X. Damoiselle Rose, en territoire ennemi infiltrée

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Un poster représentant Unicorn Man était affiché en grand sur la porte. Rose laissa distraitement courir son regard sur les quelques mots qui se déroulaient en dessous de l'effigie du justicier cornu. « Dans le bayou, un guerrier solitaire veille à ce que justice soit faite ! » Prometteur. Sauf que les abdominaux virils du guerrier en question rappelaient un peu trop ceux qu'exhibait Aguaje pour que Rose se sente tout à fait à son aise en les observant. Aguaje... Si désirable, et si effrayant en même temps. Oh, mais à quoi pensait-elle donc ? Une migraine effroyable cognait contre son crâne. La pièce lui était inconnue, à bien y réfléchir. Et cette migraine, terra mater, c'était comme si on lui avait introduit des vis dans le crâne. Tiens, mais où se trouvait-elle, au fait ? Quelle embrouille avait bien pu lui tomber dessus – encore ?

– Edel ? maugréa-t-elle, la bouche pâteuse – selon le raisonnement de Rose, qui s'avérait correct la plupart du temps, Edel portait la responsabilité de tous ses problèmes et se trouvait en général à proximité quand quelque chose n'allait pas.

– Il n'y a pas d'Edel ici. Juste moi.

Les traits tirés par l'inquiétude d'Olivier firent leur apparition au-dessus du visage de Rose, qui, malgré la migraine qui engourdissait son jugement, se dit que la chose était tout de même très inhabituelle, voire carrément bizarre.

– Oh, murmura-t-elle. D'accord. J'imagine que nous arrivons au moment où vous m'expliquez ce que je fais ici ?

Olivier laissa échapper un petit rire nerveux, et sembla considérer que la répartie de sa jeune invitée indiquait qu'elle recouvrait peu à peu ses moyens.

– Je crains de vous avoir à nouveau kidnappée, expliqua-t-il tout en s'asseyant sur le rebord du lit occupé par Rose. Vous vous êtes évanouie, à la bibliothèque, voyez-vous, et, ignorant où vous pouvez bien habiter – j'ignore tout de vous, à vrai dire, mais c'est un scandale auquel je compte bien remédier – je me suis permis de vous ramener chez moi. Vous ne m'en voulez pas, n'est-ce pas ? J'ai estimé cela préférable à l'hôpital, car vous y conduire aurait exigé que l'on vous balade en voiture durant une bonne vingtaine de minutes au moins.

Une réelle appréhension se percevait dans ses mots, comme s'il avait craint que Rose ne se lève soudainement pour se jeter à sa gorge et le traiter de tous les noms – pas trop son genre, à vrai dire, mais comme l'avait très justement fait remarquer Olivier, il ignorait tout sur son compte.

– C'est très attentionné de votre part, s'attendrit cependant Rose, le rassurant aussitôt. Vous me sauvez deux fois en moins d'une semaine ; je crois que je vais vous devoir un peu plus qu'une danse cette fois.

Elle se redressa légèrement, et Olivier se permit de l'aider, posant une main derrière son dos pour la tirer vers lui. L'étreinte fut brève, un peu maladroite, mais Rose ne put s'empêcher de sourire malgré tout.

– Il est trop tôt pour songer à rembourser vos dettes, murmura le jeune homme. Contentez-vous d'aller mieux et vous me verrez déjà enchanté. Que vous est-il donc arrivé ? Une insolation peut-être ? Il est vrai que la chaleur est étouffante actuellement. J'en viendrais presque à regretter le temps où je vivais encore sur le continent, si l'Île n'était pas aussi belle...

Rose confirma la théorie de l'insolation d'un signe de tête, ce qui évita de plus amples investigations sur son état réel – sans compter que cette hypothèse ne se trouvait pas trop éloignée de la réalité.

– Combien de temps suis-je restée inconsciente ? s'inquiéta-t-elle soudain. Mes amis... Mes amis doivent s'inquiéter !

Elle resongeait soudain à Edelweiss, Chardon et Valerian, qui ne l'avaient pas vue partir et ignoraient tout de son devenir. Ils devaient être morts d'inquiétude à l'heure qu'il était !

Pétales de Rose et rameau d'OlivierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant