XIV. Damoiselle Rose, à la franchise résignée

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La nuit fut longue, exactement comme Rose l'avait promis à Olivier. Elle peina à trouver le sommeil, et ne put céder à son vice habituel lorsque cela arrivait, à savoir de monter rendre visite à Gaïa. Puis, quand le sommeil abattit enfin ses larges ailes noires sur la conscience de l'esprit des roses, ce fut pour la plonger dans une profonde torpeur, faite de fièvre et de cauchemars, dont elle eut toutes les peines du monde à se tirer.

Il devait être midi environ lorsqu'elle émergea enfin de ce sommeil de plomb, se sentant encore fatiguée malgré tout, les membres lourds et les yeux peinant à demeurer ouverts. Quelle mauvaise nuit, décidément ! Et la journée ne commençait pas mieux, réalisa-t-elle lorsqu'elle parvint enfin à tirer sa tête de l'oreiller. Edelweiss se tenait debout à côté du lit de Rose, les bras croisés et le visage sévère.

– Bon, cette fois tu ne m'échapperas pas, décréta-t-elle. Je te donne dix minutes pour te rendre présentable, et ensuite, on discute.

Vu l'état toujours un peu assommé dans lequel était plongée la rouquine, il fallut un peu plus de dix minutes pour qu'elle s'avère enfin prête, douchée et coiffée de près, vêtue de vêtements pratiques et pas d'une jolie petite robe, comme elle en avait l'habitude. Si Edelweiss nota le changement, elle n'en fit pas la remarque, trop obnubilée par sa volonté d'obtenir enfin des explications, sans doute.

– Allons discuter dehors, grommela-t-elle au moment même où Rose s'apprêtait à ouvrir la bouche pour débuter son récit. Cha et Val nous attendent.

Les deux sœurs s'esquivèrent ainsi, non sans avoir chargé leurs cadettes de distraire Camomille suffisamment longtemps pour leur permettre de disparaître. Capucine et Aubépine firent des merveilles. Un détail pour le moins perturbant se rappela cependant au souvenir de Rose lorsqu'elles franchirent la porte menant au jardin. Un détail qu'elle avait elle-même manigancé, mais repoussé dans un coin reculé de sa mémoire après les révélations de la veille. Olivier.

La luxueuse voiture du jeune homme approchait sur la route sinueuse conduisant au manoir, soulevant un nuage de poussière dans la chaleur étouffante de midi. Rose se figea aussitôt, et la désigna à l'attention d'Edelweiss.

– Qui ça peut être ? s'étonna cette dernière. Personne ne nous rend jamais visite.

– Sauf quand on leur donne rendez-vous... Quelle idiote je suis ! C'est Olivier – je lui ai dit de me rejoindre ici hier soir quand il m'a ramenée. Je ne m'attendais pas à ce que...

Sous le coup de la surprise, les sourcils d'Edelweiss s'élevèrent plus haut que Rose ne le croyait physiologiquement possible.

– Wow, grommela-t-elle. Wow. Je ne sais absolument pas ce qu'il convient de faire. C'est nouveau. Qu'est-ce que tu en penses, toi ?

Rose haussa les épaules.

– Il y a deux solutions. Soit on se tire vite fait avant qu'il n'arrive et on le laisse poireauter ici, soit... on l'emmène. Je ne pourrais être tout à fait catégorique, mais je crois qu'il n'est pas très satisfait du projet de son père. Si on lui expliquait... tout, peut-être serait-il en mesure de nous aider ?

– Ou alors on sera complètement grillées, soupira Edelweiss. Je ne sais pas quoi choisir ; je ne sais même pas ce qu'il s'est passé hier soir pour te mettre dans un état pareil, d'ailleurs. Alors bon, j'imagine que le choix te revient.

Rose se sentit vaciller. Choisir. Prendre la décision qui déterminerait l'aboutissement de leur quête, de la Mission Licorne. Voulait-elle vraiment s'engager sur cette voie ? Elle le pouvait : elle se rendait soudain compte qu'entre ses lèvres reposait la décision de faire confiance à Olivier et de s'embarquer dans une relation sérieuse avec lui, ou de rebrousser chemin et de se battre autrement, comme un esprit des plantes. Quel choix étrangement grisant !

Pétales de Rose et rameau d'OlivierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant