XVIII. Damoiselle Rose, à de très légers problèmes relationnels confrontée

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Rose et ses compagnons suivirent Aguaje jusqu'à une hutte de branchages et de plantes situées légèrement à l'écart des autres, à l'intérieur de laquelle ils trouvèrent cinq hamacs à l'air confortable, qui se balançaient doucement dans l'air nocturne. Le jeune indien s'avérait toujours aussi diablement attirant, la faute à ses abdominaux toujours aussi diablement bien dessinés, à son visage de gredin toujours aussi diablement charmant et à l'aura de férocité sauvage qui se dégageait de sa personne. Toutefois, un malaise certain s'était installé entre lui et ses hôtes, créant un mur quasi infranchissable, qui faisait barrage à toute envie de dialoguer. Edelweiss finit cependant par le briser, les yeux étrécis en une expression qui n'annonçait rien de bon, si ce n'était une furieuse envie de prendre sa revanche.

– Alors comme ça, tu nous espionnais... grommela-t-elle, agrémentant sa réplique d'un monstrueux sourire, qui donna des frissons à Rose – celle-ci ne le connaissait que trop bien.

– Le mot est un peu fort, petite Edelweiss, répliqua Aguaje, dessinant sur ses traits la même expression bien trop affable que celle de son interlocutrice. Je me renseignais, oui. Mais ça ne m'a pas empêché d'apprécier les moments que nous avons passés ensemble – tu es une amie de valeur. Et ta jolie sœur m'a bien manqué.

Il jeta une œillade équivoque à Rose, qui l'ignora de son mieux, priant pour ne pas se retrouver prise dans un feu croisé entre lui et Olivier. Elle s'était laissée aller à ses sentiments, sans plus écouter son sens critique ni sa prudence, et sentait à présent qu'elle s'apprêtait à récolter les fruits de son imprudence – soit bien des ennuis.

Voyant que ses tentatives amicales se soldaient par des échecs, Aguaje n'insista pas. Il haussa les épaules, tira la langue à Edelweiss, qui parut outrée par le geste et se hâta d'en faire de même, puis annonça qu'il partait leur chercher de quoi manger, et qu'ils étaient priés de ne pas quitter la hutte – une demande formulée par Inga, qui ne souhaitait pas voir les arrivants troubler la quiétude de son village.

– Attends, je vais t'aider !

Rose s'était exprimée sans vraiment réfléchir, à la recherche d'un moment où elle pourrait tenir une conversation en tête à tête avec lui, et même si son intervention n'avait rien de naturel, elle lui offrait au moins cette occasion.

– D'accord. J'imagine. Enfin...

Aguaje tira une drôle de tête, mais permit néanmoins à la jolie rouquine de se joindre à lui. Ils s'éloignèrent en silence, sans tenir compte des regards lourds de sens d'Edelweiss, Chardon, Valerian et Olivier, qui pesaient sur leurs dos.

– Je... hésita Rose lorsqu'ils se trouvèrent en dehors du champ de vision de ses compagnons, et hors de portée même pour les oreilles les plus aiguisées. Je voulais te parler... à propos de... euh...

– De ce baiser passionné que je t'ai volé, sourit Aguaje, à qui les hésitations de la jeune femme arrachaient un irrépressible sourire en coin.

Rose se sentit rougir, et se dit que la situation n'allait définitivement pas dans le sens de l'amélioration lorsque son charmant guide lui adressa un clin d'œil.

– Ne t'inquiète pas, je ne dirai rien à tes amis, décréta-t-il toutefois, ayant sans doute perçu le malaise de Rose – mais sans l'interpréter correctement, semblait-il ; il ignorait tout de la relation passionnée qui pouvait bien lier sa jeune amie au fils de Donatien de Tantale ; il ignorait d'ailleurs même l'identité réelle d'Olivier, à bien y réfléchir.

– Il n'y a pas que ça, murmura Rose, penaude. C'est juste que... tu m'as prise par surprise, l'autre jour, et même si je reconnais avoir... apprécié... sans doute, je dois aussi t'avouer que... ce n'est pas possible. Tout simplement.

Pétales de Rose et rameau d'OlivierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant