Chapitre 38 : le Palais royal

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 Malgré leurs craintes, prendre la capitale avait été une véritable promenade de santé. Les affrontements n'avaient duré que quelques minutes avant que les elfes ne déposent leurs instruments. Les rues étaient désertes, tous les habitants se cachaient dans leurs maisons, volets fermés et portes verrouillées.

Pour Cristal, leur comportement était parfaitement normal. Ils devaient sans doute croire qu'ils étaient venus pour mettre la ville à sac, que personne n'en ressortirait vivant. Ce discours, elle l'avait entendu de nombreuses fois de la bouche de prisonniers. Il n'était pas rare de voir que des elfes s'étaient enrôlés pour protéger leurs concitoyens du massacre qui les attendait.

Il n'était pas difficile de révéler à ces personnes les mensonges qui les avaient poussés sur le chemin de la guerre. Il leur suffisait de les emmener dans une ville conquise et de montrer que les elfes continuaient à y vivre en liberté.

Convaincre une ville entière était cependant bien plus compliqué. Faire intervenir des elfes qui s'étaient joints aux rebelles pouvait marcher, à condition qu'ils ne pensent pas qu'il s'agisse d'une ruse, chose que la famille royale avait dû leur marteler à longueur de journée. Non. Le plus efficace était de ne rien faire. Ne pas tenter d'entrer dans les maisons, ne causer aucun dégât, juste surveiller avec attention pour ne pas se prendre un sort lancé depuis une cachette.

Ce genre d'incident se compta sur les doigts d'une main et les assaillants désespérés furent maîtrisés sans qu'aucun mal ne leur soit fait. En à peine deux heures, le palais royal fut encerclé. La famille des dirigeants n'avait malgré tout pas dit son dernier mot. Quelque chose se tramait sur la plus haute terrasse.

Certains tentèrent d'y accéder par les airs, grâce à leur magie ou avec leurs ailes. Ceux-là n'eurent même pas le temps de le regretter et moururent désintégrés avant même de pouvoir comprendre ce qui leur arrivait.

Alors que les cendres de ces pauvres défunts retombaient tels des flocons devant la porte, celle-ci s'ouvrit pour révéler le grand hall d'entrée. Tous reculèrent d'un pas, instruments à la main et prêts à se défendre. Cependant, les secondes s'égrainaient et rien ne se passait.

— Serions-nous... invités à entrer ? Questionna un homme à côté de Cristal.

— Invité comme on inviterait du bétail à entrer dans un abattoir, commenta une femme à côté.

— Même si nous sommes à deux doigts de la victoire, les membres restants de la famille royale doivent se trouver ici. J'y vais seule, décida Cristal ;

— Seule ? Et puis quoi encore ? Je viens avec toi ! s'exclama Mélyne.

— Ça sera trop dangereux ! protesta-t-elle. Même ce sort qui a tué nos compagnons, je ne l'ai détecté que lorsqu'il était trop tard. Je ne veux pas risquer vos vies.

— Qu'importe ce que tu diras, je pense qu'elle viendra quand même, tout comme moi, affirma Efrène.

— Mais...

— Ta contribution à cette guerre a été incommensurable. Sans toi, nous n'aurions jamais été aussi loin, c'est certain. Mais ce dernier pas, nous devons le faire ensemble.

Avec ces mots, l'elfe comprit de quoi il voulait parler. Certes, il voulait être là pour la soutenir, mais il souhaitait aussi que, pour le grand final, ce ne soit pas une elfe seule qui fasse tout le travail. Défaire le tyran en étant unis était un symbole bien plus fort pour le monde qu'une sang royale déchue qui revenait se venger de son père.

— Tu n'as pas le choix, il va falloir compter avec nous, sourit Acolar, le dragon devenu son ami avec qui elle avait combattu le plus de fois lors des nombreuses batailles qu'elle avait menées.

Ces mots galvanisèrent ceux qui se trouvaient autour d'eux qui montrèrent qu'elle allait devoir faire avec eux aussi. Cette fois-ci cependant, ce fut le chef de la résistance qui tempéra ses soldats. S'ils étaient trop, ils allaient sans aucun doute se gêner. Efrène choisit donc les plus puissants musiciens parmi les volontaires, puis prit la tête de l'escouade pour entrer dans le palais.

À chacun des pas de Cristal, les souvenirs fusaient. Elle avait passé les dix premières années de sa vie dans cet endroit luxueux et avait l'impression que tout s'était figé pendant son absence. Le moindre détail qu'elle redécouvrait était similaire à ce qu'elle avait connu dans son enfance. La seule exception était l'absence de personnes.

Autrefois, il n'était pas rare de croiser un serviteur afféré à sa tâche. Les couloirs étaient passagers et rendaient cet endroit vivant. Là, il n'y avait plus personne, comme si le palais était à l'abandon. Cristal n'avait qu'une crainte quant à l'absence de toutes ces personnes. Elle avait peur que sa famille, voyant que les autres races se rebellaient contre leur autorité suprême, se soit débarrassée définitivement de tous leurs serviteurs.

— Cristal, Mélyne, vous êtes celles qui connaissez le mieux cet endroit. Vous pouvez nous guider jusqu'à la terrasse ?

— Oui, j'ai l'impression de ne jamais être partie, répondit l'elfe.

— Et moi je suis bien contente d'être justement partie en emportant la seule chose récupérable dans ce palais, commenta la démone. Malgré tout, je pense avoir gardé les plans du palais en tête.

En entendant cela, Cristal ne put s'empêcher de regarder son ancienne servante et de lui sourire. À bien des égards, Mélyne avait été une mère pour elle et il lui arrivait souvent de l'appeler maman en privé. Ça n'était cependant pas le moment pour s'émouvoir ainsi et se déclarer à quel point elles s'aimaient. Une concentration à toute épreuve était de mise pour ne pas finir comme ceux qui avaient tenté de rejoindre la terrasse par les aires.

— Par ici, indiqua-t-elle.

Alors qu'ils traversaient différentes salles et couloirs, chacun y allait de son commentaire. Le sentiment qui se dégageait de ceux-ci était cependant toujours le même. Un dégoût prononcé pour cette opulence alors que même les elfes qui leur étaient restés loyaux devaient se serrer la ceinture pour soutenir l'effort de guerre.

Arrivé au troisième hall, Cristal arrêta la troupe d'un geste de la main. Elle venait de ressentir une énergie qui ne présageait rien de bon et en trouva rapidement la source, au niveau du balcon intérieur qui surplombait la salle.

— Ne serait-ce pas ma petite sœur adorée qui revient enfin à la maison ?

— Sinélia, grinça Cristal entre ses dents.  

Le violon de cristal : l'autre mondeWhere stories live. Discover now