L'enfant aux deux visages - 2

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Brûlure.

L'impression que ses poumons implosaient. Jana se retourna sur le sable, et cracha toute l'eau contenue dans son organisme. Secouée, elle s'écroula sur la plage, mais, malgré tout, heureuse. Au loin, elle distinguait un énorme panneau lumineux indiquant le laboratoire du docteur Derwin. Après avoir repris ses esprits, elle se leva, et se dirigea vers l'entrée. Elle passa sous une arche qui clignotait, grâce au miracle de la nouvellement inventée électricité. Elle traversa ensuite un petit village, construit uniquement avec des briques blanches. Elle ne vit personne dans les rues, ce qui ne l'inquiéta pas en outre mesure.

Au bout de la grande rue, l'immense laboratoire s'étendait. Composé en grande partie de baies vitrées, on pouvait apercevoir de larges espaces emplis de verdure à l'intérieur. Riant, Jana s'élança, oubliant qu'elle était trempée et couverte de sable. Elle arriva à l'accueil, lumineux et chaleureux, où un homme patientait derrière un bureau. Il était vraisemblablement vêtu d'un uniforme, composé d'une tunique blanche cerclée par une ceinture bleue pâle, et un pantalon en lin beige. Les cheveux gris soigneusement gominés, il paraissait hors du temps. La jeune fille n'aurait su lui donner un âge. Perdue, elle s'avança vers lui.

- Bonjour, monsieur... commença-t-elle.

- Bienvenue jeune Jana, nous t'attendions.

Sa voix était grave et douce. Surprise, la jeune fille laissa sortir ses deux visages. Comment connaissait-il son nom ? L'homme sourit, et ses yeux verts pétillèrent.

- Nous savons pourquoi tu es là. Tu te sens anormale, abandonnée. Mais ici, tout va changer. Je vais te mener au Docteur Derwin.

Jana se contenta d'hocher la tête, les larmes aux yeux. Enfin, toutes ses souffrances vont disparaître. Et l'homme n'avait même pas eu l'air choqué par ses deux visages ! Guillerette, elle le suivit dans les longs couloirs illuminés par la lumière du soleil. Par les grandes vitres, elle distinguait le village blanc, où quelques silhouettes se mouvaient à présent. Curieuse, elle demanda :

- Pourquoi n'ai-je croisé aucun villageois ?

- Ils se présenteront à toi après ton traitement, répondit doucement l'homme.

Une point d'incompréhension apparu chez la jeune fille, mais elle la chassa aussitôt. Au bout d'un énième couloir, un bureau tout simple apparut. Composé d'une table et de deux fauteuils en bois flotté, il semblait épuré. Sur la chaise de l'autre côté de la table, se tenait une femme entre deux âges. Ses yeux en amande bridés étaient vert sauvage, ses longs cheveux attachés en chignon au sommet de sa tête. Elle portait une longue blouse blanche ajustée, ce qui rendait sa peau d'autant plus pâle. Elle fit signe à la jeune fille de s'asseoir, et cette dernière s'exécuta.

- Bonjour Jana, commença la femme. Tu es ici pour devenir normale ?

D'abord muette, la langue de la jeune fille se dénoua, faisant ressortir ses deux visages.

- Je n'en peux plus, je me sens si mal. Tous me fixent comme une bête de foire ! Je voudrais juste être comme eux, simple, docile, acceptée...

- Je comprends. Nous allons arranger tout ça.

La doctoresse se leva, et ouvrit une grande porte, blanche, au fond de la pièce. Jana la suivit sans hésitation, comme hypnotisée. Dans ce nouveau couloir, où aucune fenêtre n'était présente, elle avait parfois l'impression d'entendre des cris, mais n'en tenait pas compte. Elle deviendrait enfin normale !

Le Dr Derwin ouvrit une nouvelle porte, donnant sur une pièce lumineuse, composée de quatre murs blancs, un plafond couvert de lampes et d'un lit disposé au centre.

- Allonge-toi, demanda la doctoresse, et je m'occupe du reste.

Jana se coucha donc sur le matelas un peu dur, mais ne mit pas très longtemps à s'endormir sous le doux regard de la femme médecin, épuisée.

Elle reprit conscience un temps indéterminé plus tard. Sa vision brumeuse, elle avait l'impression de se sentir enserrée. Elle papillonna des yeux, chassant les taches noires de sa vision, pour découvrir l'horreur. Elle se tenait à présent dans une cage, aux hauts barreaux métalliques, enchainée par les poignets, mais chevilles libres. Un frisson la parcourut, et elle se retint de crier. Quel était se cauchemar ?!

- Alors, tu aussi tu t'es fait avoir, lui dit une voix lasse.

Elle tourna la tête à droite, et distingua un garçon qui devait avoir son âge. Peau noire, courts cheveux bruns partant dans tous les sens, il aurait pu se fondre dans la masse... S'il n'avait pas eu des pupilles de chat.


Six Contes pour faire rêver un monstreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant