Chat ! - 2

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Épuisé, je m'écroule tel le sac que je suis sur le balcon de la princesse. En tant qu'humain, vagabonder sur les toits aurait été une partie de plaisir. Mais en tant qu'insipide félin non habitué à son gabarit, ce fut la pire des tortures. J'ai failli finir en crêpe sur le sol au moins une dizaine de fois, et j'ai passé mon temps à glisser sur les tuiles. Ces fichus coussinets ne sont-ils pas sensées servir à quelque chose ?! Mais non, il s'est mis à pleuvoir, et j'ai très vite fini à la ramasse. En plus, je suis trempé, et ces fichus poils pèsent une tonne. Et pour finir, j'éternue. Je me fige de honte. C'est le son le plus ridicule que je n'aie jamais entendu !

Je me secoue rapidement et passe par la fenêtre entrouverte. Fort heureusement, Astoria est un peu lunatique et oublie énormément de choses, y compris de fermer les vitres. Je m'avance dans son antre, composée principalement de livres qui jonchent le sol, d'instruments de mesures et de fumée. Car oui, depuis quelques années, la princesse à découvert la chicha, qui inonde relativement son espace de travail. Mon odorat étant bien plus développé que d'ordinaire, je finis rapidement KO. Cette senteur est immonde. C'est en crachant et toussant que je termine par atteindre ma cible.

Je distingue en premier sa longue chevelure rousse bouclée, qui lui descend jusqu'aux pieds. Ses doigts fins jouent avec la lumière de la lune, et elle sourit béatement, avachie sur un canapé. De toute évidence, elle n'a pas fumé que du tabac, c'est bien ma veine ! Je m'approche doucement, et elle m'aperçoit.

— Bonsoir mon beau, qui es-tu ?

— Bonsoir ma chère, Nathaniel, pour te servir. Enfin, là c'est plutôt moi qui aie besoin d'un service.

Évidemment, seul des miaulements sortent de mon orifice buccal. Astoria se redresse, repousse une mèche de cheveux, et me prend dans ses bras. Je ne proteste pas et profite. C'est agréable les caresses au final.

— Alors Nathaniel, que t'arrive-t-il ?

Je manque d'en tomber par terre.

— Tu comprends ce que je dis ?! m'exclamé-je.

— Oui, moi aussi, ça me surprend. Je suppose que la nouvelle herbe à fumer que j'ai testée aujourd'hui à des effets secondaires particuliers.

— Oh, bien.

Je me redresse, et la regarde dans les yeux. Les siens sont dorées, chatoyants, et j'y vois le reflet des miens, toujours verts, mais avec cette étrange pupille fendue.

— Une sorcière m'a jeté une malédiction et m'a transformé en chat. J'ai besoin de ton aide pour retrouver forme humaine, il faut qu'une douce princesse m'embrasse.

La fin de ma phrase n'est relativement pas exacte, mais elle n'a pas besoin de le savoir.

— Oh, bien sûr ! s'exclame-t-elle.

Elle se penche vers moi, et pose ses lèvres sur mes babines. Au final, ç'aura été facile ! Je ferme les yeux, attendant le changement... et rien ne se passe. Je manque de m'étouffer. Astoria se redresse, surprise, puis fronce les sourcils.

— Nathaniel, il n'y avait pas une condition particulière concernant la personne qui t'embrasse ?

— Euh, qu'elle ait une âme pure ?

Elle soupire et me fusille du regard.

— Enfin, ça fait bien longtemps que la mienne ne l'est plus, embrumée par tout ce que je fume ! Va voir la princesse Stella, elle n'a que dix-sept ans, son cas n'est peut-être pas encore perdu.

Elle me griffonne une adresse et me la tend. Je la lis et constate que c'est à l'autre bout de la ville. Je baille puis grimace. Il se fait tard.

— Est-ce que je peux dormir ici ? Je ne sais plus trop où aller...

Six Contes pour faire rêver un monstreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant