Chapitre 125 : La ville angélique

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 La civilisation des anges étant bien plus ancienne que toutes les autres, Syara s'était attendue à donner l'impression de n'être qu'une primitive au milieu de gens évolués. Cette visite en compagnie de sa sœur et d'Élane qui leur servait de guide lui prouva que ça n'était pas forcément le cas. En termes d'infrastructure, cette ville était semblable aux grandes villes de leur monde. Il y avait même certains éléments que eux n'avaient pas.

Le fait que les humains aient connu une ère de technologie avait dû aider à leur développement. Là où des solutions magiques avaient été trouvées pour remplacer ce qui se faisait autrefois, les anges avaient stagné sans véritablement chercher à améliorer leurs villes.

S'il y avait bien une chose que la beast pouvait reconnaître, c'était que leurs villes étaient bien plus belles. L'architecture était harmonieuse, le vert des arbres alignés dans les larges rues ainsi que la multitude de couleur des fleurs qui s'épanouissaient sur les balcons se mariaient très bien avec le blanc des façades. Les anges privilégiaient donc le beau au fonctionnel.

Ce genre de ville était rare dans le monde d'où les deux sœurs venaient. La raison était finalement assez basique. Si ce genre d'aménagement rayonnait sous un ciel aussi radieux, il devenait tout de suite bien plus triste avec moins de lumière et des nuages noirs à perte de vue.

L'autre chose qui contrastait avec leurs villes était la disposition des rues. Elles l'avait déjà remarqué en se rendant depuis l'entrée jusqu'au manoir, mais cette ville avait été créée par et pour des personnes capable de voler. Certaines cours décrites par Élane étaient tout simplement inaccessibles pour elles puisqu'aucune rue ne les reliait. Il y avait aussi beaucoup moins de petites ruelles qui faisaient la liaison entre les grandes artères vu que les habitants se contentaient de prendre leur envol pour passer de l'une à l'autre.

— Et les enfants qui n'ont pas encore d'aile, comment font-ils ? Questionna Syara.

— Dans notre culture, il est assez rare qu'un enfant s'éloigne trop de l'un des membres de sa famille avant d'avoir des ailes, répondit le fils du baron. S'il doit se rendre à un endroit inaccessible à pied, alors l'adulte le porte.

— Et en parlant d'avoir des ailes, elles poussent toute seules à un certain âge ou bien il y a un rituel qui les fait sortir ? Demanda Elyazra avant de se pencher à son oreille pour continuer en chuchotant. Avec ma sœur, on se pose cette question depuis que notre mère a voulu prendre possession de l'un de nos corps pour justement récupérer ses ailes. On se disait d'abord que c'était une question d'âge et que ça pouvait nous arriver à tout moment, mais Firène a déjà les siennes et est plus jeune que nous.

De la discrétion et une question pertinente ? Était-ce le soleil qui avait frappé trop fort sa sœur au point de la rendre sortable ? Se demanda Syara. La connaissant, elle aurait imaginé qu'elle aurait presque crié sa question pour faire en sorte que tout le monde autour l'entende, mais non, elle avait fait les choses bien sachant que le baron avait bien expliqué que les hybrides n'existaient pas en ce monde.

D'ailleurs, pour ce qui était d'attirer l'attention, la nouvelle de leur présence avait effectivement fait le tour de la ville. Une telle présence était exceptionnelle, cela se voyait dans le regard des habitants qu'ils croisaient, mais la simple présence d'Élane semblait repousser les possibles ennuis.

Certains osèrent aller jusqu'à leur demander ce qu'elles faisaient à ses côtés. Ceux-là se divisaient en deux catégories. Les curieux qui n'étaient pas vraiment gênants et avec qui les deux sœurs avaient même pu échanger un peu et les outrés qui trouvaient que leur simple présence était un véritable outrage à la grandeur de leur peuple.

