Chapitre 96 : La cabane sinistre

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 La surprise du changement d'environnement passée, Syara commença à inspecter tout ce qui se trouvait autour d'elle en restant sur le qui-vive. La pièce dans laquelle elle se trouvait était plongée dans une semi-obscurité. La seule source de lumière, pâle, légèrement bleutée et froide, provenait d'une unique fenêtre et plus particulièrement d'un étrange croissant dans un ciel noir et parsemé de points scintillants.

Pour la violoniste qui avait toujours vécu sous l'épaisse couche de nuage de son monde, voir un tel ciel était une première. Il existait bien des images d'archives dans les livres d'histoire qui montraient ce que les êtres vivants pouvaient voir au-dessus de leur tête avant le grand cataclysme et la guerre qui en avait suivie, mais le voir en vrai faisait remonter des émotions qu'une simple image ne pouvait provoquer.

Si, dans les épreuves du coffre de cristal pour y récupérer une partie des partitions d'Athéa la beast avait eu l'occasion de voir le ciel de jour, elle trouvait celui de nuit encore plus magnifique. À cet instant, elle n'avait qu'une seule envie. Elle voulait sortir, accompagnée de son violon, et jouer une ode à ce ciel si beau.

Le moment n'était cependant pas bien choisi pour s'abandonner à une telle poésie. L'esprit corrompu du violon l'avait faite venir ici et il fallait qu'elle découvre pourquoi. Que lui voulait-il à la fin ?!

Reprenant son investigation, Syara remercia les gènes qu'elle avait hérités de son père qui lui permettaient d'avoir une vue correcte malgré le peu de lumière. Se reportant sur l'intérieur, elle révisa la première impression qu'elle avait eue. Il y avait ici bien plus de chance qu'elle se trouve dans une vieille cabane abandonnée que dans une maison à proprement parler.

Le plancher grinçait à chacun de ses pas, les quelques meubles, une commode et une table en bois accompagnée de deux chaises, semblaient sur le point de s'écrouler sur elles-mêmes. Une épaisse couche de poussière recouvrait le moindre endroit assez horizontal pour qu'elle s'y accroche et, enfin, des toiles d'araignée s'étendaient au moindre recoin où il était possible d'en tisser une.

Alors qu'elle cherchait d'autres indices sur la raison de sa présence ici, un bruit lui fit remuer les oreilles et attira particulièrement son attention. Se focalisant plus dessus, elle ne put qu'en conclure qu'il s'agissait de sanglots étouffés. Tout ceci était des plus sinistres, frissonna-t-elle.

Guidée plus au son qu'à la vue, la beast découvrit que le mur opposé à la fenêtre était pourvu d'une porte. Porte était là encore un bien grand mot. Elle ne l'avait pas remarqué de premier abord parce qu'elle donnait l'impression que le mur avait été découpé et que le trou avait été rebouché avec les chutes auxquelles avaient été rajoutées des charnières pour pouvoir l'ouvrir et la fermer.

Avec prudence, Syara poussa cette porte qui, malgré la discrétion dont elle voulait faire preuve, grinça tels des ongles sur un tableau à craie. Plus sensible à ce genre de bruit que la plupart des personnes, un frisson partant de sa queue et remontant le long de son échine pour arriver à sa nuque la parcourut.

Cette sensation désagréable passée, la beast put détailler cette nouvelle pièce. Il s'agissait là d'une chambre dans un état encore plus déplorable que la pièce précédente. Si les meubles précédents menaçaient de s'effondrer, l'armoire qui se trouvait ici, elle, avait mis ses menaces à exécution et ne ressemblait plus qu'à un amas de planches brisées où l'on ne pouvait que deviner ce qu'elles étaient auparavant.

Le lit ne donnait pas non plus envie de s'y allonger avec ses draps sales, troués et rapiécés qui donnaient l'impression qu'il faisait plus froid en dessous que sans. La source des sanglots ne s'y était d'ailleurs pas glissée. Allongé sur le lit et dos à elle, celui qui pleurait était recroquevillé sur lui-même et tremblait comme une feuille. D'après sa taille, il ne devait pas avoir plus de dix ans.

Toujours avec prudence, Syara s'approcha de lui et, après avoir hésité, posa sa main sur l'épaule de l'enfant. En réaction, celui-ci sursauta sans pour autant se retourner et ramena encore plus ses genoux à lui, comme pour se mettre en boule et se protéger.

— S'il vous plaît, ne me faites pas de mal... pas encore... gémit-il.

— Je ne suis pas là pour te faire du mal, le rassura-t-elle d'une voix douce. Dis-moi, qui te fait mal ? Une personne qui me ressemble, mais qui a des yeux rouges ?

Tournant enfin son visage dans sa direction, Syara ne put qu'être horrifiée. Il s'agissait bel et bien d'un enfant, mais son visage était tuméfié et recouvert de plaies diverses. À bien y regarder, il n'y avait pas que son visage qui avait subi un tel traitement. Malgré le froid ambiant, il ne portait que des sous-vêtements, ce qui permit à la beast de se rendre compte de toute l'horreur que ce pauvre garçon devait endurer.

Tout indiquait qu'il n'allait vraiment pas bien. Sa peau bleutée trahissait une hypothermie, son air frêle de la sous-nutrition, les poches sous ses yeux que l'on pouvait discerner sous les coquards un manque évident de sommeil et enfin les innombrables entailles dont certaines encore fraîches montraient qu'il était torturé à longueur de journée.

— Vous... Vous m'entendez ?

— Oui je t'entends. Ça va aller, c'est terminé. Dis-moi qui t'as fait ça.

Tentant d'abord de se retenir, le garçon finit par éclater en sanglots et se jeta dans les bras de Syara qui l'accepta instinctivement et referma ses bras sur lui pour lui offrir un peu de chaleur, au sens propre comme au figuré.

Cet esprit corrompu était véritablement un monstre ! Comment voulait-il lui faire croire qu'il était dans le bon camp en lui montrant l'une de ses victimes ? Il fallait absolument qu'elle sorte cet enfant de là, qu'elle le mette à l'abri auprès de Fos et de Cristal ! Eux pourraient s'occuper de lui et le soigner là où elle était elle-même totalement impuissante dans ce monde.

Comment pouvait-elle faire ? Elle ne connaissait rien à ce monde et son fonctionnement. Elle ne savait pas comment sortir de cet endroit lugubre et rejoindre l'endroit sûr où se trouvait Cristal allait relever du miracle. Quelle autre solution avait-elle ? Appeler Fos à l'aide en espérant qu'il vienne la chercher sans pour autant savoir s'il l'entendait d'ici ?

Tandis qu'elle se posait toutes ses questions, l'enfant commença peu à peu à se calmer et releva ses yeux larmoyants dans sa direction. Même si la situation ne prêtait aucunement à sourire, Syara se força tout de même à lui en offrir un bienveillant pour le rassurer et lui montrer qu'elle était là pour mettre fin à son cauchemar.

Les lèvres sèches et crevassées de l'enfant s'ouvrirent un instant pour parler, mais c'est une quinte de toux qui sortit à la place de mots. Le son gras qu'il produisit montra ainsi qu'en plus de son état physique déjà désastreux, il devait aussi souffrir de nombreuses maladies à rester dans le froid et l'humidité. Ne pouvant que l'aider en lui tapotant le dos le temps que ça passe, la beast attendit patiemment qu'il s'en remette et ne retente de lui parler.

— Je vous en prie, arrêtez d'utiliser le violon, implora-t-il. Ça me fait très mal à chaque fois.  

Le violon de cristal : l'autre mondeWhere stories live. Discover now