Chapitre 51 : Profiter de sa renommée

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 — Bonjour, salua Syara en s'approchant de la réception. Nous venons voir le maire. Nous devons lui parler d'un sujet de la plus haute importance.

— Bonjour, vous aviez rendez-vous ?

— Malheureusement, non. Il s'agit de quelque chose qui nous est comme qui dirait tombé dessus récemment, mais qui ne peut pas attendre.

— D'accord, je vais le prévenir de suite, je vous laisse patienter un instant.

— Merci, c'est gentil, sourit la beast.

— Non mais vous vous croyez où ? s'emporta la réceptionniste.

— Pardon ?

— Vous croyez que le maire n'a que ça à faire que de recevoir des mages crasseux toute la journée et sans qu'ils ne prennent la peine de prévenir ?

Si la violoniste se disait effectivement que tout ceci était bien trop simple et que cette gentillesse de la part de l'hôtesse d'accueil cachait quelque chose, elle était tout de même surprise de se faire ainsi crier dessus. En tout cas, si la réceptionniste s'était voulu sarcastique, elle n'avait pas du tout utilisé le bon ton.

— Vous êtes vraiment sans gène ! Pour qui vous prenez-vous ?

— La petite louve de Sendra, se hasarda-t-elle en espérant que ce titre la calmerait un peu.

— La fille de celui qui a boulotté l'enfoiré à qui appartient cette guitare ! s'exclama avec un large sourire Elyazra en pointant du doigt l'instrument de Volach.

Mais elle ne pouvait pas se taire celle-là ! Hurla intérieurement Syara. Si elle avait pris la tête du groupe et qu'elle l'avait relayée derrière, c'était bien qu'il y avait une raison ! Ce Volach avait beau être un véritable enfoiré, pour eux, c'était un héros et elle annonçait avec décontraction que c'était son père qui l'avait tué.

Heureusement, le visage lassé de la réceptionniste indiquait qu'elle ne la croyait pas une seule seconde. Son intervention allait sans doute compliquer les choses et totalement décrédibiliser la violoniste qui, par un rapide regard noir en direction de sa sœur, lui intima de la fermer.

— Vous savez, vous n'êtes pas les premiers à prétendre être quelqu'un pour pouvoir avoir un passe-droit. Ces derniers mois, il y en a eu au moins quatre qui se sont présentés en tant que petite louve de Sendra. Au moins, vous, je dois reconnaître que vous êtes un peu plus intelligente que les précédents. La première n'était pas mage, le second était un homme et la troisième n'était même pas une beast.

— Si je ressemble effectivement à celle qui a mis fin à la catastrophe, c'est peut-être parce que c'est moi qui ai accompli ça. Votre peinture n'est d'ailleurs pas très représentative de ce qui s'est réellement passé.

— Et vous croyez que ça va suffire pour avoir une entrevue avec le maire ? Déguerpissez d'ici avant que je ne demande aux gardes de vous mettre dehors !

Des preuves supplémentaires ? Aucun problème, pensa la beast. Dans sa main droite, la violoniste fit apparaître son instrument et, de l'autre, pointa la peinture. Si elle avait beaucoup de choses à dire à propos du tableau, elle ne pouvait nier que les caractéristiques principales de son violon avaient été reproduites avec fidélité.

— Ça ne prouve rien, s'entêta-t-elle tout de même en croisant les bras.

Mettant la patience légendairement basse de la beast à rude épreuve, celle-ci serra autant des poings que de la mâchoire pour ne pas lui sortir un florilège d'insultes bien senties. Elle voyait sous la capuche des harpies que celles-ci commençaient à s'inquiéter. Rajouter des cris ne servirait à rien si ce n'est à les faire paniquer encore plus.

De son côté, sans dire un mot, Rael alla se placer à côté de Syara, puis alla fouiller dans la poche intérieure du manteau de la beast. Elle était prête à lui en coller une, mais se ravisa immédiatement en voyant ce qu'il en ressortit. L'elfe cyber était simplement allé chercher sa carte qui prouvait qu'elle était musicienne affiliée au hall de Léfarène, où figuraient certaines informations telles que son nom, et la tendit à la réceptionniste. Pourquoi n'y avait-elle pas pensé plus tôt ?

— C... ça ne change rien ! Balbutia l'employée de la mairie en voyant qu'elle était effectivement devant la petite louve de Sendra. Pas de traitement de faveur, allez vous en.

— Mais c'est de la plus haute importance et...

— J'ai dit allez-vous en ! Hurla-t-elle.

— Bon dieu de... Oralia ! Tonna une voix à l'étage.

Levant la tête en direction du balcon qui se trouvait au-dessus de la réception, Syara vit le maire arriver en trombe et observer le hall d'entrée.

— On t'entend dans toute la mairie ! Qu'est-ce qui se passe, bon sang ?

— Excusez-moi monsieur le maire, mais ces personnes ne veulent pas comprendre que...

— Syara ?

— Bonjour monsieur le maire ! Je vois que la reconstruction de Sendra avance bien, sourit-elle.

— Très bien, merci. Qu'est-ce qui vous amène ?

— Comme nous l'expliquions, nous aurions besoin de vous parler d'un sujet capital. Auriez-vous le temps de nous recevoir en privé ?

— Mais bien sûr ! J'ai justement un trou dans mon agenda, venez, nous serons plus à l'aise dans mon bureau !

Avec un rapide regard en direction de la réceptionniste accompagné d'un sourire victorieux, Syara se dirigea vers les escaliers pour rejoindre le maire. Elyazra, en tant qu'aînée des deux sœurs et personne parfaitement mature, tira la langue à celle qui leur avait tenu tête avant de rejoindre le reste du groupe et monter à l'étage.

— J'aurai quelques réclamations à faire concernant la peinture de moi dans l'entrée, rit Syara en arrivant devant le maire.

— C'est un peintre célèbre de la ville qui l'a faite de sa propre initiative. Il avait une description de vous, mais n'était pas présent lors de la catastrophe et a donc imaginé le reste. D'ailleurs, très peu de personnes ont réellement conscience de l'origine de cette tempête et comment vous l'avez arrêtée.

— Ça n'est peut-être pas plus mal de garder le secret, commenta Rael. S'il existe tout un peuple de sirènes, garder leur existence cachée évite que certains cherchent à en capturer pour en faire une attraction ou pour qu'elles finissent dans une collection malsaine.

— Moi j'ai une réclamation concernant la guitare de l'autre enfoiré qui se trouve à côté du tableau, intervint Elyazra.

— La guitare de Volach ? Dit le maire avec étonnement.

— Nous vous expliquerons plus tard, coupa court Syara. Pour le moment nous avons un sujet infiniment plus important que la décoration du hall à vous parler en privé.

— Bien sûr, suivez-moi.

À ces mots, le maire se retourna et guida le groupe jusqu'à son bureau. Avoir une entrevue était l'une des parties les plus compliquées et ils avaient réussi, mais allaient-ils pouvoir le convaincre que les harpies voulaient faire la paix ? Cette partie-ci du plan allait être soit la plus simple, soit la plus compliquée de toute la mission.

Le violon de cristal : l'autre mondeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant