XXIII. Damoiselle Rose, par de menus détails intriguée

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Un jour neuf se leva sur le village des indiens, amenant avec lui de nouveaux problèmes, mais également l'espoir de nouvelles solutions. Rose avait mal dormi, et il était déjà tard lorsqu'elle trouva le courage de se tirer du lit. Seul Valerian se trouvait encore dans son hamac de toile tressée, profondément endormi – ce qui ne l'empêchait pas de grimacer dans son sommeil, car son corps demeurait marqué de multiples plaies et de bleus impressionnants, et ce malgré les remèdes nauséabonds dont l'avaient gavé les guérisseurs indiens. Rose vérifia rapidement qu'il n'avait besoin de rien, puis, le plus silencieusement possible, revêtit les quelques habits propres qu'il lui restait et quitta la hutte de branchage. Elle considéra avec dédain le short de vieille toile délavée et le top d'un vert trop vif qu'elle avait enfilés, estimant qu'une telle tenue ne la mettait guère en valeur, mais conclut qu'il ne s'agissait peut-être pas d'une mauvaise chose. Son joli minois et ses jambes finement ciselées lui attiraient plus de problèmes que nécessaire ces derniers temps.

Elle retrouva les autres dans l'obscurité de la demeure d'Inga, au centre du village. S'y tenait vraisemblablement une réunion de crise, durant laquelle les responsables de la tribu entendaient discuter avec Olivier des mesures que l'on pouvait envisager pour contrer les plans de Gaïa et de Donatien de Tantale. Des cris s'en échappaient, et Rose fut surprise de reconnaître la voix de sa demi-sœur parmi celles qui s'élevaient dans l'air. Elle se faufila dans la hutte en silence, espérant ne pas se faire trop remarquer, et s'assit dans un coin pour observer. Heureux hasard, Chardon se tenait non loin, dardant elle aussi un regard critique sur les événements.

– Qu'est-ce que j'ai raté ? lui souffla Rose, un peu tendue.

– Des cris, des cris et encore des cris, ironisa la brunette. Les premiers, c'était pour déterminer – encore – si Olivier était digne de confiance ou non. Il a fini par obtenir gain de cause, et je crois même qu'il a fait forte impression sur les anciens. Ils sont plus disposés à parlementer avec l'ennemi que les jeunes guerriers du village. Je crois que le fait que tu aies parlé pour lui a vraiment dû aider. Lorsqu'Aguaje a rappelé qu'il avait ta confiance, ça a calmé la plupart d'entre eux.

Satisfaite, Rose hocha la tête, heureuse de voir qu'Olivier ne se trouvait définitivement plus en danger et que l'on cherchait une solution.

– Et le reste des cris ? demanda-t-elle encore.

– Ensuite, c'était pour déterminer s'il convenait d'ouvrir un fût de leur alcool local pour fêter ça ou pas, maugréa Chardon, désabusée. Ceux qui étaient en faveur de la motion ont perdu ; mais c'est sans doute une bonne chose, parce que les gens sont moins enclins à hurler longtemps quand ils ont soif – enfin, il s'agit de la théorie d'Edel.

Ladite Edelweiss profita de cet instant même pour se lancer dans une nouvelle tirade où elle insultait copieusement son interlocuteur, un vieillard rachitique et ratatiné. Rose feignit d'ignorer la scène, ne souhaitant même pas savoir où sa mignonne petite sœur avait pu apprendre de tels noms d'oiseaux.

– Et donc là, ils se battent pour... ?

– Pour savoir si on se contente de laisser Olivier faire le travail et convaincre son père de cesser les travaux ou si on s'amuse à piéger la forêt, juste au cas où quelques bulldozers s'égareraient dans le bayou. Aguaje et Edel prétendent vouloir jouer la carte de la prudence et sécuriser le sanctuaire, mais je les soupçonne de plutôt souhaiter le faire parce qu'ils ont une vision très personnelle de ce qui est fun et que ce genre d'activités entre dans leurs critères. Inga aimerait les en dissuader ; elle pense que Gaïa ne les laissera pas faire et veut éviter de la provoquer, après l'incident de hier.

Rose hocha gravement la tête, donnant intérieurement raison à Inga. Hors de question de laisser Edel se mettre en danger pour de telles bêtises ! Olivier parlerait à son père, et tout irait en s'arrangeant. Nul besoin en effet de s'amuser avec les nerfs de Gaïa – si tant est que la créature de glaise possède de telles terminaisons nerveuses.

Pétales de Rose et rameau d'OlivierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant