Aubépine, chevalière confirmée - 3

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               Aubépine s'écroule, essoufflée. Voilà trois jours qu'elle avait quitté le château. Elle s'était dirigée vers les Montagnes Maudites, où se cachait le Vorax, accompagnée de son fidèle destrier Onyx. Malheureusement, ce dernier ne pouvait grimper sur la roche, et elle avait dû le laisser en début de matinée en bas des falaises. Il avait alors automatiquement fait demi-tour, sans un seul regard en arrière. La chevalière avait soupiré. Même son cheval ne croyait pas en elle ! Agacée, elle avait alors commencé son ascension, qui s'acheva quelques heures plus tard.

Lorsqu'elle eut repris des forces, la chevalière étudia les alentours. Le crépuscule apparaissait lentement, et à cette hauteur, l'air devenait très frais. Derrière elle, la falaise qu'elle venait de grimper. Et devant, une insondable grotte... Elle fouilla dans son sac et sorti une torche, qu'elle alluma avec des pierres spéciales. Et alors qu'elle se dirigeait vers la sombre entrée, se stoppa net. Deux yeux verts globuleux la fixaient. Immenses, ceux-ci paraissaient curieux, et non belliqueux.

Aubépine se mit automatiquement en garde, mais une voix s'éleva avant qu'elle ne puisse sortir son arme.

— Qui es-tu ?

Surprise, elle répondit sans détour.

— Aubépine, chevalière sous les ordres de la Grande Reine Esperanza. Et toi ?

La créature s'avança dans la lumière, et la jeune femme déglutit bruyamment. Un corps immense, deux grandes ailes, un museau allongé, quatre pattes musclées, le tout d'une blancheur inégalée... Devant elle se tenait...

— Moi, je suis Oracle. Mais je crois que ceux de ta contrée m'appellent Vorax, je n'ai jamais compris pourquoi. Pourquoi es-tu là ?

La chevalière s'agita. Elle s'attendait à tuer un dragon, non pas à lui faire la conversation ! N'étant pas entrainée à cet effet, elle commençait à perdre ses moyens, et jouais nerveusement avec la flame qu'Oracle ne quittait pas des yeux.

— Je veux me marier avec le Prince. Cela fait longtemps que nous vivons notre histoire en cachette, et sa mère l'a découvert. Pour m'accorder sa main, elle veut... que je lui ramène ta tête.

Le dragon soupira.

— Ce n'est pas la première fois que cette jeune fille envoie quelqu'un pour me tuer. Tout ça parce que lorsque j'étais une jeune dragonne, j'ai eu le malheur de brûler vive une de ses brebis préférées. J'étais malade et j'avais éternué par maladresse, mais plutôt que d'écouter mes explications elle s'est enfuie en hurlant. Ça en devient fatiguant...

Oracle claqua des mâchoires tandis qu'Aubépine se figeait, incrédule.

— Il est temps de régler ce malentendu, déclara la dragonne. Monte sur mon dos.

La chevalière s'exécuta sans discuter. La dragonne étendit ses ailes, les agita un peu et s'envola. Terrifiée, Aubépine se cramponnait à ses écailles, et ferma les yeux tout le long du trajet. Quelques heures plus tard, elles se posèrent dans la cour du château, sous le regard stupéfait des courtisans et courtisannes. Et lorsque les gardes, alertés par les cris, tentèrent d'attaquer Oracle, Aubépine les arrêta d'une main.

— Nous demandons à voir Sa Majesté, énonça la jeune femme.

Quelques instants plus tard, elles étaient conduites en salle du trône. La Reine, figée sur son siège, fusillait sa chevalière du regard. Son fils, lui, se retenait de lui sauter dans les bras, soulagé de la voir vivante.

— Que tout le monde sorte. Sauf cette chose, mon fils et la chevalière.

Bougonnant pour la plupart, tous suivirent son ordre. Et, de ce qui fut dit dans cette salle, rien n'en fut jamais révélé. Seul des cris, des rires et des pleurs furent entendu, colportant nombreuses rumeurs. Et, lorsque le quatuor ressorti, ce fut pour annoncer les fiançailles du Prince Dagonet et de la Grande Chevalière Aubépine...

Quant à Oracle, lavée de tout malentendu, elle retourna tranquillement dans sa montagne, en attendant le prochain chevalier fou qui viendrait la défier.

Six Contes pour faire rêver un monstreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant