Le violon de cristal : l'autre monde

Chapitre 13 : Réunion stratégique

 Après un temps où chacun avait eu quartier libre, l'heure de la réunion stratégique était venue. Ils avaient peut-être délaissé cette phase lors de leurs dernières missions, mais il n'était pas question qu'ils fassent l'impasse pour celle-ci.

Tout d'abord, une première chose était évidente. Ils ne pouvaient pas se permettre d'être accompagnés par beaucoup de harpies. Même cachée sous des capes, chaque harpie en plus de Sae était un risque supplémentaire qu'elles soient découvertes avant d'arriver devant qui que ce soit d'assez important.

Chaque harpie présente était invitée à partager son avis lors de cette réunion. Dans l'ensemble, elles étaient toutes d'accord qu'elles ne devaient pas être trop nombreuses, mais protestèrent vivement lorsque Guard émit l'idée de n'emmener personne d'autre que Sae. Même sans en avoir reçu l'ordre et malgré leur libre arbitre, vouloir protéger à tout prix l'impératrice était inscrit dans leurs gènes. Même si Sae avait une parfaite confiance en eux, elles ne voulaient pas que sa vie soit uniquement entre leurs mains.

Le groupe d'aventurier n'était pas contre l'idée d'en emmener certaines, mais leur fit bien comprendre qu'une escorte trop importante avait bien plus de chance d'empirer la situation. Une personne cachée par une capuche et une cape pouvait passer inaperçu au milieu d'un groupe d'aventurier, après tout il y avait des originaux partout. Cependant, avoir plusieurs personnes habillées ainsi attirait irrémédiablement l'attention.

Les habitants se poseraient des questions, certains iraient même jusqu'à s'inquiéter et prévenir la garde. À cet instant, cacher leur nature s'avérerait compliqué. Finalement, le compromis fut d'ajouter au groupe les deux sœurs de Sae. Les autres harpies étaient certes mécontentes que si peu escortent leur impératrice, mais s'en contentèrent et le groupe d'aventurier, connaissant celles-ci, savaient qu'elles ne poseraient pas de problème.

Vint ensuite la question de leur première destination. Léfarène parut être un choix évident au premier abord vu qu'elle était la capitale du pays, mais il s'agissait sans doute d'un trop gros poisson pour une première prise. En effet, Syara se rappelait clairement du cheminement qu'elle avait du effectuer pour la création de l'orphelinat. Avant de rencontrer qui que ce soit d'important, l'objet de la visite devait être clair, chaque personne devait être identifiée et tout le monde avait été fouillé. La beast avait d'ailleurs trouvé cela absurde sachant qu'elle aurait pu entrer sans armes et utiliser son instrument contre eux.

Edolaf était la ville la plus proche. Elle était assez petite pour qu'ils passent inaperçus et les habitants seraient sans doute heureux de savoir qu'il n'y aurait plus de conflit avec les harpies. D'un autre côté, ils étaient ceux dans la région qui devaient le plus avoir souffert des attaques des harpies ces dernières années. De plus, c'était une ville plutôt isolée qui n'avait pas vraiment d'influence sur les autres. Chaque personne au courant de l'existence d'une impératrice harpie était un risque de voir apparaître une mission d'extermination. Ils ne pouvaient risquer une telle chose en commençant par une ville trop petite. Ils devaient donc marquer le coup avec une ville importante.

En cela, Sendra était la candidate parfaite. Il s'agissait de la seconde ville du pays, une plateforme commerciale indéniable en sa qualité de plus important port de la côte et, cerise sur le gâteau, d'une ville où les dirigeants pouvaient être à l'écoute. Après tout, ils n'allaient certainement pas refuser une demande d'audience de la part de la petite louve de Sendra. Grâce à ce titre, il était même possible qu'ils n'aient pas à passer de contrôles d'identité, ce qui permettrait à Sae de ne dévoiler ce qu'elle était qu'au dernier moment.

Ils savaient donc qui irait et où aller. Restait donc à savoir quel itinéraire prendre. Deux choix s'offraient à eux. Les téléporteurs de Sendra ayant été remis en fonction, ils pouvaient très bien retourner à Edolaf et prendre un portail pour arriver directement à destination. D'après Rael, outre le fait que ce soit une solution coûteuse, c'était aussi une période de grande affluence et le hall des portails de Sendra était bondé à cette période de l'année. Les bousculades étaient presque inéluctables et, avec eux, le risque de révéler leur identité. De plus, si cela devait arriver, un vent de panique soufflerait immédiatement dans le hall, provoquant de nombreux blessés. Les gardes et les mages présents ne tarderaient pas à arriver et ne chercheraient même pas à comprendre quoi que ce soit. Ils attaqueraient à vue les harpies.

Le second choix était de s'y rendre à pied. Cela ne leur coûterait rien, même s'il avait été décrété que cet argument ne devait pas entrer en ligne de compte, mais permettrait aussi d'arriver par une porte. Le risque de bousculade était moindre et les gardes ne contrôlaient pas spécialement l'identité des personnes ou ne cherchaient pas à savoir qui se cachait sous une capuche. Bien sûr, cette solution était la plus épuisante et la plus coûteuse en temps. Ils devraient passer par-dessus les montagnes ou les contourner et, dans les deux cas, il fallait attendre la fin de l'orage.

Ce fut le premier choix qui fut plébiscité. Ils voulaient être le plus en forme pour pouvoir la protéger, donc éviter un voyage éreintant. Ils devraient juste prendre plus de précautions à leur arrivée pour que les harpies ne risquent pas d'être bousculées.

— Je pense que nous avons fait le tour de toutes les questions qu'on pouvait se poser, conclut Syara.

— Moi il m'en reste une, annonça Guard. Avant tout Sae, sache que quel que soit ta réponse, nous avons accepté la mission et nous l'accomplirons du mieux que nous le pourrons. Le fait est que nous avons un certain problème d'argent en ce moment et que nous voulions à la base en accomplir pour nous en refaire un peu et pouvoir garder notre maison. As-tu prévu une récompense si l'escorte se passe bien ?

— Les harpies n'ont jamais utilisé d'argent, nous commerçons entre clans en faisant du troc, répondit-elle.

— Je vois. Tant pis, nous nous referons avec une autre mission après celle-ci.

— Je suis vraiment désolée, s'excusa-t-elle. Par contre, je peux peut-être vous récompenser avec des pierres qui brillent. Nous on en fait des bijoux et j'ai entendu dire que les autres races en faisaient de même.

— Des pierres qui brilles ? Quel genre ?

Pour répondre à cette question, l'une des harpies montra à son poignet un rubis aussi gros qu'une phalange tenu par des lanières tressées en cuir.

— Il y en a plein de toutes les couleurs dans la montagne. Trois coffres seraient suffisants ?

— Heu... Attends... Qu'est-ce que tu entends par coffre ?

N'ayant pas vraiment d'élément de comparaison, Sae montra les dimensions avec ses mains. Elle parlait effectivement de coffres d'un mètre de long pour une soixantaine de centimètres de hauteur et de profondeur.

— Si trois ne sont pas suffisants, je peux vous en donner plus si vous voulez.

Un instant, le groupe se regarda avec de grands yeux. Trois coffres de pierre précieuse c'était juste... Beaucoup trop ! Avec ça ils pouvaient non seulement acheter leur maison au lieu de la louer, mais aussi privatiser toute la rue !

— Un petit coffret de la taille de celui où était enfermé Phi suffira amplement et c'est déjà beaucoup, répondit Rael. Par contre, tu fais bien de nous avoir dit ça, ça nous a permis de nous rendre compte d'une chose.

— Ah oui, quoi ?

— Si nous arrivons effectivement à créer un lien entre les harpies et les autres races, nous allons devoir vous trouver un conseiller pour gérer le commerce. Sinon, vous allez vous faire dépouiller de vos ressources les plus précieuses sans vous en rendre compte.

— On a enfin trouvé pire qu'Ely dans la catégorie je n'ai aucune notion de l'argent, s'esclaffa Phi.

— Eh ! s'exclama la demie-dragonne sans pour autant ajouter quoi que ce soit pour protester.

Avec les rires du groupe et l'incompréhension totale des harpies, la réunion stratégique prit fin. Il ne leur restait plus qu'à se reposer avant de repartir au matin.