Bonus- La fabuleuse aventure de Gérard partie II

166 25 10
                                    




*

Une bière à la main Gérard soupire. Il a entrainé la « sorcière » au Damned, son pub préféré. Les yeux fixés sur les bateaux qui tanguent au loin, il laisse ses pensées dériver. Aphelandra a l'air de relativement bien connaitre son monde, et même la ville. Comme si elle venait souvent. Il est curieux, mais n'ose pas poser de questions. Il a peur de perdre définitivement la tête, comme ce grand roi shakespearien Léonte qui devint fou d'une affreuse manière. Aphelandra termine un énième bol d'olive, vide d'un trait son verre et soupire. Elle triture son anneau doré, farouchement planté dans sa narine.

— La bière, c'est bien la seule raison pour laquelle on veut sauver votre monde, déclare-t-elle.

Gérard s'étouffe avec sa gorgé et la regarde les yeux écarquillés.

— C'est une blague ?!

— Pas du tout. On peut faire pousser plein de trucs chez les sorcières, comme des arbres à lingots d'or ou des fraisiers d'immortalité, mais alors l'orge, c'est une catastrophe.

Le jeune homme se dandine, ne sachant quoi répondre. Il est sauvé par un des drôles d'instruments de la sorcière qui se met à biper, tel un requiem final. Un sourire illumine le visage de cette dernière.

— Le démon se réveille, il est temps d'y retourner !

Effectivement, la nuit est tombée et en ce soir d'hiver, seuls les plus farouches habitants se sont aventurés au port. Les deux compagnons d'infortunes se lèvent et remontent les rues jusqu'à l'imposante façade de l'opéra. Gérard passe une main dans ses cheveux blonds, gêné par un petit détail.

— Tu comptes entrer comment ? Parce qu'il n'y a pas de représentation ce soir, l'opéra est déjà fermé à cette heure.

La sorcière hausse les épaules. Elle lui prend la main, ce qui le fait frissonner au passage et s'approche d'une des affiches du prochain ballet, exposée partout sur le pourtour du bâtiment. Après l'avoir scruté longuement, elle pose ses doigts qui disparaissent à l'intérieur. Gérard a à peine le temps de hoqueter de terreur qu'ils la traversent.

Quelques secondes plus tard il se retrouve à terre, dans un des couloirs de l'opéra. Aphelandra le remet sur ses pieds et il la remercie d'un signe de tête, puis lâche sa main. Manquerait plus qu'il passe pour un froussard. Elle sort le drôle d'engin de sa poche, appuie sur un bouton. Un bruit de crash électronique retentit et toutes les lumières passent en mode veille. Gérard la fixe, perdue. Elle hausse les épaules.

— Me regarde pas comme ça, j'ai juste figé le temps.

— Ha, la planète a arrêté de tourner donc.

— Non, je ne suis pas encore assez puissante pour ça. J'ai limité le champ d'action au bâtiments, j'ai pas envie de me retrouver avec des humains casse pieds dans les pattes.

Gérard grimace, vexé.

— C'est gentil.

— Ca va, je t'aime bien toi ! Sinon je t'aurais déjà effacé la mémoire.

— Oh, bien sûr.

Ignorant l'attitude blasée de son camarade, la sorcière se frotte les mains, puis attache ses longs cheveux rouges. Elle range son engin et sort un long poignard d'une nouvelle poche, qu'elle tend au jeune humain. Ce dernier, retenant sa panique, ne manque pas d'avaler de travers.

— Prends là, ça peut toujours servir.

Il récupère l'arme, hochant la tête malgré son choc.

— Bien. Faisons le tour, impose Aphelandra. Ouvre la marche.

Ne sachant trop où l'emmener, il lui fait tout visiter. Le foyer avec la fresque gigantesque par laquelle la jeune sorcière est arrivée, les coulisses cachées des techniciens, l'atelier de couture, le foyer de danse, les bureaux, le stock de matériel technique...

Six Contes pour faire rêver un monstreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant