XV. Damoiselle Rose, en contre-attaque avancée

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Comme Rose avait fini par le découvrir, Olivier n'avait rien d'un doux rêveur. Élevé dans un monde étroitement lié aux chiffres et à la finance, il avait développé un esprit cartésien et rationnel, malgré les quelques extravagances qu'il semblait s'autoriser de temps à autre. Aussi ne fut-elle pas trop étonnée – bien qu'un peu déçue malgré tout – de le voir adopter un visage franchement dubitatif après sa belle démonstration.

– C'est un genre de... tour de magie ? hésita-t-il, tendant une main incertaine vers la rose qui ornait les boucles rousses de son amie.

Rose se força à sourire, et foudroya Edelweiss, Valerian et Chardon du regard pour qu'ils n'interviennent pas. Se moquer de l'incompréhension d'Olivier aurait été la manière la plus efficace de s'aliéner sa confiance.

– Non, murmura-t-elle avec douceur. Tout est réel. Je ne suis pas humaine. Aucun de nous ne l'est, ici.

Valerian se racla bruyamment la gorge, mais n'éleva pas la voix – après tout, Chardon et Edelweiss ignoraient toujours la vérité quant à sa nature profonde et le considéraient comme un esprit des plantes, tout comme le reste de la famille. Olivier, lui, demeura silencieux un moment encore. Puis, il eut un nouveau geste nerveux pour remonter les lunettes qui ne se trouvaient toujours pas sur son nez – décidément, Rose se demandait comment il avait bien pu attraper ce réflexe, vu qu'il ne les portait jamais. Il jura doucement en s'apercevant qu'elles n'y étaient pas, mais ne sembla pas les chercher pour autant. Amusée, Rose tâcha d'imaginer son visage lorsqu'il les mettait. Cela ne ferait sans doute que d'accentuer son air d'intellectuel un peu déphasé, nota-t-elle, mais la chose n'était pas pour lui déplaire.

– D'accord, décréta alors Olivier, esquissant son tic encore une fois. Partons du principe que je croie à toutes ces incroyables histoires. Qu'arrive-t-il ensuite ?

Il s'exprimait avec un sérieux rappelant indéniablement le ton de son père le soir de la présentation du projet de mine à ciel ouvert, et Rose apprécia l'effort qu'il fournissait pour demeurer ouvert d'esprit. Elle se tourna alors vers Valerian pour lui céder la parole.

– J'aimerais tout d'abord rectifier une chose que Rose vient d'affirmer, murmura celui-ci.

Il hocha vaguement la tête, et l'hésitation vint déformer ses traits. Les trois filles voyaient bien qu'il brûlait de se laisser aller au désarroi, de cesser d'irradier cette force tranquille qu'il exhalait depuis plusieurs mois, dans l'espoir de cacher ses peines, sans doute. Mais son regard finit pas se poser sur Olivier, l'étranger au sein de leur petit groupe, et il se ravisa brusquement. Il redevint le personnage calme qu'il incarnait de coutume. Edelweiss parvint toutefois à le faire craquer, et ce grâce à son tact naturel.

– Bon, tu vas parler ou bien ?

Valerian se renfrogna, jeta un regard mauvais à Chardon – comme toujours, les réprimandes étaient pour elle, même si elle était innocente pour cette fois – et daigna enfin s'exprimer.

– Je suis humain.

Ce fut au tour de Chardon et d'Edel de faire les gros yeux, et Valerian perdit quelques minutes à les convaincre que non, il n'était pas fou, oui, il était tout à fait sérieux, et non encore, il ne les laisserait pas disséquer pour le prouver. Il accepta néanmoins de renouveler sa démonstration de la veille, faisant perler une goutte de sang rouge au bout de son index – Rose espéra pour lui qu'il ne devrait pas s'y adonner trop souvent, sans quoi le malheureux doigt finirait aussi couturé de cicatrices que le propre pouce de la jeune femme.

Olivier demeura silencieux durant l'intégralité des explications de son unique compagnon masculin, s'efforçant sans doute de ne pas gêner. Il semblait accorder une attention et un crédit conséquents à Valerian – sans doute parce qu'il était le plus âgé du groupe, songea Rose, ou alors parce que, contrairement aux filles, il représentait ce qui s'approchait le plus de la notion de normalité.

Pétales de Rose et rameau d'OlivierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant