Je te ramènerais la lune - 4

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À bout de souffle, je m'écroule devant la Reine. Mes genoux, usés de ma course, ont lâché. Du coin de l'œil je vois Elora enchainée sur la structure sacrificielle. Difficilement, je décroche la sacoche sous le regard impassible de ma souveraine. Je la lui tends ensuite en tremblant.

— La Lune, ma Reine, chuchoté-je.

Elle ouvre le sac de tissus, déroule le palmier et en sort la pierre, émerveillée. Elle la soupèse, la regarde briller sous la lumière du soleil. Tout le peuple à ses pieds retient son souffle. Elle se lève, sa longue robe blanche flottant autour d'elle, et s'approche du bord de l'estrade.

— Mes chers sujets. Aujourd'hui, une femme d'exception, notre Capitaine Eos Norton, nous a ramené la lune.

Tous explosent de joie et je me recroqueville. Je déteste attirer l'attention. Et puis la Reine est moi le savons toutes les deux, il est inutile d'appuyer le fait que je sois une femme. Les derniers hommes, soigneusement gardés, sont préservés pour leurs capacités génitales. Car après l'Apocalypse une épidémie les a décimées, rendant ceux qui restaient extrêmement faibles de constitution. Très peu d'entre eux sont d'ailleurs présents à ma réussite tant leur vie est précieuse, plus que la lune.

Elle fait un signe de la main au bourreau qui détache mon aimée. Cette dernière court vers moi et se jette dans mes bras, alors que je peine à me relever. Elle m'embrasse et se penche à mon oreille.

— Viens, ma chérie. Partons d'ici tant que nous le pouvons encore.

Ereintée, j'hoche la tête et nous descendons discrètement de l'autre côté de l'estrade, nous éloignant le plus possible de la foule. Et tandis que la nuit blanche se termine silencieusement, je prie pour notre paix. En souhaitant très fort que dans ce monde qui bascule lentement vers la folie, nous ne soyons plus jamais séparées...

Six Contes pour faire rêver un monstreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant