluctuante, parfois faible, parfois forte, tantôt calme, tantôt rapide. Celle-ci était à l'image de la scène qui se formait dans son esprit. La beast s'imagina une plume sortir du bijou et s'envoler dans les airs.

Elle était portée par un vent qui était représenté par la mélodie. Elle voletait au début, mais devait impérativement atteindre une destination, même si cela impliquait de lutter contre cet élément qui la portait. Ainsi, que le vent soit fort ou faible, qu'il la pousse ou la freine, la plume finit tout de même par atteindre sa destination qui n'était autre que la seconde boucle d'oreille.

L'enchantement n'était pas terminé pour autant. De cette seconde boucle naquit une autre plume, différente de la première, qui parcourut le sens inverse. Cristal avait été catégorique sur ce point-là. Si elle s'arrêtait à la première plume, l'enchantement serait incomplet et créerait une boucle émettrice et une boucle réceptrice sans que l'inverse ne soit vrai.

Lorsque cette dernière plume atteignit finalement la première boucle d'oreille, les deux bijoux se mirent à luire d'une faible lueur avant que celle-ci ne s'éteigne.

— C'est fait, annonça-t-elle. Il faudrait qu'on aille les tester, j'espère que ça a fonctionné.

— J'en reviens pas. On bute sur cette problématique pendant des jours, certains mages y ont passé leur vie entière et toi, après trente minutes de méditation, tu dis avoir réussi.

— Disons que j'ai reçu un coup de pouce de mon violon, sourit-elle.

— Fos ?

— Pas exactement. Je te dirai tout à l'occasion.

— En tout cas, si tu as vraiment réussi, nous sommes officiellement à l'abri de tout problème d'argent. Des boucles d'oreilles avec ce genre d'enchantement pourraient se vendre une petite fortune et tu pourrais même obtenir des contrats avec les halls des musiciens.

— Doucement, doucement. Chaque chose en son temps. Pour le moment, nous allons nous en servir uniquement pour que Sae puisse nous contacter. Lorsque nous nous serons assurés qu'elle ne craint plus rien et que les harpies ne sont plus en danger, alors nous pourrons essayer d'en créer d'autres.

— Tu as raison. Nous ne savons pas comment ce sort fonctionne. Si toutes les boucles d'oreilles se retrouvent reliées entre elles, alors en créer de nouvelles ne donnerait qu'une cacophonie inaudible.

— On ne sait même pas encore si celles-ci fonctionnent. Tiens, prends en une, je vais m'éloigner et activer le sort.

Prenant elle-même l'un des bijou, Syara sortit de la hutte de l'impératrice et se rendit jusqu'à l'entrée du village. Là, elle accrocha la boucle à son oreille et appuya dessus pour actionner le sort.

— Rael, tu m'entends ?

— Comme si tu étais à côté de moi, répondit une voix claire qui fit sauter de joie la beast. Et toi ?

— Pareil. J'avais un peu peur que ça ne soit pas vraiment adapté à mon espèce, mais ça va, je n'ai pas l'impression que tu me hurles dans les oreilles. Il faudra tout de même faire un test avec une plus grande distance lorsque nous serons de retour à la maison, mais ça semble plutôt bien engagé.

Si Syara était totalement absorbée par ses essais d'enchantements, à présent qu'elle avait la certitude qu'il marchait, la beast remarqua que le village était pour le moins agité. Les harpies courraient-elles ainsi dans tous les sens depuis le début des préparatifs ?

— Il se passe quelque chose ? Questionna-t-elle à la première qu'elle croisa.

— Syara, Sae viens de me rejoindre, les harpies viennent de lui indiquer que les émissaires se trouvaient en bas de la falaise, indiqua Rael avant que celle qu'elle avait interpelée ne lui dise quoi que ce soit.

— J'arrive, répondit-elle.

Laissant là son interlocutrice qui la vit s'éloigner en se demandant ce qui lui prenait, Syara alla retrouver Sae. Cela faisait des jours qu'ils préparaient le village à cette venue et la jeune impératrice ne pouvait cacher son angoisse à l'idée que cette rencontre se passe mal.

Après avoir réuni tout le monde, que ce soit les harpies ou leurs alliés, tous se dirigèrent vers la falaise pour y accueillir les émissaires. Ceux-ci arrivèrent sur le plateau grâce à un astucieux système de nacelles. Ces plateformes étaient accrochées à des cordes elles-mêmes reliées à plusieurs harpies. Si une seule ne pouvait supporter une telle charge, leur nombre leur permit d'amener les visiteurs sans aucun problème et en toute sécurité jusqu'à destination.

— Bonjour à vous et bienvenue ! Salua l'impératrice.

— Il va falloir revoir le système qui permet d'arriver jusqu'ici, commenta d'emblée une personne qui était étrangère à Syara et qui devait avoir été envoyée par l'un des dirigeants rencontré à Sendra.

— Enfin, c'est un système très astucieux ! Contredit Kleyn, le beast bovin et maire de la ville joyau. Il m'a permis d'arriver aisément ici malgré ma corpulence. D'ailleurs, je tien à m'excuser auprès de celles qui ont dû me porter, cela n'a pas dû être facile. Ne tenez pas compte de la remarque de mon comparse, il est sujet au vertige.

Effectivement, cette personne avait l'air bien blanche. Kleyn avait très bien agi en calmant d'emblée le jeu. Commencer par une critique après les efforts qu'avaient faits les harpies pour construire ces nacelles n'était clairement pas la bonne manière de commencer la visite.

— Chère impératrice, c'est un plaisir de vous revoir, continua le beast. Permettez-moi de vous offrir ce présent qui, je l'espère, deviendra le symbole de l'entente et de la prospérité futur entre votre peuple et le nôtre.

Le présent en question était pour le moins somptueux, se dit Syara. Il s'agissait d'un pendentif dont le motif était deux ailes croisées. L'une était faite d'un rubis et l'autre d'un saphir. Le tout était enchâssé dans un contour en argent lui-même attaché à une fine chaîne.

— C'est magnifique ! sourit Sae.

— Ma ville est réputée pour ses bijoux. J'espère, sincèrement que nous pourrons commercer dans un avenir proche pour que les pierres précieuses qui se trouvent dans ces montagnes deviennent des œuvres telles que celles-ci.

— Du calme, ne tire pas toute la couverture à toi, tempéra un autre émissaire. Sendra aussi aimerait beaucoup faire affaire avec vous et je suis certain que nous pourrions trouver un terrain d'entente.

— Nous pourrons discuter de tout ceci plus tard. Chaque proposition sera écoutée et, si nous le pouvons, nous commercerons avec tout le monde. Pour le moment, que diriez-vous d'une visite de mon village. Ainsi, vous pourrez vous rendre compte que nous ne sommes pas les créatures maléfiques à abattre que vous pensez.

Avec un certain enthousiasme de la part des émissaires qui faisait plaisir à voir pour Syara et ses amis, Sae commença la visite du plateau et les guida jusqu'à son village où tous purent se rendre compte que, si leur civilisation était quelque peu primitive, les harpies avaient le potentiel pour rejoindre le reste de la grande alliance des autres races.  

Le violon de cristal : l'autre mondeWhere stories live. Discover now