Ces deux catégories avaient le droit aux mêmes explications de la part du fils du baron. Elles étaient là sur ordre de son père pour lui rapporter l'avancement des récoltes et de la préparation pour la guerre. Les offusqués, eux, avaient cependant le droit à une remise en place dans les règles de la part d'Élane.

Elyazra avait aussi trouvé la parade pour qu'ils ne s'éternisent pas. Elle leur annonçait simplement que les préparatifs avançaient, puis leur disait qu'ils avaient sans doute hâte de partir à la guerre. Lorsque les premiers bafouillements commençaient, elle se mettait alors à décrire les créatures absolument cauchemardesques qu'ils allaient devoir affronter une fois sur ces terres hostiles. Ses descriptions étaient si convaincantes que ceux qu'elle avait en face d'elle palissaient à vue d'œil et ne s'éternisaient jamais très longtemps. En somme, de l'Elyazra dans tout son art.

— Il y a bien une cérémonie, mais elle est là pour célébrer l'événement, pas pour les faire pousser, répondit l'ange après un moment de réflexion, faisant revenir Syara à la discussion présente. Si elle cherchait véritablement à récupérer ses ailes par cette méthode, je ne vois pas comment elle aurait fait. Après, il y a beaucoup de choses que j'ignore encore. Vous n'aurez qu'à poser la question à mon père, lui saura peut-être.

— Bon, eh bien Ely, si tu commences à avoir des plumes, tu me préviens. Que je ne m'étonne pas quand ça sera mon tour, plaisanta Syara.

— Oui, ne t'inquiète pas. Si ça arrive, je serai sans doute la première en tant que grande sœur. J'espère que tu ne seras pas trop jalouse.

— Jalouse ? Contrairement à toi, je sais déjà voler, moi. Toi par contre, il va vraiment falloir t'entraîner avec Phi parce que la dernière fois que tu as essayé, ça n'était pas glorieux.

— Excusez-moi de m'interposer, mais j'ai remarqué lorsque l'on s'est rencontré que vous étiez prompt à la confrontation entre sœurs, intervint Élane. Pourriez-vous éviter ce genre de chose tant que nous ne serons pas de retour au manoir ?

— Tu penses que je vais lui sauter dessus et que le ton est en train de monter ? S'étonna la demie-dragonne.

— On était juste en train de discuter là, ajouta Syara en haussant les épaules.

— Vous êtes sûres ?

— Mais oui, ne t'en fais pas ! Et puis, s'énerver pour si peu, ça n'est pas digne de notre rang, répondit Elyazra en relevant le menton. D'ailleurs petite sœur, ça te fait quoi d'apprendre que tu étais une princesse ?

— Hein ?

— Bah oui, avec ce qu'on a appris sur notre grognasse de mère, ça fait de toi une princesse.

— Toi aussi je te signale.

— Oui, mais moi je l'étais déjà de par mon père.

— C'est ça, selon tes dires, princesse d'un caillou pourri perdu au milieu de la mer, railla la violoniste. Pour te répondre, ça ne me fait absolument rien et je ne me considère pas comme une princesse.

— Et pourtant, ça pourrait expliquer pourquoi tu voles au secours du moindre noble en danger que tu croises.

— Répète un peu !

— Voilà, c'est comme ça qu'on énerve ma sœur, annonça Elyazra avec un large sourire en faisant face à Élane. Tu vois bien que je sais comment faire et que notre discussion précédente n'était pas sur le point de s'envenimer.

Le piège était si évident et pourtant, elle était quand même tombée dedans, se désola la beast en se calmant de suite. Tout autour d'eux, les passants les regardaient de travers. Son ouïe fine lui permettait même d'entendre certains de leurs commentaires et jugements. Ils les traitaient de barbare et ça n'était pas à cause d'Elyazra, mais bien d'elle.

— Ely ?

— Oui ma sœur adorée ?

— Je te hais, grogna-t-elle entre ses dents.

— Mais moi aussi je t'aime très chère sœur chérie, sourit la demie-dragonne en se permettant même d'aller l'enlacer.

Le violon de cristal : l'autre mondeWhere stories live. Discover now